Au pied du kopje d'isandhlawana restent en position d'attente, sous les ordres du lieutenant-colonel Pulleine, 5 compagnies du 1er bataillon et une compagnie du 2ème bataillon du 24th, deux pièces d'artillerie, des unités du NNC.
Dans la matinée rejoignent le colonel Durnford et ses cavaliers, plus de 300, composés essentiellement de Sikhalis, de cavaliers basoutos, et d'éléments des milices frontalières.Des deux unités, celle la plus exposée est sans conteste celle de Lord Chelmsford, qui s'avance par échelons dégradés, son artillerie de quatre pièces n'arrivant pas à suivre le rythme général de marche en raison des nombreux dongas à traverser.
Mais le danger n'est pas en plein nord, là ou vont le général et ses troupes. Il va arriver d'une direction imprévue, de l'est et du sud-est du kopje. Le grand Impi, fort de 20 000 à 25 000 guerriers, a accompli une progression magistrale par sa rapidité.
Il a contourné par la droite la ligne de pénétration anglaise, et se rabat brutalement, depuis le plateau Nkutu, sur le camp principal. Vraisemblablement, les uns et les autres se cherchaient. Les britanniques n'avaient pas pris en compte que, comme eux, les zoulous auraient comme réflexe stratégique d'aller au contact, au lieu d'attendre l'offensive ennemie.
Tout aussi vraisemblablement, les zoulous ne pensaient pas avoir la chance inouïe de tomber sur le camp principal de la colonne n°3 dégarnie de la moitié de l'effectif.
Face à toute l'unité, ils auraient de toute manière chargé, au risque de subir ce qui leur adviendra plus tard à Ginghilovu et Ulundi.
Toujours est-il que, le destin faisant, ce matin du 22 février, le camp d'Isandhlwana, regroupant plus de 300 chariots et des centaines de tentes, se trouve défendu par une troupe réduite qui, voulant défendre la totalité du périmètre, se disloquera de manière mortelle.
Si au pied du kopje trois compagnies anglaises prennent position en restant relativement proches, ce qui est déjà une erreur grave, les trois autres compagnies, en équerre, sont carrément séparées les unes des autres par plusieurs centaines de mètres.
L'articulation est constituée des deux pièces d'artillerie, protégée en avant par des compagnies du NNC qui, terrifiées, ne tiendront pas face à la charge général du "poitrail". Car l'Impi développe sa tactique classique, du poitrail et des deux cornes.
L'encerclement de part et d'autre de l'Isandhlwana ne laissera aucune chance, ou très peu, aux fuyards. Les compagnies, dépourvues de munitions après près de deux heures de feu intense, seront exterminées sur place, les zoulous chargeant entre les intervalles et atteignant dans la foulée le camp lui-même.
De cette bataille, deux témoignages permettent de se rendre compte de l'effet qu'elle eut. Le guerrier zoulou que j'évoquais plus haut, et qui des années plus tard se souvenait du courage des tuniques rouges dont aucune selon lui n'avait tourné les talons, et Lord Chelmsford, qui, revenant sur le lieu du désastre au soir du 22 janvier, dira : "je ne comprends pas, j'avais laissé plus de 1 000 hommes ici" ...
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
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