Effectivement Jadis, je l'avais cité dans la première page.
Il va un peu plus loin que l'étude de cette fameuse Revanche au sein du corps des officiers français et offre une définition proche de celle que je donnais plus haut :
Henry Contamine a écrit :
" La République n'a jamais fixé de plan d'actions, encore moins dit une date. Impersonnelle, routinière, elle attendait que le conflit naquît d'une agression allemande."
La Revanche, p. 51.
Sternhell, cité par Becker et Audouin-Rouzeau, n'écrit pas l'inverse :
Zeev Sternhell a écrit :
"Il serait difficile de fournir une définition réelle des Français à l'égard de la revanche : certes, le désir de voir les deux provinces rendues à la France était général, mais il ne semble pas que la majorité des Français ait eu l'intention de se battre pour les reconquérir. La revanche était surtout un mythe, mais l'opinion publique désirait que ce mythe fut entretenu. [...] les Français se refusaient à entériner un état de fait qui consacrait l'humiliation du pays."
Maurice Barrès et le nationalisme français, p. 95.
J'ajoute que les diplomates français, entre 1870 et 1900 n'ont jamais recherché autre chose : faire en sorte que la France sorte de l'isolement dans lequel Bismarck l'avait placée et qu'elle soit prête à reprendre les provinces perdues en cas de conflit avec l'Allemagne, à condition que la France ne soit pas l'agresseur. Le souvenir de la politique extérieure funeste du 2nd Empire en Europe avait laissé des traces dans toutes les chancelleries et la France, après son "recueillement", devait chercher des perspectives nouvelles, à l'exemple de l'alliance franco-russe.
Chanzy a écrit :
"Il est évident pour moi que le prince de Bismarck avait alors la pensée de détruire chez nous la confiance que la Russie pouvait nous inspirer comme il cherche à détruire ici celle que nous pourrions inspirer à la Russie. Son but manifeste est d'arriver à isoler l'une et l'autre les deux grandes puissances antagonistes naturelles de l'Allemagne. [...] Paralyser les forces du grand Empire, en disposer peut-être si les circonstances s'y prêtent, diriger de haut la politique des grandes Cours d'Europe ; amener les autres par la crainte ou par l'intérêt à suivre l'impulsion donnée à Berlin, sans menacer la France, l'isoler ou la réduire à l'impuissance, nous faire enfin supporter la responsabilité de toutes les commotions qui peuvent ébranler l'ordre des choses en Europe ; tel est le but, tel est le rôle du Chancelier et il faut reconnaitre qu'il le joue avec autant d'habilité que de succès. Tout cela avec les formes les plus courtoises, avec l'apparence d'un intérêt pour nous qui semble croitre qu'il sent que nous lui cédons ; comme s'il rêvait aussi qu'un jour, satisfaits d'une situation matérielle que nous chercherons à conserver quand même, nous en arriverons, nous aussi, comme l'Autriche et le Danemark, sinon à oublier notre plaie de 1871, du moins à nous y habituer, laissant s'achever l'oeuvre entreprise, qu'il ne s'agit plus que de consolider pour faire de l'Allemagne l'arbitre de la situation en Europe. [...]
Je suis donc de plus en plus convaincu que tout en maintenant avec l'Allemagne nos relations actuelles sans nous exagérer ses dispositions à notre égard, mais aussi sans nous dissimuler qu'elle a intérêt à nous isoler et à nous affaiblir, il nous faut à tout prix conserver ici la sympathie et la confiance que nous avons su inspirer au Gouvernement comme à la nation, ne pas nous laisser endormir par les protestations plus ou moins sincères du prince de Bismarck et conserver en Europe, avec notre libre arbitre, la position que nous devons y tenir le rôle qu'il est de notre intérêt et de notre dignité de jouer."
Lettre du général Chanzy, ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, au ministre des Affaires étrangères du 23 avril 1881.