Bonjour
des persécutés apatrides...je ne sais pas si les termes sont vraiment appropriés pour parler de troupes mutinées qui ont été réprimées, les Janissaires sont avant tout une organisation militaire multiséculaire de l'Empire Ottoman répandue dans les Etats sous son autorité qui bénéficient d'un degré d'autonomie plus ou moins large où ils représentaient la légitimité militaire turque dans ces territoires, et bien souvent comme toutes ces républiques du tiers-monde du XXe voire XXIe la force militaire faisant la pluie et le beau temps et l'instabilité des régimes politiques, mais au XIXe ils avaient perdu de leur superbe suite à leurs nombreuses mutineries y compris dans les Régences d'Alger et de Tunis
supprimés en 1826 en Turquie ils subsistaient encore dans ces deux Régences d'Afrique du Nord, et à Tunis jusqu'en 1831
pour l'Algérie en 1830 s'agissant d'une garnison ennemie vaincue l'Armée Française les a naturellement désarmé et expulsé vers leur patrie à Smyrne en premier lieu pour les célibataires, seuls les hommes mariés et les plus vieux ont été autorisés à demeurer avec leurs familles puisqu'il existait de nombreuses unions turco-maghrébines qui ont donné les kouloughlis
L'embarquement d'une grande partie des janissaires. Dès le 5 juillet, tous avaient reçu l'ordre de déposer leurs armes, fusils, pistolets, yatagans, soit dans leurs casernes mêmes, soit à la Kasbah, et l'on put croire qu'ils avaient tous et complétement obéi. Après le désarmement, le général en chef avait décidé que les hommes mariés pourraient demeurer provisoirement dans la ville, mais que les célibataires seraient transportés sans délai en Asie Mineure. Ils étaient 2500 que cette décision atteignait, il n'y eut parmi eux ni protestation, ni réclamation, ni plainte, ni murmure. On les vit silencieux, impassibles, se préparer sans agitation au départ, faire gravement leurs adieux et se diriger d'un pas tranquille vers le port. Le seul moment de surprise et comme d'émotion fut lorsqu'on remit à chacun d'eux, outre deux mois de leur solde, cinq piastres d'Espagne pour le voyage. Cette libéralité d'un vainqueur troublait toutes leurs idées; elle les touchait en dépit d'eux-mêmes, et ces bouches que l'orgueil musulman tenait obstinément muettes s'ouvrirent un moment pour exhaler comme par instinct quelques exclamations de reconnaissance. Répartis sur quatre vaisseaux de ligne, c'est à Smyrne que ces 2500 Turcs furent transportés (...) Il restait dans la ville un millier d'anciens janissaires, mariés, que la tolérance du vainqueur n'avait pas voulu expulser en même temps que les célibataires. Ces hommes avaient seulement été, comme les autres, soumis au désarmement; mais tous ne s'y étaient pas absolument résignés. On en eut des preuves. Des Arabes et des Kabyles furent surpris, comme ils sortaient de la ville, cachant sous leurs vêtements ou dans le chargement de leurs bêtes des munitions et des armes qui leur avaient été remises par des Turcs ils en firent l'aveu, mais ils refusèrent d'en désigner personnellement aucun. Deux de ces indigènes furent condamnés a mort par une commission militaire et exécutés. Tout ce qu'il y avait de Turcs reçut l'ordre de se préparer à partir. Comme les premiers, ceux-ci furent embarqués sur des navires de guerre et transportés à Smyrne. Ainsi l'ancien odjak disparut totalement d'Alger ses derniers représentants dans la Régence se trouvaient, les uns à Constantine avec le bey Ahmed, les autres avec le bey Hassan à Oran.
La conquête d'Alger Camille Rousset 1879
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