Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Non non, nous parlons bien d'objectivité. C'est ce vers quoi doit tendre tout historien. Que ça n'existe pas, c'est une chose, mais c'est pourtant vers quoi doit tendre l'historien.
Aucun historien ne peut être pleinement objectif - c'est pour cela que ses travaux ne peuvent y prétendre -, en premier lieu au regard du choix de son sujet d'analyse, des sources retenues, de ses propres idées, etc. Il y a toujours une forme de subjectivité dans sa démarche et cela est bien normal, cela demeure un être humain finalement.
La ligne qu'il ne doit pas franchir est celle de l'impartialité, or dans l'exemple cité il me semble que cette digue soit largement rompue, puisqu'on agite le spectre de "vilains" d'un côté (et ils se sont forgés en connaissance de cause cette vilénie depuis 843, visiblement) et de "gentils" de l'autre. Le manichéisme ne fait pas non plus bon ménage avec les réalités des sociétés humaines.
Relisez Antoine Prost, il est très clair à ce sujet.
Un extrait parmi d'autres :
Citer :
D'une part, les objets de l'histoire sont toujours pris dans des contextes, et ce que l'historien en dit est toujours référé à ces contextes. [...]L'impartialité de l'historien résulte d'une double attitude, morale et intellectuelle. Morale d'abord : de Seignobos à Marrou, tous les auteurs qui ont écrit sur l'histoire ont tenu un discours éthique. Ils ont insisté sur la nécessité pour l'historien de prendre en compte la position de tous les acteurs, de faire preuve d'honnêteté intellectuelle, de mettre entre parenthèses leurs propres opinions, de faire taire leurs passions, et pour cela de s'efforcer à d'abord d'élucider et de dépasser leurs implications personnelles.
Mais, l'appel à l'honnêteté et à la rigueur est aussi d'ordre intellectuel. C'est d'abord le choix d'une posture intellectuelle, et non morale et politique. S'il vise l'impartialité, l'historien doit résister à la tentation de faire servir l'histoire à autre chose qu'elle-même. Il cherche à comprendre, pas à faire la leçon, ou la morale. [...]
De toute manière ce genre d'historiens sont rapidement déconsidérés par leurs collègues."
Antoine Prost, Douze leçons sur l'histoire, pp 288-289
Citer :
Mais non, il n'y a pas de déterminisme dans ce que je viens d'évoquer
Mais si, puisque la fin est écrite à l'avance, en quelque sorte, et vous le confirmez finalement :
Citer :
Chaque peuple ne possède pas un destin écrit à l'avance, mais chaque peuple à ses mentalités, son histoire particulière, et quand un processus est lancé, il peut être difficile de l'arrêter.
A quel processus faites vous allusion ? En écrivant cela, dans l'exemple que vous développiez plus haut, c'est comme si Frédéric-Guillaume IV avait agit en conséquence de ce qui devait advenir
nécessairement en 1862, 1866, 1870, 1914 et, finalement, 1933.
Il y a un plan, une route, que chaque étape vient confirmer de manière logique, chaque nouveau chainon constituant une articulation cohérente avec le précédent.
Vous savez pourquoi cette belle vue de l'esprit ne tient pas la route ? Entre autres, à cause des "si" et du fait que rien n'est écrit à l'avance en Histoire : Bismarck aurait pu perdre la face devant le
Landtag et Guillaume Ier le renvoyer, il y aurait pu avoir un chef d'Etat plus clairvoyant en France que Napoléon III sur les intentions prussiennes avant Sadowa, Hitler n'aurait pu jamais sortir vivant des tranchées du Nord de la France, etc. Les personnages, animés par leurs convictions et leurs actes, ne me semblent pas interchangeables à souhait, pour que la feuille de route "fonctionne".
Vous pensez donc vraiment que le 1933 que nous connaissons aurait été nécessairement le même - c'est amusant vous avez répondu pour 1929 mais pas concernant le personnage d'Hitler ?
Pour en revenir à la période concernée, non, je ne pense pas qu'il y ait un
sonderweg.
Vous citez le pangermanisme, mais la politique de Bismarck n'y tend pas vraiment après 1871 - le "travail est fait" pour lui, l'essentiel est de le consolider et non pas de se mettre à dos toutes les puissances européennes en poursuivant des chimères - et politiquement ces polémistes sont invisibles et leurs théories n'arrivent pas à rencontrer une large adhésion avant 1929.
Un destin commun ? On tombe dans la terminologie nazie là, non ?
C'est un peu comme si le lecteur était intoxiqué par l'idéologie de ceux qu'il étudie sans les analyser comme il se doit, en commençant par les contextualiser...
Citer :
Sans 1929 est-ce que le nazisme serait arrivé au pouvoir ? C'est possible, cette crise n'a été qu'un accélérateur, ce qui a fait le lit du national-socialisme c'est le pangermanisme très présent en Allemagne
Avant 1929 la NSDAP n'a jamais dépassé par les 3% aux élections. C'est plus qu'un accélérateur là !
Citer :
Quoi qu'il en soit, si ça petit débat a été intéressant, ne nous attardons pas non plus sur ce livre, qui est simplement anecdotique
Je ne pense pas et il me semble qu'il serait sain qu'il se poursuive.
Car insinuer que le IIème Reich est, en quelque sorte, le père du IIIème selon cet auteur et vos dires (malgré ce que vous en dites) me semble hautement discutable.
Ce débat n'a aucun intérêt car vous déformez mes propos et semblez juste là pour créer une polémique qui n'a pas lieu d'être. Pourquoi je le pense ?
1) j'ai été clair sur les intentions de Calmette (donc venir avec un débat sur l'objectivité et l'impartialité c'est hors-de-propos). Et je rappelle simplement que n'importe qui qui a été en fac d'histoire, sait qu'un historien doit tendre vers l'objectivité, même si n'importe qui sait que c'est impossible, c'est le but (on est sur un forum d'histoire c'est important de le rappeler).
2) J'ai été très clair là aussi : l'histoire n'est pas écrite à l'avance, chaque homme politique peut faire des choix et influencera le court de l'histoire. En revanche, celui-ci est tenu par le contexte de son époque, par la mentalité de son époque. Je trouve votre relativisme très dangereux, lorsque vous sous-entendez que le IIIe Reich nait de nulle part...
3) Vous avancez des faits erronés. Par exemple le NSDAP a fait 6% en 1924 (le double de ce que vous affirmez donc). C'est également oublié qu'il existe des mouvements comme le Stahlhelm qui sont proche du nazisme mais ne le soutienne pas forcément (ce mouvement va longtemps soutenir le DNVP). L'une des raisons du succès du NSDAP sur le long terme, c'est que ce parti comprendra qu'il doit être rassembleur, pas élitiste. Expliquer son succès par 1929 est une erreur, c'est du relativisme qui nous fait croire qu'une partie des Allemands ont subitement inventé des idées suprémacistes, militaristes et revancharde...
Ensuite, autre erreur, vous semblez faire de Bismarck un gentil pacifiste après 1871, alors que lui-même était un militariste affirmé, un junker, et qu'après 1871 il n'hésitera pas à encore dire "Wo Preussens Macht in Frage kommt, kenne ich kein Gesetz"... Bref, Bismarck c'est l'incarnation de la mentalité prussienne.
Lorsque Frédéric-Guillaume IV rejette la constitution de 1848 (pour faire simple), je relève juste que l'Allemagne ne devient pas libéral à ce moment-là, et qu'elle s'unit sous un régime aristocratique et militariste. Ce n'est pas anodin, et ça aide à comprendre la suite des évènements. Maintenant cessez de déformer mes propos ou ceux d'autres historiens (encore que même s'ils sont déterministes ce n'est pas faux : pour Elias on est le fruit d'un contexte, et cette pensée ne me semble pas fausse, si je suis élevé dans un contexte militariste, je ne deviendrais pas militariste forcément, mais mon militarisme ou mon antimilitarisme seront grandement influencé par mon éducation. Un historien doit aussi réfléchir à ça, car on n'est plus dans l'histoire de papa où on alignait simplement des faits sans y réfléchir).
Ceci étant posé, mon approche a été très clair : le national-socialisme ne nait pas de nulle part, il puise ses sources d'intellectuels contemporain du Second Reich, il est nourri du revanchisme de la défait de 1914-1918, il est né dans un contexte d'une Allemagne imprégnée fortement de militarisme et de suprémacisme (tous les Allemands ne pensaient pas forcément ainsi, mais une partie oui, et c'est eux qui ont dirigé le pays, l'histoire c'est très complexe...), et de nombreux révolutionnaire-conservateur, pour la plupart d'anciens monarchistes et nostalgique du IIe Reich, vont soutenir le NSDAP (où ils seront pour certains purgé lors de la Nuit des Longs Couteaux mais c'est un autre débat). Cela ne signifie pas que l'Allemagne allait obligatoirement tendre vers le nazisme, mais elle l'a fait et il y a un contexte qui l'explique (ce que vous semblez nier comme si c'était choquant à vos yeux)...
La vraie question c'est : pour vous le IIIe Reich est une création ex nihilo ? En 1918 le Second Reich chute et les Allemands sonnent les tocsins et deviennent tous des démocrates libéraux ? C'est comme ça que ça marche l'histoire : une guerre se fini, et on rejoue une nouvelle partie qui n'a aucun rapport avec la précédente ?