Merci pour cet apport anglo-saxon, notamment le plus récent, dont j'ignorais l'existence.
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Mais le moment propice pour quoi ? Pour attaquer, pour faire changer la situation ?
L'attaque et la victoire courte et rapide peuvent faire "changer la situation" à peu de frais.
N'oublions pas que le premier objectif d'une guerre est de faire la paix, une paix avantageuse pour le vainqueur, qui n'a pas réussi à obtenir gain de cause par des voies plus pacifiques.
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Ils rejettent les explications classiques et estiment que ce sont les leaders (pas plus d’une dizaine dans chaque Etat, une petite élite) qui ont en quelque sorte décidé de commencer la guerre et qu’ils savaient très bien où ils allaient. Ainsi, s’ils rejettent le côté fataliste, il rejettent aussi les forces profondes (impérialisme, économie, etc.) : « The ‘big causes’, by themselves, did not cause the war ».
A ce titre, leur point de vue semble rigoureusement exact.
Je ne me prononce que sur le cas français, mais la méconnaissance de la classe politique française des affaires internationales, entre 1871 et 1914, est patente. Melchior de Vogüé, alors secrétaire de l'Ambassade de France à Saint-Pétersbourg - lorsque le général Le Flô était en charge - note dans son
Journal qu'à part Gambetta et Freycinet presqu'aucun "ministériable" ou député français n'avait de connaissance sur la diplomatie européenne, voire sur sa géographie. Certains ignoraient même ou se trouvaient la Bulgarie...
Cette ignorance se poursuit par la suite et laisse à une minorité de diplomates la bonne connaissance des affaires et la possible pression sur les décisions. Les ministres changeant trop souvent, souvent faibles et ignorants, ce sont eux, avec les militaires (moins après 1898), qui pèsent souvent sur la balance. Il ne s'agit pour autant pas d'un complot ou de quelque autre chose de cet ordre : il faut y voir une manière de penser et d'agir qui correspond à leur travail quotidien. Cela en devient un réflexe même, que leurs collègues européens connaissent aussi.
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Même l’Allemagne a eu une sorte de psychose face à un complot des autres pays qui lui voulaient du mal.
Une fabrication bismarckienne, datant de la fin des années 1870, entrée dans l'esprit des Allemands jusqu'en 1914, avec la fameuse thèse de "l'encerclement" auquel serait soumise l'Allemagne.
Bismarck agitait souvent cet épouvantail lors du vote des crédits militaires au
Reichstag. Le danger pour lui était la "revanche française" et à ce titre il fallait l'isoler tout en l'amadouant sur la question coloniale. Après, il nuançait devant les Ambassadeurs français...
C'est davantage un argument rhétorique, utile pour la propagande impériale, qu'une réalité.
Cinq puissances (dont trois majeurs en Europe) ne retrouvent pas "encerclées" par trois ou quatre autres !
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Dans l’Encyclopédie de la Grande Guerre, Becker disait aussi que si ce qui devait être un conflit austro-serbe s’est transformé en guerre franco-allemande, c’est en partie à cause d’erreurs d’appréciation de l’attitude de la Russie. Il ajoute également que les autorités fran4aises « ont subi les événements et laissé faire la Russie, elles n’ont pas joué de rôle réel. » Et, après avoir avancé quelques explications, conclut que la France fut l’une des plus passives durant la crise de juillet et qu’elle a laissé faire les Russes même si elle n’approuvait pas cette politique (je ne peux rien affirmer sur ce dernier point).
Ce point est plus obscur.
Il est clair qu'au moins de juillet, avant que la position austro-hongroise, soutenue par l'Allemagne, ne se développe, personne ne pense en Europe qu'un conflit ne puisse arriver pour l'assassinat d'un archiduc. Tout s'emballe dans la deuxième quinzaine du mois de juillet, avec cette volonté autrichienne de faire une guerre pour cimenter le régime, la Russie est aussi atteinte par ce genre de velléité.
Cependant, la diplomatie française partage cette marque de fermeté russe à l'encontre de l'ultimatum autrichien. Elle n'a pas le choix, comme je l'ai expliqué plus haut. Toute la stratégie française est fondée sur l'alliance russe, sans elle, il y a peu de chance de vaincre l'Allemagne. Ce n'est donc pas un boulet trainé par la France, d'autant plus depuis la guerre russo-japonais, la France a pris un ascendant sur la Russie, alors que c'était plutôt l'inverse dans les années 1890.
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Concernant ceux qui voulaient éviter la guerre, on retrouve en premier lieu la Grande Bretagne. Le ministre des affaires étrangères, Grey, était contre la guerre et a essayé de l’éviter.
Comme je l'ai expliqué plus haut, un personnage ne peut pas arrêter le torrent qui touche l'opinion anglaise depuis près de vingt ans, où l'Allemagne et plus précisément Guillaume II sont grimés en permanence dans les médias comme des envahisseurs potentiels et une menace permanente pour l'Empire.
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Il me semble aussi que Guillaume II voulait circonscrire le conflit et éviter l’embrasement local
La lettre citée plus haut va plutôt dans le sens opposé.
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estime que Vienne et St. Petersbourg voulaient la guerre, qu’ils n’auraient pas pu y parvenir si l’Allemagne n’avait pas eu l’attitude qu’on lui connaît.
L'enjeu résidait bien la position qu'allait adopter l'Allemagne :
- Vienne n'aurait rien pu faire sans elle.
- La France ne serait pas entrée en guerre sans que les Allemands soient de la partie, le Royaume-Uni sans doute pas davantage.
Il ne faut cependant pas y percevoir une
vendetta contre l'Allemagne et le
Kaiser, mais la recherche d'un moment opportun pour mettre fin à l'omnipotence allemande en Europe, acquise depuis 1871 et renforcée depuis par la politique bismarckienne, sans parler de la politique wilhelmienne outrancière et souvent agressive.
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je suis plutôt d’accord avec vous. Par contre, s’ils connaissaient les risques, ils ont joué avec le feu en espérant que cela fonctionnerait une fois encore. Et là je maintiens ma notion de piège, puisqu’ils se sont retrouvés imbriqués dans un système qu’ils croyaient maitriser.
Vous m'en voyez ravi.
Il est juste dommage que vous ne m'ayez pas fait confiance au départ. Je n'ai aucun intérêt à écrire n'importe quoi...
Quant au système, il est totalement maîtrisé par ses contemporains : l'engrenage des alliances est parfaitement connu. C'est bien pour cela que l'Allemagne veut être bien certaine de ce qu'elle doit faire le 1er août en questionnant le gouvernement français de sa réaction en cas d'une guerre germano-russe. Viviani déclare que les engagements de la France seront tenus. Suite à quoi Berlin déclare la guerre à la France. Nul besoin de dessin...
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Mais à l’époque, à moins de vouloir à tout prix que la guerre commence, il était difficile de se faire une vue d’ensemble et de comprendre précisément que A allait entraîner B, qui allait entraîner C, etc
Si, au contraire, les seuls pour lesquels les chancelleries européennes doutaient étaient les Roumains (affichés cependant proches de la Triplice mais pouvant se "vendre" au plus offrant) et les Italiens (avaient promis leur neutralité à la France en 1902, mais comment les faire entrer dans l'Entente ?). Cette défaillance tardive de l'Italie étant d'ailleurs un des rares grains de sable dans le système.