Mes chers compagnons,

La Révolution en Russie de 1905 est très mal connue par l'historiographie, car on part de postulats d'acteurs ( comme Trotsky par exemple ) qui ne voient en elle qu'un simple préliminaire de celle de 1917, largement plus étudiée.
En fait, c'est très dommage, car entre 1905 et 1914, la Russie a peut-être vécue les seules véritables heures de liberté de son histoire ( surtout entre 1905 et 1908...)
Tout débute par une guerre catastrophique contre le Japon ( 1904/1905).
Déjà, avec l'attaque de Port-Arthur en février 1904 - hé oui les Japonais sont spécialistes d'attaquer sans déclaration de guerre - les trois-quarts de la flotte russe du Pacifique sont défaits. Les campagnes terrestres en Mandchourie sont lamentablement menées par le vice-roi Alexeiv et le général Kouropatkine.
Le sentiment de mécontentement monte chez les Russes pour une guerre qu'ils ne comprennent pas, dans un Pacifique lointain et contre un pays méconnu.
Au fil des défaites, les opposants au tsarisme se réunissent, les actions terroristes reprennent ( Celles des Socialistes-Révolutionnaires ) et le ministre de l'Intérieur von Plehve - connu pour sa sauvage répression - est assassiné en août 1904.
C'est alors qu'un bouillonement de politique peut avoir lieu : réunions, création de partis, journaux fondés... En effet, son successeur, le prince Mirsky a compris que le pays avait besoin d' "oxygène".
Les Zemstvos ( assemblées locales ) se réunissent de plus en plus à Saint-Pétersbourg et à Moscou, dans le but d'obtenir une constitution de la part du Tsar et la participation dans la vie institutionnelle, à ses côtés, dans une assemblée représentative.
Si Nicolas II suit son ministre, au départ, il est pris après de vifs questionnements concernant le partage de son pouvoir autocratique. Ce serait pour lui manquer son devoir envers ses ancêtres, car il faut garder ce pouvoir de droit divin intacte ! Il hésite et sa promesse d'octroyer une Constitution en jenvier 1905 n'est pas réalisée...
Le peuple se propose donc, pacifiquement, de participer dans ces débats entre le pouvoir impérial et les Zemstvos. Il s'en donne l'occasion, le 22 janvier 1905, lors d'une manifestation dans les rues de Saint-Pétersbourg pour aller porter une pétition au Tsar. Accompagné par l'hymne "Dieu sauve le Tsar" et des centaines d'icônes de celui-ci, ils se dirigent vers le Palais d'Hiver.
Mais le Tsar est absent ( dans sa résidence de Tsarkoé-Sélo ) et c'est la fussillade de l'armée qui attend les manifestants !! Il y a plusieurs centaines de morts et c'est une sorte de rupture entre le Tsar protecteur et son peuple.
Le reste de l'année va être terrible car chaque camp se raidit dans ses positions. De gigantesques grêves vont être organisées en septembre et octobre 1905 ( il y a aussi l'anecdotique mutinerie du cuirassé Diaz-Potemkine en août ) pour forcer le Tsar a tenir ses promesses...
Il n'est plus assisté par le prince Mirski - qui a préféré remettre sa démission après l'échec des discussions avec les Zemstvos - mais par un homme, tout aussi énérgique et perspicace : le comte Witte.
Une constitution est promulguée après le manifeste impérial du 30 octobre 1905, dans laquelle est contenu la création d'une assemblée législative et représentative : la Douma d'Empire.
A partir de cette date on aboutit à un deuxième "printemps" politique où toutes sortes de partis et de "clubs" vont se former : des nobles conservateurs, en passant par les octobristes, pour aller jusqu'aux bolchéviks chez les socialistes radicaux.
La réunion de la Douma d'Empire est prévue pour le 6 mai 1906, mais celle-ci constitue un camouflet pour le Tsar : une majorité très nette de constitutionnels-démocrates ( libéraux souhaitant faire de la Douma une assemblée forte et combattive ). Le Tsar, lui, se satisfairait bien d'une Douma docile, en fait d'une chambre d'enrgistrement de ses lois...
Bref, la situtation va bientôt tourner à l'affrontement entre la majorité "cadette" et le pouvoir impérial... jusquà la dissolution de cette Douma en août 1906. Une seconde sera élue, mais n'ayant aucune majorité, elle entrera en conflit à nouveau avec le gouvernement impérial.
Nicolas II semble totalement dépassé et ne sait plus trop quoi faire, mais il va trouver un homme d'exception pour redresser la situation : A. Stolypine.
Il va faire réélire une troisième Douma ( après avoir fait dissoudre la deuxième sur de sombres prétextes de députés terroristes qui y siégeaient...), au début de l'année 1908, en changeant le mode d'élection : il introduit un système de curies, qui en fait une chambre de propriétaires terriens.
Les "printemps" politiques de 1904-1905 et 1906 sont terminés et la vie politique russe est progressivement mise au pas.
Pourtant, les réformes économiques et sociales de Stolypine vont être les plus importantes qu'ait connu la Russie...

duc de Raguse.
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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine

Bonjour,
Je viens de lire votre petit article sur la révolution russe de 1905. Je fais partie d'une compagnie théâtrale qui va monter en fev prochain, Oncle Vania de Tchekhov. Nous aimerions éclairer la pièce du point de vue des moujiks et des futurs événements de 1905. Nous sommes à la recherche d'informations... Sauriez-vous me dire si vous avez entendu dire:
le fameux dimanche rouge de fevrier 1905 où les moujiks allaient porter leur pétition au tsar aurait été précédé par un mouvement (le matin) dont les femmes seraient les instigatrices ?

Merci.

Bien à vous,

Gill Herde

Bonjour Gill,

Le dimanche 9/22 janvier 1905 à Saint-Pétersbourg, des femmes faisaient sans aucun doute partie de la manifestation pacifique se dirigeant vers le Palais d'Hiver, mais à ce que je sâche elle n'en furent aucunement les instigatrices.
Cette manifestation avait été décidée une semaine à l'avance par le syndicat - contrôlé par la police politique tsariste, l'Okhrana - des ouvriers des usines de Saint-Pétersbourg (peu de moujiks en fait... ), principalement ceux de l'usine Poutilov, sous la conduite du pope Gapone (un agent double).
Elle visait principalement à rappeler à Nicolas II que la guerre en Extrême-Orient faisait souffir le peuple russe et que ce dernier attendait des réformes politiques de la part de son monarque.

Bien à vous,

duc de Raguse.

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine

En effet, c'est bien l'Okhrana qui a manigancé cette manifestation, afin de faire savoir au peuple ce qu'il pouvait en coûter d'avoir l'audace de manifester (plusieurs milliers de morts à Saint-Pétersbourg) ; façon de faire comprendre qu'il ne fallait plus recommencer ce genre de démonstration. Gapone a été piégé et a eu la chance d'échapper au massacre. Par la suite il rejoindra les S.R., mais il se rapprochera une nouvelle fois de l'Okhrana et finira sa vie étranglé dans un chalet en Finlande. Drôle de personnage.
Vlad

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"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"

Je considère que la Russie a perdu beaucoup de possibilités avec l'assassinat de Stolypine en 1911, d'autant qu'il avait une certaine confiance de la part de l'Empereur. Comme les réformateurs, il était assez mal perçu; ce qui est normal dans le cours des événements où il est difficile d'être objectif...
En même temps, il semblait être très dur, car à cette époque est apparue l'expression "les cravates de Stolypine", qui n'a rien à voir avec une nouvlle mode vestimentaire puisqu'il s'agit des cordes servant à la pendaison!

Ajout bibliographique pour cet été : Albert Camus à écrit une pièce intitulée Les Justes sur l'assassiant du Grand-duc Serge Alexandrovitch, alors gouverneur-général de Moscou, par le SR Ivan Kalaiev le 18 février 1905. L'histoire raconte aussi la confrontation du révolutionnaire avec l'épouse du Grand-duc, Elisabeth Féodorovna (qui était elle-même la soeur de l'Impératrice!...). Très religieuse, elle devint par la suite la mère supérieure du couvent de l'ordre de Marthe-et-Marie qu'elle fonda à Moscou. Il était très implanté auprès des plus déshérités avec un orphelinat, un hôpital, une bibliothèque, une école, un maison pour les femmes, etc. Elle fut canonisée en 1982 par l'Elise orthodoxe russe en exil.

Autre petit ajout : on emploie souvent le terme de "Tsar" pour parler du souverain russe, or c'est la plupart du temps éronné. Effectivement, ce terme est valable seulement jusqu'en 1721, date à laquelle Pierre Ier prit de titre d'Empereur. Il convient donc de l'employer après cette date, si l'on veut être tout à fait correct!...

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"L'opinion publique n'existe que là où il n'y a pas d'idées."
"On devrait toujours être légèrement improbable."
Oscar WILDE

Avoir la confiance de Nicolas II est une chose, posséder celle du starets en est une autre.
Vlad

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Extrait de "La Chanson de Craonne"

Etrange... Le nom du SR en question n'était pas plutôt Sazanov ?
Kalaiev était juste son complice, il me semble.

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Alphonse de Lamartine

Il s'agit bien de Kalaïev. La Grande-duchesse Catherine passa la nuit suivant l'attentat dans sa cellule, le suppliant en vain d'implorer le pardon de Dieu et du tsar.
Catherine fut par la suite canonisée par l'Eglise orthodoxe de Russie.
Vlad

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Extrait de "La Chanson de Craonne"

Euh... Pas Catherine, mais Elisabeth! Dite Ella pour la famille.

Bien vu! Mais je crois que vers 1911 (avant la crise de Spala), Nicolas avait réussi à "éloigner" Raspoutine quelque peu: du moins "physiquement"...

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Oscar WILDE

J'ai fait un lapsus : il s'agit bien de la grande-duchesse Elisabeth.

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Extrait de "La Chanson de Craonne"

Sergei Dmitrievich Sazonov était le gendre de Stolypine. Il était diplomate et a travaillé à Londres, au Vatican, et il fut le ministre des Affaires Etrangères de 1910 à 1916.

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Que savez-vous sur cet homme ?
Dans les journaux dont je dispose et dans les livres sur cette révolution de 1905 que j'ai, c'est Sazanov qui est cité comme l'organisateur du meurtre et celui qui a lancé la grenade mortelle sur l'oncle du Tsar.

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Alphonse de Lamartine

Non, avec un a, il est évident que Sazonov ne va pas lancer une grenade sur le gouverneur militaire de Moscou.

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Alphonse de Lamartine

Un autre Sazonov (Yegor S.) , que l'on trouve aussi orthographié Sozonov, étudiant SR, a assassiné à coup de bombe le ministre des Affaires intérieures Viatcheslav Konstantinovitch von Plevhe en 1904 vers la gare de Varsovie à Saint-Pétersbourg.

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Oups, PleHve et pas PlevHe...

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