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 Sujet du message : Légende noire de Jules Ferry
Message Publié : 18 Mai 2021 9:43 
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Philippe de Commines
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En regardant cet entretien avec l'historienne Ludivine Bantigny, j'ai été interloqué par des propos tenus à l'encontre de J. Ferry.
En ce qui concerne son rôle pendant la Commune, elle évoque sa fuite avec les caisses municipales, privant les parisiens de moyens et accentuant la détresse dans laquelle ils se trouvaient.
Elle porte également un jugement extrêmement sévère sur "l'école de Jules Ferry", gratuite pour en chasser l'église, mais profondément inégalitaire, car formant de préférence de bons petits soldats-ouvriers ou paysans patriotes, sans espoir d'ascension sociale (je résume), et réservant les études aux élites...Quid de la méritocratie républicaine ? des boursiers ?
Je soumets cette vidéo à vos avis. Voici une jeune historienne faisant preuve d'un engagement assez inédit (en tout cas absent des débats depuis des décennies)...

https://www.lemediatv.fr/emissions/2021 ... w_rDVzDgWg

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Message Publié : 18 Mai 2021 10:46 
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La gauche socialiste - je parle du terme employé au XIXème, qui concerne d'autres réalités, d'autres programmes et d'autres personnes qu'au XXème siècle - a toujours condamné Ferry, ce n'est pas neuf. Ferry a toujours été la tête de turc de cette gauche radicale.
A la fois pour son rôle de maire de Paris au moment du la guerre contre la Prusse et ses alliés (Ferry-famine) et le système scolaire qu'il va mettre en place ensuite avec les Républicains "opportunistes". Ce dernier est jugé comme élitiste, ne se contentant que d'orienter les élèves vers différents métiers (l'élite, quant à elle, ira au lycée) et de lui transmettre un patriotisme jugé dangereux par ceux-ci.
Cette historienne est surtout engagée - un peu trop - dans la défense de la mémoire de la Commune et avance pas mal de contre-vérités : Bismarck ne voulant pas la guerre, entre autres..., certes, mais qui a tout fait pour l'obtenir !

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Message Publié : 18 Mai 2021 12:07 
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Liber censualis a écrit :
En ce qui concerne son rôle pendant la Commune, elle évoque sa fuite avec les caisses municipales, privant les parisiens de moyens et accentuant la détresse dans laquelle ils se trouvaient.

Il n'y a pas que cet argent-là.

L'épisode le plus grave sur ce point : la Commune s'est faite avoir par la Banque de France. (Dont elle aurait d'ailleurs pu piller les coffres !)

Elle a demandé à la BDF une "avance" que celle-ci ne lui a accordé qu'à regret, tandis qu'elle ouvrait en douce une ligne de crédit illimitée au gouvernement officiel de Versailles.

En bons pauvres soucieux de leur dignité et refusant absolument l'idée de "voler", les Communards se sont contentés de ce que la BDF leur allouait alors qu'ils auraient pu exiger tout ce dont ils avaient besoin.

Il faudrait chercher en détail pour comparer les montants dont ont pu disposer les deux camps. (J'ai oublié dans quel ouvrage j'ai lu cela.)

Pour revenir à Jules Ferry, son image populaire était très mauvaise, parce qu'il avait été chargé du ravitaillement pendant le siège de Paris, ce qui lui valait le surnom de "Ferry-famine". (Un poste impossible : il n'y avait pas grand chose à répartir...) Il était donc par avance un adversaire résolu de la Commune, mais je ne connaissais pas cette évacuation en douce des caisses municipales. (Ou du Crédit Municipal ?) Dans son cas, ce serait plutôt une preuve de courage personnel, une "émotion populaire" sur ce sujet sensible lui aurait été fatale... mais cette historienne en dit assez peu sur les circonstances.

HS : j'aime beaucoup le titre de cette émission :"On s'autorise à penser". :mrgreen:

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Message Publié : 18 Mai 2021 15:45 
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La fiche Wiki de cette historienne mentionne qu'elle est intervenue dans la presse pour soutenir la " pensée décoloniale" , ce qui donne une idée de ses positions idéologiques.

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Message Publié : 18 Mai 2021 16:12 
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Ah oui Ludivine Bantigny je la "suis" depuis pas mal de temps. Elle dit explicitement "tenir" avec les ouvriers, ce qui a valu au saint patron des éditions du Seuil histoire, P.Boucheron, un étonnement.
Bon au moins elle est droite dans ses bottes, elle ne cache pas ses opinions.
Cf cet entretien:

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Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer. Beaumarchais, Le Barbier de Séville, 1775.


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Message Publié : 18 Mai 2021 17:43 
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Dans le premier entretien elle ne cache pas sa sympathie pour la Commune.

Pour ma part j'ai une certaine empathie attristée envers ce petit peuple parisien qui a foncé tête baissée dans ce qui ne pouvait être qu'une aventure tragique, sans mesurer le rapport de force ni la volonté, en face, de "nettoyer" Paris. Mais je ne partage pas ce lyrisme de la révolte - ou de la révolution - qu'on voit souvent autour de la Commune, ce qui est le cas ici.

Concernant Jules Ferry, je trouve ce reproche d'avoir voulu faire une "école obligatoire minimale" anachronique, injuste, et très marqué idéologiquement.

Anachronique, parce qu'il faut mesurer de quelle situation on partait et à quel âge on commençait à travailler à l'époque. L'ambition d'apprendre à tous à "lire écrire et compter", et gratuitement, représentait un saut considérable. La voir comme minimale est une vision d'aujourd'hui.

De même l'idée que ce minimum était destiné à faire des ouvriers "exploitables mais pas davantage" est purement idéologique. (C'est le contraire qui est vrai : la généralisation de l'éducation a considérablement accru le lectorat des journaux, par exemple.)

Tout au plus pourrait-on soupçonner une arrière-pensée militaire (avec la fameuse phrase "la guerre de 1870 a été gagnée par les instituteurs prussiens") mais je pense que Jules Ferry et les républicains qui ont approuvé ce projet croyaient avant tout au progrès.

Et je me demande aussi ce qu'il faut penser de cette histoire de Jules Ferry faisant évacuer "dans des tonneaux et caché sous des bâches" l'argent de la mairie de Paris. (dont le montant ne justifiait certainement pas une telle prise de risque.) Je trouve que ça sent le "ragot de pavé" né sous la Commune. Mais bon, si quelqu'un trouve sa source...

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Message Publié : 18 Mai 2021 19:00 
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Citer :
L'ambition d'apprendre à tous à "lire écrire et compter", et gratuitement, représentait un saut considérable. La voir comme minimale est une vision d'aujourd'hui.

Absolument ! D'autant plus que les "fondamentaux" d'une école obligatoire (ou instruction, pardon) d'aujourd'hui entre 3 et 16 ans sont pratiquement identiques à ceux de Ferry... :rool:

Je ne savais pas que de tels reliquats du collectivisme existaient encore aujourd'hui, avec une lecture aussi idéologique et partisane de l'Histoire. 8-|

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Message Publié : 19 Mai 2021 15:06 
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Philippe de Commines
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Pierma a écrit :
Dans le premier entretien elle ne cache pas sa sympathie pour la Commune.

Pour ma part j'ai une certaine empathie attristée envers ce petit peuple parisien qui a foncé tête baissée dans ce qui ne pouvait être qu'une aventure tragique, sans mesurer le rapport de force ni la volonté, en face, de "nettoyer" Paris. Mais je ne partage pas ce lyrisme de la révolte - ou de la révolution - qu'on voit souvent autour de la Commune, ce qui est le cas ici.


Le peuple parisien contraste singulièrement avec le reste du pays qui est majoritairement pour la paix, alors qu'une majorité de français n'a pas vu l'ombre d'un casque à pointe. Les parisiens, assiégés, veulent eux la guerre à outrance, la sortie en masse. Attitude peut-être suicidaire d'une population peut-être plus politisée que le reste du pays.
Qu'entendez vous par "lyrisme de la révolte ou révolution" ?

Pierma a écrit :
Concernant Jules Ferry, je trouve ce reproche d'avoir voulu faire une "école obligatoire minimale" anachronique, injuste, et très marqué idéologiquement.

Anachronique, parce qu'il faut mesurer de quelle situation on partait et à quel âge on commençait à travailler à l'époque. L'ambition d'apprendre à tous à "lire écrire et compter", et gratuitement, représentait un saut considérable. La voir comme minimale est une vision d'aujourd'hui.

De même l'idée que ce minimum était destiné à faire des ouvriers "exploitables mais pas davantage" est purement idéologique. (C'est le contraire qui est vrai : la généralisation de l'éducation a considérablement accru le lectorat des journaux, par exemple.)

Tout au plus pourrait-on soupçonner une arrière-pensée militaire (avec la fameuse phrase "la guerre de 1870 a été gagnée par les instituteurs prussiens") mais je pense que Jules Ferry et les républicains qui ont approuvé ce projet croyaient avant tout au progrès.

Je pense qu'elle fonde sa critique, sans le dire, au fait que seule l'école primaire était gratuite. Pour la suite, il fallait payer ou avoir une bourse "octroyée sans largesse", qui débouche au mieux sur le "primaire supérieur" et surtout pas sur le collège, réservé aux "couches supérieures" de la société. Ferry tenait particulièrement à cet hermétisme, garant du maintien des hiérarchies sociales (Cf J.M Gaillard, J Ferry, Fayard, 1989). Bien sûr, les parois se sont avérées poreuses et la suite a montré que les enfants de paysans ou d'ouvriers ont pu accéder au secondaire, mais avec parcimonie. Et l'accès indifférencié au bac que l'on a connu dans les années 70, avec un succès pour le moins mitigé, a au moins eu le mérite de supprimer la sélection par la fortune.

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Message Publié : 19 Mai 2021 16:06 
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Eginhard
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Voici un extrait du discours de Jules FERRY devant le conseil général des Vosges en 1879:
« Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. On y exalte l’ancien régime et les anciennes structures sociales. Si cet état de choses se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes diamétralement opposés, inspirés peut-être d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871. »
(… « grâce à notre école, nous fermerons l’ère des révolutions
"

Un discours sans doute destiné à justifier auprès des notables ,élus locaux des Vosges, que je n'imagine guère "communarolâtres" les futures dépenses liées aux écoles communales.

Concernant le "détournement de fonds", je n'en trouve trace que chez K.Marx, dans "La guerre civile en France" , qui écrit : " Jules Ferry, avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège, à tirer par escroquerie une fortune de la famine. Le jour où il aurait à rendre compte de sa mauvaise administration serait aussi celui de sa condamnation. "... mais il ne cite pas ses sources, le bougre :mrgreen:


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Message Publié : 19 Mai 2021 16:15 
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Philippe de Commines
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Res publica a écrit :
Concernant le "détournement de fonds", je n'en trouve trace que chez K.Marx, dans "La guerre civile en France" , qui écrit : " Jules Ferry, avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège, à tirer par escroquerie une fortune de la famine. Le jour où il aurait à rendre compte de sa mauvaise administration serait aussi celui de sa condamnation. "... mais il ne cite pas ses sources, le bougre :mrgreen:


Et la citation est fournie par un site de "régionalistes" bretons sur une page particulièrement rude envers Jules Ferry.

https://www.contreculture.org/AG%20Ferry.html

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Message Publié : 19 Mai 2021 16:19 
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Liber censualis a écrit :
Je pense qu'elle fonde sa critique, sans le dire, au fait que seule l'école primaire était gratuite. Pour la suite, il fallait payer ou avoir une bourse "octroyée sans largesse", qui débouche au mieux sur le "primaire supérieur" et surtout pas sur le collège, réservé aux "couches supérieures" de la société. Ferry tenait particulièrement à cet hermétisme, garant du maintien des hiérarchies sociales (Cf J.M Gaillard, J Ferry, Fayard, 1989). Bien sûr, les parois se sont avérées poreuses et la suite a montré que les enfants de paysans ou d'ouvriers ont pu accéder au secondaire, mais avec parcimonie. Et l'accès indifférencié au bac que l'on a connu dans les années 70, avec un succès pour le moins mitigé, a au moins eu le mérite de supprimer la sélection par la fortune.


Qui a besoin de faire des études supérieures à une époque où la majorité de la population est paysanne. Les enfants aident aux champs et le tertiaire est très, très peu développé. L'important à cette époque est de savoir lire, écrire et compter, ce qui était déjà le cas d'une majorité de la population, tout du moins dans le nord de la France, avant Jules Ferry. Les élèves brillants peuvent faire des études, Joffre, fils de tonnelier ou Pétain, fils de paysan en sont un exemple. A quoi aurait servi 80 % d'une classe d'âge ayant le bac en 1900 ? Notons aussi que le bac est une passion très française, les pays germaniques sont plus tournés vers l'apprentissage.

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Message Publié : 19 Mai 2021 16:37 
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Liber censualis a écrit :
Qu'entendez vous par "lyrisme de la révolte ou révolution" ?

Il y a toute une mythologie autour de la Commune, longtemps vue par les marxistes, et aujourd'hui encore, comme la première révolution ouvrière moderne.

Imaginez-vous que Lénine a improvisé quelques pas de danse après 74 ou 84 jours (ça doit être à peu près cette durée) de gouvernement des Soviets, parce qu'ils avaient d'ores et déjà tenu aussi longtemps que la Commune ! 8-|

J'aurai toujours plus de sympathie pour Jules Vallès que pour Gallifet, je partage l'indignation de J.B. Clément lorsqu'il écrit "La Semaine Sanglante", mais enfin je ne suis pas de ceux qui regardent avec attendrissement le dépôt de gerbes au Mur des Fédérés : la Commune c'est d'abord une "grosse connerie", passez-moi l'expression.

Pour moi l'absence d'éducation politique (ce qui nous ramène à l'éducation tout court) a compté au moins autant que le patriotisme dans le lancement de cette folie. Et puis il y a les circonstances historiques, qui ont fait que le peuple de Paris s'est soudain retrouvé mobilisé et armé, beaucoup trop sûr de sa force. Une hallucination collective... :rool:

(Pour être honnête, il faudrait y ajouter la fin du moratoire des loyers et de la durée des dépôts au Mont de Piété, dont je me suis toujours demandé si ce n'était pas une provocation délibérée, dans un Paris encore partiellement encerclé par les Prussiens et où il n'y avait pas de travail.)

Citer :
Je pense qu'elle fonde sa critique, sans le dire, au fait que seule l'école primaire était gratuite. Pour la suite, il fallait payer ou avoir une bourse "octroyée sans largesse", qui débouche au mieux sur le "primaire supérieur" et surtout pas sur le collège, réservé aux "couches supérieures" de la société. Ferry tenait particulièrement à cet hermétisme, garant du maintien des hiérarchies sociales (Cf J.M Gaillard, J Ferry, Fayard, 1989). Bien sûr, les parois se sont avérées poreuses et la suite a montré que les enfants de paysans ou d'ouvriers ont pu accéder au secondaire, mais avec parcimonie. Et l'accès indifférencié au bac que l'on a connu dans les années 70, avec un succès pour le moins mitigé, a au moins eu le mérite de supprimer la sélection par la fortune.

Dire "seule l'école primaire était gratuite" c'est sous-estimer l'effort budgétaire consenti pour une institution qui va s'étendre à l'ensemble de la métropole, jusqu'au dernier village de montagne.

Au delà du primaire, à partir de 1900, ils sont nombreux les enfants d'artisans, par exemple, qui percent jusque dans le secondaire, voire le supérieur. Une partie non négligeable du personnel politique et administratif de la IIIe République ne provient pas de familles fortunées.

Edit : c'est amusant, j'avais pensé moi aussi à Joffre, fils de tonnelier. :wink:

Ce n'était certes pas la promotion des plus pauvres, mais enfin l'ascenseur social fonctionnait... (Il est exact qu'il n'a jamais autant fonctionné que pendant les années 60/70, mais c'est lié à une situation d'expansion jamais vue dans l'histoire, et qu'on ne peut donc pas prendre comme référence : c'est une période où on progressait avec la moindre ébauche de diplôme, voire même sans.)

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Message Publié : 19 Mai 2021 19:17 
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Jean-Marc Labat a écrit :
Liber censualis a écrit :
Je pense qu'elle fonde sa critique, sans le dire, au fait que seule l'école primaire était gratuite. Pour la suite, il fallait payer ou avoir une bourse "octroyée sans largesse", qui débouche au mieux sur le "primaire supérieur" et surtout pas sur le collège, réservé aux "couches supérieures" de la société. Ferry tenait particulièrement à cet hermétisme, garant du maintien des hiérarchies sociales (Cf J.M Gaillard, J Ferry, Fayard, 1989). Bien sûr, les parois se sont avérées poreuses et la suite a montré que les enfants de paysans ou d'ouvriers ont pu accéder au secondaire, mais avec parcimonie. Et l'accès indifférencié au bac que l'on a connu dans les années 70, avec un succès pour le moins mitigé, a au moins eu le mérite de supprimer la sélection par la fortune.


Qui a besoin de faire des études supérieures à une époque où la majorité de la population est paysanne. Les enfants aident aux champs et le tertiaire est très, très peu développé. L'important à cette époque est de savoir lire, écrire et compter, ce qui était déjà le cas d'une majorité de la population, tout du moins dans le nord de la France, avant Jules Ferry. Les élèves brillants peuvent faire des études, Joffre, fils de tonnelier ou Pétain, fils de paysan en sont un exemple. A quoi aurait servi 80 % d'une classe d'âge ayant le bac en 1900 ? Notons aussi que le bac est une passion très française, les pays germaniques sont plus tournés vers l'apprentissage.


Le fait de réserver ces études à ceux qui peuvent les payer contredit le principe d'égalité. Bien sûr, la république a octroyé des bourses aux meilleurs des fils d'ouvriers, d'artisans ou paysans, pour qu'ils puissent côtoyer des enfants qui n'avaient peut-être pas autant d'effort à fournir pour suivre ces études...

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Message Publié : 19 Mai 2021 22:24 
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Localisation : Provinces illyriennes
L'idée des Républicains était d'abord de faire bénéficier l'instruction élémentaire au plus grand nombre, dans la lignée des idéaux des Lumières, pour qu'enfin les projets d'instruction publique de la Révolution puissent - avec quelques différences par rapport à 1791-1793 - devenir réalité et faire du citoyen français une personne éclairée par la Connaissance dans ses choix (un peu orientés par le régime, il est vrai).
Mais régénérer l'élite et arriver à ce que les "couches nouvelles" - pour paraphraser Gambetta - puissent intégrer les élites politiques, économiques et culturelles était bien réelle. Le nom de cette porte d'entrée se nommait alors méritocratie, qui, seule, permettait aux notables d'antan de devoir partager leur installation sur l'estrade avec ces nouveaux venus.
On cite Joffre plus haut (ou Pétain), j'ai une pensée pour Charles Péguy ou Alain Fournier, voire Pagnol, tous issus de familles modestes. Lire l'Argent, par exemple, permet de comprendre le sens de cette école de la République, cette "communale", ses buts et, surtout, les changements culturels et sociaux qu'elle permis à la génération qui a bénéficié de ses premiers bienfaits émancipateurs. Cela, bien mieux que dans les discours d'un ministre ou dans des démonstrations d'idéologues.

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Duc de Raguse a écrit :
L'idée des Républicains était d'abord de faire bénéficier l'instruction élémentaire au plus grand nombre, dans la lignée des idéaux des Lumières, pour qu'enfin les projets d'instruction publique de la Révolution puissent - avec quelques différences par rapport à 1791-1793 - devenir réalité et faire du citoyen français une personne éclairée par la Connaissance dans ses choix (un peu orientés par le régime, il est vrai).
Mais régénérer l'élite et arriver à ce que les "couches nouvelles" - pour paraphraser Gambetta - puissent intégrer les élites politiques, économiques et culturelles était bien réelle. Le nom de cette porte d'entrée se nommait alors méritocratie, qui, seule, permettait aux notables d'antan de devoir partager leur installation sur l'estrade avec ces nouveaux venus.
On cite Joffre plus haut (ou Pétain), j'ai une pensée pour Charles Péguy ou Alain Fournier, voire Pagnol, tous issus de familles modestes. Lire l'Argent, par exemple, permet de comprendre le sens de cette école de la République, cette "communale", ses buts et, surtout, les changements culturels et sociaux qu'elle permis à la génération qui a bénéficié de ses premiers bienfaits émancipateurs. Cela, bien mieux que dans les discours d'un ministre ou dans des démonstrations d'idéologues.

Pas de désaccord avec tout ce qui est dit. La méritocratie républicaine a été réelle, et le système des bourses a permis a des enfants "méritants" des couches sociales modestes de s'insérer dans les classes supérieures. Mais je reste convaincu que l'absence de gratuité des études secondaires signifiait qu'il y avait des limites à l'ascension sociale pour nos vieilles barbes républicaines. La gratuité du secondaire a été un parachèvement normal du projet initial... Après faire monter tous les élèves mécaniquement et leur donner le bac à tous c'est autre chose.

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