Un petit entretien avec Jean-Yves Le Naour publié dans
Le Monde des livres:
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Sur la cinquantaine de parutions accompagnant le 90e anniversaire de l'armistice, six portent sa signature. Maître d'oeuvre chez Larousse du Dictionnaire de la Grande Guerre (510 p., 26 €), Jean-Yves Le Naour publie également une étude sur la superstition en 14-18 (Nostradamus s'en va-t-en guerre, Hachette Littératures, 250 p., 18 €), un "Découvertes-Gallimard" sur Le Soldat inconnu, (112 p., 12,50 €), et trois livres aux éditions First (La Première Guerre mondiale pour les nuls, 400 p., 22,90 €; Le Petit Livre de la Grande Guerre, 160 p., 2,90 €; et Cartes postales de poilus, avec Georges Klochendler, 144 p., 19,90 €). Cet historien de 36 ans dit vouloir vivre, un jour, de ses seuls droits d'auteur. Entretien.
Depuis votre thèse sur la sexualité des Français en 14-18 (Misères et tourments de la chair durant la Grande Guerre, Aubier, 2002), vous avez publié une dizaine de livres sur les années 1910-1920. D'où vient votre passion pour cette période ?
Je pourrais vous répondre que c'est parce que j'ai grandi à Meaux, dans une région traumatisée par la bataille de la Marne, ou bien vous parler de mon grand-oncle, qui est mort au Chemin des Dames. Mais des tas de gens sont dans le même cas... J'ai toujours voulu faire de l'histoire. A l'université, j'ai failli choisir la Révolution française comme spécialité. J'ai finalement choisi la Grande Guerre. Pourquoi ? Peut-être parce que le livre qui m'a le plus marqué à l'adolescence est La Grande Guerre de Pierre Miquel.
La plupart de vos ouvrages sont construits comme des récits articulés autour d'un fait divers ou d'un personnage atypique, à l'instar de Claire Ferchaud, que l'on prit pendant la guerre pour une nouvelle Jeanne d'Arc (Hachette Littératures, 2007). Comment travaillez-vous ?
En fait, c'est assez simple. Un sujet en entraîne un autre. Je travaille en effet beaucoup à partir de la presse. Or l'avantage avec les journaux, c'est qu'il suffit de laisser traîner son oeil à droite et à gauche pour tomber sur des histoires incroyables. Du coup, je note sur un carnet à part tout ce qui ne concerne pas directement le sujet que je suis en train d'étudier, mais qui a quand même l'air intéressant. En me promettant d'y revenir un jour...
Cela dit, je ne recherche pas l'anecdote en soi. Ce qui me passionne, c'est - comme dans Le Village des cannibales, d'Alain Corbin - quand un fait singulier révèle quelque chose sur les mentalités d'une époque. C'est ce que j'ai voulu faire avec Nostradamus s'en va-t-en-guerre. Cela m'a bien sûr amusé de raconter comment Poincaré a consulté la célèbre voyante Mme Fraya en 1917 à l'Elysée pour la sonder sur les chances de la France dans le conflit. Mais cette petite histoire n'a été pour moi qu'un prétexte pour parler d'un phénomène assez peu étudié, qui est l'extraordinaire montée de l'irrationnel et de la superstition en 14-18.
Arrivez-vous à vivre de vos seuls livres ?
Je me suis mis en disponibilité de l'éducation nationale en 2001, après avoir enseigné au collège et au lycée puis à l'université de Toulouse. Au début, cela a été très difficile financièrement. Cette année, j'ai touché environ 25 000 euros en à-valoir, soit à peu près l'équivalent de ce que gagne un maître de conférences à la fac. Mais il a fallu pour cela que je fasse six livres ! Je sais que je ne pourrai pas continuer au même rythme. Du coup, j'ai gardé une petite charge de cours dans une prépa Sciences Po à Aix-en-Provence, près de chez moi.
Quels seront vos prochains livres ?
J'ai dans mon carnet une vingtaine d'histoires que j'aimerais creuser. Je viens de terminer un manuscrit sur le vol de La Joconde. Sinon, je suis en train d'enquêter sur une curieuse affaire de déserteurs qui ont passé dix ans en cavale avant d'être jugés à la fin des années 1920. Et puis je travaille aussi autour d'une histoire qui concerne le corps du maréchal Pétain. Mais je préfère ne pas en dire plus pour le moment.
Propos recueillis par Thomas Wieder