Pour ne pas faire dévier le sujet sur les discours de De Gaulle, j'ouvre ce sujet sur un aparté concernant l'épisode de Conlie
Rebecca West a écrit :
Je n'ai pas changé d'avis quant au personnage de Gambetta. Le camp de Conlie pèse un peu dans la balance, je l'avoue.
Je ne connaissais pas cet épisode. Comme il n'y a que des allusions sur le forum, mais pas d'explication, j'ai lu la courte page wikipedia et surtout le site qui y est consacré. Rappel des faits
http://www.loire1870.fr/pages/pa_bret/camp.htm#resp1Le camp dit "de Conlie", près du Mans, était l'endroit où les recrues de Bretagne devaient se rendre pour leur instruction. Il s'est révélé totalement invivable, insalubre et fut progressivement évacué avant d'être détruit par les Prussiens 3 mois après sa création.
Il y a deux scandales: le premier concerne l'armement inadéquat, des fusils vétustes, des munitions ne correspondant pas, et l'équipement des soldats. Pour cette raison, lors de la bataille du Mans les 11 et 12 janvier 1871, les Prussiens font un carnage dans les rangs bretons.
Avant cette bataille, il y a le second scandale, qui concerne le camp lui-même. Si le jeune ministre Gambetta a failli en n'envoyant pas les armes nécessaires, on ne peut lui imputer la responsabilité de ne pas savoir construire un camp militaire en bon ordre. Il y a des officiers dont c'est le job.
Or, en ce cas, c'est le général Keratry qui décide d'implanter le camp à cet endroit, en hiver, sur des terres labourées, sans baraques construites à l'avance, sans chemins empierrés, sans tenir compte du temps qu'il fait dans la Sarthe en Novembre qui va transformer le camp en bourbier insalubre en moins de deux semaines. Keratry n'a pas prévu d'instructeurs qualifiés dans ce camp d'instruction, qui auraient pu encadrer la construction du camp, ni une instruction préalable des recrues dans leurs départements d'origine. Trois semaines après, quand il constate que ce beau b*rdel qu'il a créé commence à lui tacher le plastron, il démissionne tranquillement et va se mettre bien au sec pour le reste de l'hiver. Avec des généraux comme ça, point besoin d'ennemi.
Déposition du général Gougeard (Rapports, tome XI, Enquête parlementaire. n°1416J 1873 - (Cerf et fils, Versailles, 1873) - Séance du 11 juin 1872.
« Conlie n'est pas une position militaire sérieuse ... Elle est encore moins une position pour un camp d'instruction.
Les eaux n'ont pas d'écoulement, les terres sont fortes et argileuses, de sorte que la boue est quelque chose d'inimaginable".
La seule décision à prendre après la démission de Keratry fut l'évacuation de son camp, qui a tardé. Là encore, Gambetta est coupable de ne l'avoir pas ordonnée. C'est un marin, le Capitaine de Vaisseau Marivault, qui hérite du mer*dr*ier de Keratry. Il fait une première évacuation en urgence, en découvrant l'insalubrité du camp, un mois après l'inauguration par Keratry, puis une évacuation progressive.
En moins de 3 mois d'existence, entre le 10 novembre 1871 et le 13 janvier 1871, ce sont environ 180 recrues qui ont succombé à des maux dus à l'insalubrité, sur 60 000 soldats bretons qui ont séjourné au camp.