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Message Publié : 08 Sep 2023 12:12 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
Dans ce cas pourquoi le 25 juillet, sous la pression de Grey, von Lichnowsky demande à Guillaume II et à Bethmann d'accepter la proposition de Grey d'une médiation anglaise, car ce dernier lui avait transmis l'information que l'Angleterre ne resterait pas neutre si la France devait être engagée dans une guerre ?
La "City", n'est pas celle d'aujourd'hui, elle suivait les politiques et les militaires à l'époque. Qui plus est elle n'est nullement décisionnaire en la matière.


Non le calendrier n'est pas celui-là, sauf erreur de ma part : le 25 ou 26, Grey propose une médiation (une conférence à 4, GB, France, Allemagne, Italie) que l'Allemagne refuse. Ce n'est que le 31 juillet que Grey déclare à l'ambassadeur Lichnowsky que si la France était impliquée dans le conflit, l'Angleterre y serait également entrainée. Et cette marque de soutien à la France formulée devant l'Allemagne.
La City n'est pas décisionnaire, mais les financiers ont l'oreille des libéraux, dont le chancelier de l'Echiquier Lloyd George qui les reçoit le 30 juillet et dirige la "faction" anti-interventionniste majoritaire au sein du cabinet. (Le Naour,1914 p.108)


Duc de Raguse a écrit :
Spéculations... Les faits montrent essentiellement l'entêtement allemand et austro-hongrois.
Lorsque le 30 juillet Bethmann demande à Vienne de faire preuve de souplesse avec les Serbes - Belgrade ayant été déjà bombardée... - pour éviter le spectre d'un conflit européen, Bechtold se serait fendu d'un "Mais qui donc commande à Berlin ?", et Conrad aurait manifesté son agacement alors que les opérations contre la Serbie avaient déjà été lancées.


Au contraire, selon JJ Becker ou Le Naour cet épisode montre justement une volte-face de Bethmann, qui jusqu'ici soutenait l'Autriche sans sourciller voyant que la GB ne resterait pas neutre (mobilisation ou concentration de la Home Fleet) .

Duc de Raguse a écrit :
De toute manière Moltke et Guillaume II n'avaient visiblement cure de ce risque. Ces gens là ont joué avec le feu une fois de plus (crises coloniales de 1905 et 1911, crise bosniaque de 1908-1909, guerres balkaniques, entre autres, avaient pourtant déjà constitué des risques sérieux de conflits).


C'est possible, surtout que le Kaiser était le plus persuadé de tous de la neutralité britannique. Je ne connais pas les sentiments de Moltke à ce sujet.

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Message Publié : 08 Sep 2023 12:15 
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Pouzet a écrit :
Post passionnant !
Citer :
Bechtold se serait fendu d'un "Mais qui donc commande à Berlin ?", et Conrad aurait manifesté son agacement alors que les opérations contre la Serbie avaient déjà été lancées.


Qui sont Bechtold et Conrad ?

Le comte Berchtold est le ministre des AE d'Autriche-Hongrie et Conrad von Hötzendorf est le chef d'état major autrichien.

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Message Publié : 08 Sep 2023 12:31 
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Le calendrier est exact. Ces éléments se trouvent chez Fischer, premier vrai historien allemand à avoir travaillé sur les archives de la Wilhelmstrasse (rue où se situent les Affaires étrangères allemandes)
Les suppliques exprimées par Lichnowsky à Guillaume II et Bethmann datent bien du 25 juillet, suite à un entretien avec Grey. Si le calendrier était incorrect, le télégramme de Bethmann à Bechtold du 30 n'aurait pu se produire ou n'aurait aucun sens si Bethmann s'attendait à une neutralité britannique.
Quant à Bethmann il semble avoir agit en girouette lors de ces journées fatidiques. De toute manière son avis ne comptait visiblement pas, à la différence des militaires qui n'avaient pas le temps de tergiverser au regard de la difficulté calendaire (ils tablaient sur un mois avant toute réaction russe d'importance) de la mise en oeuvre de leur plan d'invasion.
Ce qui est étonnant en observant ce joli monde c'est la forme irrationnelle du monde dans lequel ils évoluaient : des joueurs de poker bluffant avec un "argent" qui ne leur appartenait pas.
Guillaume II en fut un beau : car le 25 juillet il fut bien averti que l'Angleterre ne resterait pas neutre en cas de conflit avec la France. En réalité les Allemands et les Austro-Hongrois tablaient sur les même conséquences que lors de la crise bosniaque de 1908-1909 : les Russes se "dégonfleraient" au final entraînant les Français et les Anglais dans leur sillage. La Serbie serait annexée ou vassalisée par Vienne et on passerait bien à autre chose...
En cela la mobilisation russe du 30 juillet fut déterminante, mais n'importe quel diplomate européen savait bien qu'elle ne pouvait faire autrement au risque de perdre définitivement le crédit dont elle jouissait encore auprès des puissances clientes dans les Balkans.

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Message Publié : 08 Sep 2023 13:01 
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Duc de Raguse a écrit :
Le calendrier est exact. Ces éléments se trouvent chez Fischer, premier vrai historien allemand à avoir travaillé sur les archives de la Wilhelmstrasse (rue où se situent les Affaires étrangères allemandes)
Les suppliques exprimées par Lichnowsky à Guillaume II et Bethmann datent bien du 25 juillet, suite à un entretien avec Grey. Si le calendrier était incorrect, le télégramme de Bethmann à Bechtold du 30 n'aurait pu se produire ou n'aurait aucun sens si Bethmann s'attendait à une neutralité britannique.
Quant à Bethmann il semble avoir agit en girouette lors de ces journées fatidiques. De toute manière son avis ne comptait visiblement pas, à la différence des militaires qui n'avaient pas le temps de tergiverser au regard de la difficulté calendaire (ils tablaient sur un mois avant toute réaction russe d'importance) de la mise en oeuvre de leur plan d'invasion.
Ce qui est étonnant en observant ce joli monde c'est la forme irrationnelle du monde dans lequel ils évoluaient : des joueurs de poker bluffant avec un "argent" qui ne leur appartenait pas.


Je ne possède pas "Les Buts de guerre de l'Allemagne impériale", mais je vous crois sur parole, bien entendu.
De quelles suppliques parlez vous ?

Comme je l'ai écrit, le 30 juillet Bethmann ne croyait plus à la neutralité britannique sur laquelle il fondait son attitude jusqu'alors (selon JJ Becker) et c'est pour cela qu'il tente de "calmer" les ardeurs bellicistes de Berchtold.

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Message Publié : 08 Sep 2023 13:21 
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Duc de Raguse a écrit :
Guillaume II en fut un beau : car le 25 juillet il fut bien averti que l'Angleterre ne resterait pas neutre en cas de conflit avec la France.

Pardon mais selon Krumeich, Clark et Le Naour c'est le 30 juillet que le Kaiser reçoit le télégramme de Lichnowsky rapportant la déclaration de Grey selon laquelle la GB ne pourrait rester neutre dans un conflit où la France serait entrainée... Krumeich cite les archives allemandes dans ses notes... A cette occasion Guillaume II a annoté le texte de Lichnowsky en traitant les anglais de "vile canaille de boutiquiers"...

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Message Publié : 08 Sep 2023 13:41 
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Nos sources discordent donc... mais cela je l'avais déjà compris.
Quoiqu'il en soit, on discute bien plus au sein du gouvernement anglais de la crise austro-serbe à la fin du mois de juillet que de la question de l'Irlande, tout comme au sein du gouvernement français : l'affaire Caillaux c'est pour l'"opinion publique". :wink:
Et puis rechercher une solution négociée n'est pas incompatible avec le fait d'affirmer qu'on ne restera pas neutre, au contraire cela aide généralement la partie adverse à se mettre autour de la table, même contrainte.

Les "suppliques" se situent autour d'une politique de modération absolue que Berlin devrait conduire et prescrire la même à l'égard de l'Autriche-Hongrie, tant le risque de conflit est grand et que Grey lui a fait comprendre (de manière officieuse ?) que l'Angleterre ne resterait pas sans rien faire. Selon lui, le risque de déflagration de la crise austro-serbe au niveau du continent européen est énorme.
Son télégramme n'est malheureusement pas reproduit, je vais essayer de le retrouver ailleurs.
La postérité a donné à Lichnowsky le rôle de Cassandre, diplomate visionnaire génial - il avait tout prévu (comme quoi on peut être "déterministe" avant l'heure) -, mais qui n'a jamais été écouté par son gouvernement et, surtout, son empereur.

Si l'on en croit les mémoires de Poincaré (datant de 1939) , Guillaume II a été coutumier de biffer les télégrammes envoyés par Lichnowsky de formules aussi sarcastiques qu'inconscientes. C'est sidérant, je n'étais pas encore tombé dessus (ou n'avais pas fait attention).
Raymond Poincaré a écrit :
Pendant que M. Sazonoff vante, non sans raison, la sagesse de son souverain, l’Empereur d’Allemagne continue sa croisière dans les eaux de Norvège et occupe ses loisirs à lire les télégrammes ou les rapports qui lui sont envoyés. Dans une dépêche du prince Lichnowsky en date du 22 juillet, il trouve cette phrase de sir Ed. Grey : Il est souhaitable que l’Autriche tienne compte de la dignité nationale de la Serbie.La dignité nationale de la Serbie, écrit Guillaume, cela n’existe pas. La question ne regarde pas Grey. C’est l’affaire de S. M. François-Joseph. Gigantesque impudence britannique.

Le 24, nouvelle dépêche de Lichnowsky. La note autrichienne vient d’être communiquée à l’Angleterre. Sir Ed. Grey a dit à l’ambassadeur d’Allemagne qu’elle dépassait tout ce qu’il avait vu jusqu’alors et qu’un État qui accepterait de pareilles exigences cesserait de compter au nombre des États indépendants. — Ce serait très désirable, note Guillaume ii. Ce n’est pas un État au sens européen du mot. C’est une bande de brigands.
Lichnowsky ajoute : Grey m’a dit qu’il serait prêt à intervenir pour faire prolonger le délai et pour rendre possible la recherche d’une solution. — Inutile, tranche Guillaume.
Grey suggère enfin que, dans le cas d’une tension dangereuse, les quatre puissances non immédiatement intéressées, l’Angleterre, l’Allemagne, la France et l’Italie, s’efforcent de faire admettre une médiation entre la Russie et l’Autriche-Hongrie. — Inutile, répète Guillaume. Je ne puis rien, à moins que l’Autriche ne m’en prie instamment, ce qui est peu probable. Dans les questions d’honneur et d’intérêts vitaux, on ne consulte pas les autres.

Très franchement, on dirait les commentaires d'un adolescent prépubère.
Je ne sais pas jusqu'où il faut suivre Poincaré ici, mais si cela était vrai cela renforcerait l'image d'un empereur allemand aussi méprisant que puéril, d'une inconséquence rare dans une situation si grave pour la stabilité du continent.

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Message Publié : 08 Sep 2023 13:56 
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Liber censualis a écrit :
A cette occasion Guillaume II a annoté le texte de Lichnowsky en traitant les anglais de "vile canaille de boutiquiers"...

Sachant qu'en dernier ressort en Allemagne c'est Guillaume II qui décide. (On peut se poser toutes les questions qu'on veut sur l'état d'esprit du chancelier ou des différents diplomates, je pense que pour lui et les militaires la décision était déjà prise.)

Quelques années avant la guerre Albert 1er au cours d'un voyage en Allemagne l'avait entendu déclarer "Je traverserai la Belgique comme ça !" avec le geste de celui qui va foncer tout droit. Rentrant à Bruxelles un peu ébranlé il avait retransmis cette déclaration aux ambassades de France et du RU.

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Message Publié : 08 Sep 2023 14:35 
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A propos de Lichnowsky, voir sa page wikipedia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Max_von_Lichnowsky
Je découvre cet impressionnant personnage !

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 08 Sep 2023 15:16 
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Un peu courte cette biographie wiki, mais je viens pourtant d'apprendre que c'était le cousin de von Benckendorff ambassadeur de Russie à Londres. Il n'y a pas que chez les chefs d'Etat de l'époque que l'on est en famille...

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Message Publié : 08 Sep 2023 15:39 
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Pierma a écrit :
Sachant qu'en dernier ressort en Allemagne c'est Guillaume II qui décide. (On peut se poser toutes les questions qu'on veut sur l'état d'esprit du chancelier ou des différents diplomates, je pense que pour lui et les militaires la décision était déjà prise.)

Il décide en théorie, mais soit on tarde à lui transmettre des informations car il peut changer d'avis, soit on ne transmets pas ses instructions quand on les juge contraire à la conduite à mener (Bethmann ne transmets pas à Vienne le message du Kaiser déclarant qu'il juge la réponse de la Serbie à l'ultimatum autrichien satisfaisante) . Il est nerveux, emporté et très influençable. Donc l'état d'esprit des politiques et militaires qui l'entourent est fondamental, à mon avis

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Message Publié : 08 Sep 2023 16:15 
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Eh bien il parait que c'est encore plus complexe et contradictoire qu'il n'y semblait du côté anglais.
Je recherchais quelques éléments dans la biographie de Guillaume II par C. Baechler sur les télégrammes reçus à la fin du mois de juillet de certains ambassadeurs allemands et de son chancelier et visiblement il y a deux "Angleterres" qui écrivent aux politiques allemands à ce moment et les mêmes sont parfois contradictoires.
(je n'ai pas encore retrouvé le télégramme du 25, mais je continue de chercher...)

Pour commencer, Guillaume II ne commence à lire les notes diplomatiques envoyées seulement à partir du 28 juillet - ce qui est très tardif -, à son retour de sa croisière en mer du Nord.
Au passage, lorsqu'il lit la réponse des Serbes à l'ultimatum austro-serbe, il annote sur la copie de la réponse serbe : "Un brillant résultat pour un délai de seulement 48 heures. C'est plus que ce qu'on pouvait attendre ! Un grand succès moral pour Vienne, mais avec cela disparait toute raison de guerre, et Giesl aurait dû tranquillement rester à Belgrade ! Je n'aurais jamais ordonné de mobilisation là-dessus !". Guillaume II aurait ensuite demandé à ce que Vienne stoppe toute opération militaire, qu'il n'y avait plus de raison de guerre.
Les militaires présents, comme Falkenhayn, lui répondent "qu'il n'a plus le contrôle de la situation". Falkenhayn note dans son journal :"Il fait un discours confus. La seule chose qui émerge clairement, c'est qu'il ne veut plus de guerre, même si cela signifie l'abandon de l'Autriche. Je lui fais remarquer qu'il n'a plus le contrôle de la situation".

Concernant l'attitude anglaise à l'égard de l'Allemagne elle est pour le moins alambiqué et tortueuse, en tout cas aux antipodes de la clarté.
Tout en avertissant oralement Lichnowsky que Londres ne saurait demeurer neutre en cas de guerre, Grey lui offre une médiation anglaise (nous sommes les 25 et 26 juillet) pour régler la crise austro-serbe. Selon C.Baechler Guillaume II n'en aurait eu connaissance (puisque sur le chemin du retour de sa croisière, mais ce prétexte est délicat à croire puisqu'il recevait d'autres...) et elle aurait été repoussé par Bethmann seul.
Ce n'est que le 1er août que Guillaume II, lorsqu'il signe l'ordre de mobilisation générale à Berlin, a connaissance d'une dépêche de Lichnowski stipulant que Grey lui avait confié que l'Angleterre ne resterait pas neutre si la France était attaquée. A la connaissance de cette information Guillaume II aurait demandé à Moltke de stopper la mobilisation allemande, à la grande colère de ce dernier, qui lui aurait expliqué qu'il était trop tard désormais.
En fin de journée Lichnowsky envoie un télégramme (plus court que la dépêche précédente) annonçant que l'Angleterre restera neutre, même si l'Allemagne attaque la France.
En fin de soirée (téléphone ?) Lichnowsky - on sent là la tension qui monte... - avance pour la première fois la question de la neutralité belge : si l'Allemagne attaque la Belgique l'Angleterre ne restera pas neutre.
Enfin, Georges V envoie un télégramme personnel à Guillaume II (en réponse au sien de la veille) lui indiquant que l'Angleterre n'a pas à offrir sa neutralité à l'Allemagne (comprenons que les Allemands passent par la Belgique ou pas).
En pleine nuit (du 1er au 2 août), Guillaume II, las de toutes ces péripéties anglaises de la journée et désormais assuré que l'Angleterre ne serait pas neutre par les mots de son cousin, aurait convoqué une dernière fois Moltke en lui disant "A présent, vous pouvez faire ce que vous voulez" .

Il faut donc retenir que l'Angleterre - par le truchement de Grey en tout cas et par le biais de Lichnowsky - n'a pas été franche entre le 25 juillet et le 1er août (ou alors ce sont des exagérations de Lichnowsky ?) à l'égard de l'Allemagne en premier lieu, jouant à laisser planer sa neutralité.
On passe de l'abandon de la neutralité liée avec une médiation, à plus de médiation (refusée) et la neutralité serait à nouveau de mise, pour, ensuite, avancer que la neutralité serait conditionnée par la violation du territoire belge et, enfin, le monarque écrivant à son cousin qu'il n'a jamais été question de neutralité anglaise...

Bechtold se demandait le 30 juillet qui commandait à Berlin, mais, finalement, qui commandait à Londres ?
Bien entendu, il faut comprendre ici le cheminement d'une décision délicate à prendre dans un contexte aussi complexe que tendu, mais cela fait assez désordre...

Conclusion : les dirigeants civils européens ont compris l'engrenage mortifère que la crise austro-serbe entrainait, mais face aux atermoiements des uns et des autres, aux informations contradictoires émises entre le 25 juillet et le 1er août par à peu près tout le monde, les militaires ont finalement décidé eux-mêmes. D'un autre côté ce sont ces mêmes dirigeants qui les ont "nourris" pendant plus de trente ans en contractant des alliances, des conventions militaires, en augmentant les crédits militaires, en demandant des plans de marche pour les armées, etc.

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Message Publié : 08 Sep 2023 17:59 
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Duc de Raguse a écrit :

Pour commencer, Guillaume II ne commence à lire les notes diplomatiques envoyées seulement à partir du 28 juillet - ce qui est très tardif -, à son retour de sa croisière en mer du Nord.
Au passage, lorsqu'il lit la réponse des Serbes à l'ultimatum austro-serbe, il annote sur la copie de la réponse serbe : "Un brillant résultat pour un délai de seulement 48 heures. C'est plus que ce qu'on pouvait attendre ! Un grand succès moral pour Vienne, mais avec cela disparait toute raison de guerre, et Giesl aurait dû tranquillement rester à Belgrade ! Je n'aurais jamais ordonné de mobilisation là-dessus !". Guillaume II aurait ensuite demandé à ce que Vienne stoppe toute opération militaire, qu'il n'y avait plus de raison de guerre.
Les militaires présents, comme Falkenhayn, lui répondent "qu'il n'a plus le contrôle de la situation". Falkenhayn note dans son journal :"Il fait un discours confus. La seule chose qui émerge clairement, c'est qu'il ne veut plus de guerre, même si cela signifie l'abandon de l'Autriche. Je lui fais remarquer qu'il n'a plus le contrôle de la situation".


il aurait dicté un télégramme pour Vienne afin que les autrichiens sachent qu'il approuve la réponse serbe, mais les politiques qui l'entourent (Bethmann et Jagow) ne l'ont pas envoyé, laissant tranquillement la Double Monarchie déclarer la guerre à la Serbie.


Duc de Raguse a écrit :
Concernant l'attitude anglaise à l'égard de l'Allemagne elle est pour le moins alambiqué et tortueuse, en tout cas aux antipodes de la clarté.
Tout en avertissant oralement Lichnowsky que Londres ne saurait demeurer neutre en cas de guerre, Grey lui offre une médiation anglaise (nous sommes les 25 et 26 juillet) pour régler la crise austro-serbe.

Il s'agirait (selon mes "sources") d'une conférence à 4 ( avec l'Italie et sans l'Autriche et la Russie), que l'Allemagne a refusé pour ne pas que son alliée se sente jugée par une sorte de tribunal international. En revanche, à force de me plonger dans ses journées fatidiques, je reste convaincu que Grey n'a pas dit cela à Lichnowsky le 25. Comme vous dites, l'attitude anglaise n'est pas claire du tout et le cabinet est majoritairement non interventionniste; Krumeich que le 26, Jagow avait déclaré que le gouvernement anglais allait rester neutre. Jusqu'au 29/30/31, les allemands seront convaincus de la neutralité anglaise. Et les français n'auront de cesse que Londres leur déclare son soutien, qui sera officiel le 31.

Duc de Raguse a écrit :
Selon C.Baechler Guillaume II n'en aurait eu connaissance (puisque sur le chemin du retour de sa croisière, mais ce prétexte est délicat à croire puisqu'il recevait d'autres...) et elle aurait été repoussé par Bethmann seul.
Ce n'est que le 1er août que Guillaume II, lorsqu'il signe l'ordre de mobilisation générale à Berlin, a connaissance d'une dépêche de Lichnowski stipulant que Grey lui avait confié que l'Angleterre ne resterait pas neutre si la France était attaquée. A la connaissance de cette information Guillaume II aurait demandé à Moltke de stopper la mobilisation allemande, à la grande colère de ce dernier, qui lui aurait expliqué qu'il était trop tard désormais.

Je n'ai pas lu le même scénario : Lichnowsky, le 1er août envoi une dépèche à Berlin selon laquelle le cabinet britannique garantirait la neutralité anglaise si l'Allemagne n'attaquait pas la France. Le Kaiser s'enflamme, demande à Moltke de rappeler ses troupes en marche vers l'ouest...Je fais cours sur la crise de nerfs de Moltke, en fait Lichnowsky s'est aussi un peu avancé, le roi Georges lui même signifiera à son cousin qu'il y avait un malentendu.

Duc de Raguse a écrit :
En fin de journée Lichnowsky envoie un télégramme (plus court que la dépêche précédente) annonçant que l'Angleterre restera neutre, même si l'Allemagne attaque la France.

ça me semble vraiment improbable, puisque le 31 la GB a affirmé urbi et orbi son soutien à la France . Mais Baechler le dit...

Duc de Raguse a écrit :
En fin de soirée (téléphone ?) Lichnowsky - on sent là la tension qui monte... - avance pour la première fois la question de la neutralité belge : si l'Allemagne attaque la Belgique l'Angleterre ne restera pas neutre.
Enfin, Georges V envoie un télégramme personnel à Guillaume II (en réponse au sien de la veille) lui indiquant que l'Angleterre n'a pas à offrir sa neutralité à l'Allemagne (comprenons que les Allemands passent par la Belgique ou pas).
En pleine nuit (du 1er au 2 août), Guillaume II, las de toutes ces péripéties anglaises de la journée et désormais assuré que l'Angleterre ne serait pas neutre par les mots de son cousin, aurait convoqué une dernière fois Moltke en lui disant "A présent, vous pouvez faire ce que vous voulez" .


J'ai lu aussi ça dans Baechler mais la trame n'est pas celle-là chez Le Naour, Becker, Krumeich et Clark...

Duc de Raguse a écrit :
Il faut donc retenir que l'Angleterre - par le truchement de Grey en tout cas et par le biais de Lichnowsky - n'a pas été franche entre le 25 juillet et le 1er août (ou alors ce sont des exagérations de Lichnowsky ?) à l'égard de l'Allemagne en premier lieu, jouant à laisser planer sa neutralité.
On passe de l'abandon de la neutralité liée avec une médiation, à plus de médiation (refusée) et la neutralité serait à nouveau de mise, pour, ensuite, avancer que la neutralité serait conditionnée par la violation du territoire belge et, enfin, le monarque écrivant à son cousin qu'il n'a jamais été question de neutralité anglaise...

Bechtold se demandait le 30 juillet qui commandait à Berlin, mais, finalement, qui commandait à Londres ?
Bien entendu, il faut comprendre ici le cheminement d'une décision délicate à prendre dans un contexte aussi complexe que tendu, mais cela fait assez désordre...


La GB n'a pas voulu s'engager, ni auprès de Paris sur son soutien, ni auprès de Berlin sur sa neutralité jusqu'au 31 juillet, et a tenté de jouer les médiatrice jusqu'à cette date. Ensuite, elle se posera clairement en protectrice de l'intégrité du territoire belge. La réponse de Georges V ne valait que pour la fausse nouvelle apportée par Lichnowski le 1er août.

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Message Publié : 08 Sep 2023 22:11 
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Liber censualis a écrit :
il aurait dicté un télégramme pour Vienne afin que les autrichiens sachent qu'il approuve la réponse serbe, mais les politiques qui l'entourent (Bethmann et Jagow) ne l'ont pas envoyé, laissant tranquillement la Double Monarchie déclarer la guerre à la Serbie.

Bethmann a tout de même contacté les austro-hongrois le 29 pour qu'ils modèrent leur position à l'encontre des Serbes et stoppent les opérations militaires pour laisser la place à la négociation, mais je ne crois pas qu'il fut stipulé que la réponse serbe satisfaisait Guillaume II.

Liber censualis a écrit :
Et les français n'auront de cesse que Londres leur déclare son soutien, qui sera officiel le 31.

Visiblement toujours pas à la lumière des télégrammes et dépêches contradictoires transmis par Lichnowsky le 1er août.
Mais dans cet excellent article d'un historien belge (il commente là les apports d'un ouvrage de Ritter, l'un des adversaires dans l'Allemagne des années 1950-1960 de Fischer, sur la question de la violation de la neutralité belge), il est question d'une "mauvaise interprétation" du télégramme qui garantissait encore la neutralité anglaise aux Allemands le 1er août.
https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1963_num_41_2_2467
En lisant cet article, on comprend qu'il est impossible de savoir exactement ce qui est passé dans l'esprit de ces hommes ces jours là.
Ce qui est certain c'est que les empires centraux ont volontairement joué avec le feu : en tentant de rejouer la crise bosniaque de 1908-1909. Ils étaient parfaitement lucides des conséquences de l'éclatement d'une guerre continentale qui étaient encourus, mais par vanité et orgueil ils ont pensé qu'ils seraient évités ; ils se sont lourdement trompés.

Liber censualis a écrit :
Jagow avait déclaré que le gouvernement anglais allait rester neutre.

Et Bethmann avait compris qu'il ne le serait pas le 29 et Lichnowsky le 25, même s'il écrit encore pratiquement tous les jours après le 28 tout et son contraire. C'est donc que ses interlocuteurs semblent lui dicter cela et il se contente de répéter fidèlement ce qu'on lui a dit ou écrit. Ou pas ? Ce Cassandre en ajoute, car il voit que les portes de l'enfer sont en train de s'ouvrir ? Très franchement je ne sais pas si une étude sérieuse existe sur ce personnage, ses motivations, sa fiabilité, etc., mais un éclairage serait le bienvenu car c'est tout de même l'émetteur des informations les plus importantes concernant l'Angleterre qui arrivent par lui jusqu'à Berlin.

Liber censualis a écrit :
Je n'ai pas lu le même scénario : Lichnowsky, le 1er août envoi une dépèche à Berlin selon laquelle le cabinet britannique garantirait la neutralité anglaise si l'Allemagne n'attaquait pas la France. Le Kaiser s'enflamme, demande à Moltke de rappeler ses troupes en marche vers l'ouest...Je fais cours sur la crise de nerfs de Moltke, en fait Lichnowsky s'est aussi un peu avancé, le roi Georges lui même signifiera à son cousin qu'il y avait un malentendu.

Euh...même si c'est écrit de manière plus concise que moi, je ne vois pas bien où le scénario diffère... nulle part je n'ai écrit autre chose que cela.

Liber censualis a écrit :
ça me semble vraiment improbable, puisque le 31 la GB a affirmé urbi et orbi son soutien à la France . Mais Baechler le dit...

En omettant d'ajouter (j'ai trouvé l'explication de cette méprise ailleurs, Baechler ne la développe pas, il cite simplement ce télégramme contradictoire reçu en fin de journée du 1er août par Berlin) que c'est une mauvaise "interprétation" de ce que les Anglais souhaitaient vraiment.
Personnellement, je ne comprends pas ce que signifie cette "mauvaise interprétation". Enfin quoi, dans la même journée Lichnowsky transmet tout et son contraire - ce n'est pas un diplomate stupide, ni soumis aux crises de nerf, encore moins un agent double - et on se contente d'une mauvaise "interprétation" comme seule explication ? Vous faites état de "fausse nouvelle", mais comment un diplomate de cette qualité peut transmettre une "fausse nouvelle" ? Car entre la neutralité si l'Allemagne attaque la France et pas de neutralité si l'Allemagne viole la neutralité de la Belgique, en quelques heures, c'est énorme comme différence. On ne peut se tromper ou mal interpréter quelque chose de si conséquent.

Liber censualis a écrit :
J'ai lu aussi ça dans Baechler mais la trame n'est pas celle-là chez Le Naour, Becker, Krumeich et Clark...

Peut-être est-ce en raison du fait qu'ils ne soient nullement spécialistes de cette question. C'est avant tout des "généralistes" du premier conflit mondial, très éloignés des questions diplomatiques, militaires et diplomatiques (et surtout de la question des responsabilités, qui barbait tout le monde à une certaine époque et à laquelle Renouvin, puis Fischer avaient déjà très bien répondu) dans leurs premiers travaux de recherche et ces auteurs français ne pipent un mot d'allemand. Le Naour a fait sa thèse sur les moeurs et la sexualité pendant la Première Guerre mondiale (aucun rapport avec notre question...) et Becker - paix à son âme, car ce fut un excellent vulgarisateur - sur l'opinion publique française au début de la guerre. Le cher Gerd, seul germaniste de la bande, a fait sa thèse sur... Jeanne d'Arc.
Quant à Clark c'est un manipulateur de première visant à faire croire que les responsables de ce conflit sont Belgrade, Paris et Saint-Pétersbourg. Il a réussi à faire parler de lui par ce buzz, mais son ouvrage baigne dans une malhonnêteté intellectuelle sans nom.
Et puis, plus vous vous approchez de 2023, davantage ces auteurs recopient ce qu'ils n'ont eux-même jamais recherché dans les archives ou écrits par d'autres.
Cela dit, quelle est donc "leur" trame qui diffère de celle placée plus haut ? Vous ne l'expliquez pas, j'aimerai comprendre.

Liber censualis a écrit :
Ensuite, elle se posera clairement en protectrice de l'intégrité du territoire belge.

Ensuite ? Mais les Allemands n'ont encore rien dit aux Anglais à ce sujet et, surtout, cela n'est pas évoqué dans les échanges diplomatiques avant le 1er août, la question étant clairement posée au gouvernement allemand uniquement le 4.
Et pourtant entre le 25 et le 30 Lichnowsky avait déjà fait état d'un risque de non-neutralité de l'Angleterre au cas où l'Allemagne attaquerait la France - la Belgique n'était pas encore citée.
Vous semblez penser qu'il y a eu une évolution dans la position anglaise, je pense au contraire, qu'au regard des informations contradictoires apportées par ces derniers en moins d'une semaine, qu'ils ont cherché à gagner du temps : pour trouver un prétexte afin de persuader leur opinion publique de la nécessité d'une guerre ? pour faire pression sur les Allemands afin que ces derniers exercent la même sur les austro-hongrois ? pour montrer à leurs alliés français que rien n'était automatique dans cette Entente ? pour jouer les arbitres de la paix en Europe ? pour berner les Allemands en leur faisant perdre ce si précieux temps, cette rapidité extrême sans laquelle le plan Schlieffen était voué à l'échec ? parce qu'il y avait une forte division à ce sujet au sein du cabinet ? Un peu de tout bien mélangé ?

Si vous avez la réponse à cela, je suis preneur.

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Message Publié : 09 Sep 2023 0:36 
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Je vous réponds mais je n'ai que Le Naour, Krumeich, Becker, Clark, Fromkin comme sources d'information, que vous ne jugez pas légitimes pour écrire sur ces sujets... Pourtant leurs récits sont étayés par des références qui semblent fiables et surtout ils se recoupent, se complètent et ne se contredisent pas. Et Baechler qui trouve davantage grâce à vos yeux n'est pas en désaccord avec les faits qu'ils évoquent.


Duc de Raguse a écrit :
Bethmann a tout de même contacté les austro-hongrois le 29 pour qu'ils modèrent leur position à l'encontre des Serbes et stoppent les opérations militaires pour laisser la place à la négociation, mais je ne crois pas qu'il fut stipulé que la réponse serbe satisfaisait Guillaume II.


Effectivement, le 28 Vienne déclare la guerre à la Serbie et le 29 Berlin apprend que les anglais ne resteront pas neutres. Bethmann s'affole et tente de faire revenir l'Autriche à la négociation... Et vis à vis de Londres il commet la bourde que j'ai relaté plus haut. Et non, a priori, on n'a plus évoqué la réaction du kaiser devant la réponse serbe à l'ultimatum.



Duc de Raguse a écrit :
Liber censualis a écrit :
Jagow avait déclaré que le gouvernement anglais allait rester neutre.

Et Bethmann avait compris qu'il ne le serait pas le 29 et Lichnowsky le 25, même s'il écrit encore pratiquement tous les jours après le 28 tout et son contraire. C'est donc que ses interlocuteurs semblent lui dicter cela et il se contente de répéter fidèlement ce qu'on lui a dit ou écrit. Ou pas ? Ce Cassandre en ajoute, car il voit que les portes de l'enfer sont en train de s'ouvrir ? Très franchement je ne sais pas si une étude sérieuse existe sur ce personnage, ses motivations, sa fiabilité, etc., mais un éclairage serait le bienvenu car c'est tout de même l'émetteur des informations les plus importantes concernant l'Angleterre qui arrivent par lui jusqu'à Berlin. .

Tous mes auteurs affirment que Berlin a cru en la neutralité anglaise jusqu'au 29.

Duc de Raguse a écrit :

Euh...même si c'est écrit de manière plus concise que moi, je ne vois pas bien où le scénario diffère... nulle part je n'ai écrit autre chose que cela.

Si, j'ai dû mal m'exprimer : en fait Lichnowski a apporté une sois-disant nouvelle offre de neutralité des anglais contre l'assurance que l'Allemagne n'attaquerait pas la France.Guillaume était fou de joie et a ordonné à Moltke d'arrêter la marche vers l'ouest (alors que les anglais n'avaient rien proposé du tout)

Duc de Raguse a écrit :

En omettant d'ajouter (j'ai trouvé l'explication de cette méprise ailleurs, Baechler ne la développe pas, il cite simplement ce télégramme contradictoire reçu en fin de journée du 1er août par Berlin) que c'est une mauvaise "interprétation" de ce que les Anglais souhaitaient vraiment.
Personnellement, je ne comprends pas ce que signifie cette "mauvaise interprétation". Enfin quoi, dans la même journée Lichnowsky transmet tout et son contraire - ce n'est pas un diplomate stupide, ni soumis aux crises de nerf, encore moins un agent double - et on se contente d'une mauvaise "interprétation" comme seule explication ? Vous faites état de "fausse nouvelle", mais comment un diplomate de cette qualité peut transmettre une "fausse nouvelle" ? Car entre la neutralité si l'Allemagne attaque la France et pas de neutralité si l'Allemagne viole la neutralité de la Belgique, en quelques heures, c'est énorme comme différence. On ne peut se tromper ou mal interpréter quelque chose de si conséquent.


Personne n'explique ce fiasco : Lichnowsky revient sur sa dépèche le soir du 1er août en démentant ce qu'il a affirmé plus tôt. Et Georges V d'éteindre les illusions de son cousin en parlant de "malentendu".

Duc de Raguse a écrit :

Cela dit, quelle est donc "leur" trame qui diffère de celle placée plus haut ? Vous ne l'expliquez pas, j'aimerai comprendre.

Dans l'épisode de la fausse offre de neutralité anglaise contre la promesse allemande de ne pas attaquer la France il n'est pas question de la Belgique. Le cabinet britannique n'évoquera la question que le 2 août.

Duc de Raguse a écrit :
Ensuite ? Mais les Allemands n'ont encore rien dit aux Anglais à ce sujet et, surtout, cela n'est pas évoqué dans les échanges diplomatiques avant le 1er août, la question étant clairement posée au gouvernement allemand uniquement le 4.

Vous avez raison.


Duc de Raguse a écrit :
Et pourtant entre le 25 et le 30 Lichnowsky avait déjà fait état d'un risque de non-neutralité de l'Angleterre au cas où l'Allemagne attaquerait la France - la Belgique n'était pas encore citée.

C'est juste, il n'est pas question de la Belgique avant le 2 (et l'ultimatum anglais du 4).


Duc de Raguse a écrit :
Vous semblez penser qu'il y a eu une évolution dans la position anglaise, je pense au contraire, qu'au regard des informations contradictoires apportées par ces derniers en moins d'une semaine, qu'ils ont cherché à gagner du temps : pour trouver un prétexte afin de persuader leur opinion publique de la nécessité d'une guerre ? pour faire pression sur les Allemands afin que ces derniers exercent la même sur les austro-hongrois ? pour montrer à leurs alliés français que rien n'était automatique dans cette Entente ? pour jouer les arbitres de la paix en Europe ? pour berner les Allemands en leur faisant perdre ce si précieux temps, cette rapidité extrême sans laquelle le plan Schlieffen était voué à l'échec ? parce qu'il y avait une forte division à ce sujet au sein du cabinet ? Un peu de tout bien mélangé ?

Si vous avez la réponse à cela, je suis preneur.


Un peu de tout ça oui : les anglais ont cherché à jouer la carte de la négociation jusqu'au bout. Ils se sont gardé jusqu'au 31 de manifester clairement leur soutien à la France, et n'ont pas démenti leur position de neutralité devant l'Allemagne jusqu'aux 29 et 31 juillet... je ne crois pas qu'ils jouaient la montre pour "persuader" l'opinion publique d'approuver l'intervention car jusqu'au 1er ou 2 le cabinet était majoritairement hostile à cette extrémité... ni Grey, ni Asquith n'étaient des bellicistes. Le seul qui poussait un peu à la clarification de la position anglaise était Churchill.

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Message Publié : 09 Sep 2023 10:17 
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Liber censualis a écrit :
que vous ne jugez pas légitimes pour écrire sur ces sujets...

Il n'y a que Clark que je ne juge pas légitime, car malhonnête, les autres non, mais je rappelais simplement qu'ils ne sont pas spécialistes de ces points (avouez que nous sommes ici loin des moeurs et de la sexualité de l'époque !) et que malheureusement on peut remarquer chez les auteurs récents (pas Becker) ce qu'on disait de certains moines copistes du Moyen-Ages : des fautes de copie et des erreurs chronologiques.
A force d'avoir mis sur la touche l'histoire politique, diplomatique et événementielle, au bénéfice de celle des concepts économiques, sociaux et culturels, depuis les années 1960-1980, il n'y a plus la même rigueur dans la retranscription et le respect des éléments factuels, un comble en histoire..., comme auparavant.
C'est très personnel, mais actuellement, je fais exactement l'inverse de ce qu'on me disait lorsque j'étais étudiant (aller le plus possible vers les auteurs les plus récents et laisser de côté les auteurs anciens et leurs ouvrages poussiéreux) : si j'ai un doute depuis une dizaine d'année je préfère aller du côté de ces auteurs, qui ont passé des jours et des jours dans les archives diplomatiques et militaires et qui ont fait ce travail avec minutie et rigueur plutôt qu'autre chose. Etant mauvais germaniste, je ne peux lire que du Fischer traduit, mais heureusement, en France, j'ai Renouvin (le même dont on me parlait comme un auteur vieillot et dépassé... c'est pourtant le meilleur).
Même Baechler n'est pas satisfaisant : il est spécialiste de l'Allemagne wilhelmienne et de Weimar, certainement pas du premier conflit mondial. Je l'ai pris hier pour essayer de savoir ce que Guillaume II pouvait savoir de la position anglaise du 25 juillet (visiblement pour Baechler rien parce qu'il est sur son yacht en mer du Nord, alors que Poincaré nous parle de courriers de Lichnowsky datant des 22 et 24 juillet biffés par le Hohenzollern sur le même yacht...) au 4 août.
Aussi, ne vous méprenez pas : en écrivant cela je constate simplement que coquilles et erreurs se glissent dans les récits de certains, ce qui devrait être impossible, puisque nous sommes simplement dans du factuel. Je ne dis pas : vous avez tort et j'ai raison parce que "mes" sources sont meilleures. Je cherche simplement à comprendre ces contradictions et ces explications à l'emporte-pièce ("fausse nouvelle", "erreur d'interprétation" cela signifie quoi ?).
Etant gamin j'avais appris benoîtement que les Anglais étaient intervenus uniquement pour protéger la Belgique du teuton, soit. Ensuite, à la lecture d'archives diplomatiques et de mémoires d'acteurs de la période, je me suis rendu compte qu'ils y pensaient finalement depuis le milieu des années 1900 et que la neutralité de la Belgique n'avait rien à voir avec ça. Aujourd'hui, je souhaite savoir ce que savaient exactement les Allemands sur la position anglaise depuis l'envoi de l'ultimatum austro-hongrois à Belgrade et ce n'est pas possible d'avoir une réponse nette, avouez que c'est plus que frustrant !

Liber censualis a écrit :
Tous mes auteurs affirment que Berlin a cru en la neutralité anglaise jusqu'au 29

Ceux que je cite n'écrivent pas l'inverse - sauf lors de la journée du 1er août où trois courriers de Lichnowsky portent à Berlin trois positions différentes de l'Angleterre (erreur d'interprétation ou pas) -, mais Fischer note que dans l'esprit de Lichnowsky ses échanges avec Grey lui laissèrent penser que l'Angleterre ne resterait pas neutre dès la publication de l'ultimatum de l'Autriche-Hongrie à la Serbie, soit les 23 et 24 juillet.

Liber censualis a écrit :
en fait Lichnowski a apporté une sois-disant nouvelle offre de neutralité des anglais contre l'assurance que l'Allemagne n'attaquerait pas la France.Guillaume était fou de joie et a ordonné à Moltke d'arrêter la marche vers l'ouest (alors que les anglais n'avaient rien proposé du tout)

C'est bien ce télégramme de la fin de journée auquel je faisais allusion, mais c'est vrai que ce n'est pas exactement le même contenu.
Dans l'après-midi Lichnowsky aurait transmis tout d'abord à Berlin ce que vous décrivez, soit que les Anglais ne resteraient pas neutres si les Français étaient attaqués par les Allemands - c'est ce qui aurait conduit Guillaume II à appeler Moltke pour stopper la mobilisation qu'il venait d'autoriser -, puis il aurait transmis un autre télégramme en fin d'après-midi stipulant que les Anglais seraient neutres même si l'Allemagne était en guerre avec la France (Guillaume II exultait alors selon Baechler...)
En fin de soirée, finalement, nouvelles de Lichnowsky : l'Angleterre ne restera pas neutre si les Allemands violent la neutralité belge.
Et dans la nuit, télégramme de Georges V à son cousin : l'Angleterre ne négociera pas sa neutralité avec l'Allemagne (la Belgique est absente de l'équation). Ce serait là que Guillaume II aurait alors déclaré à Moltke : "faites ce que vous voulez".
Donc, dans "votre" trame, il manque finalement une étape par rapport à la "mienne" si je vous comprends bien ?

Liber censualis a écrit :
Personne n'explique ce fiasco : Lichnowsky revient sur sa dépèche le soir du 1er août en démentant ce qu'il a affirmé plus tôt. Et Georges V d'éteindre les illusions de son cousin en parlant de "malentendu".

Et vous ne trouvez pas cela étrange ?
Cette journée du 1er août aurait pu voir l'Allemagne changer d'avis - même si c'est finalement peu probable, au regard des jugements de Moltke et de Falkenhayn sur l'agitation inutile d'un empereur qui ne pouvait déjà plus rien faire puisque la mobilisation avait déjà commencé - et personne n'explique ces informations contradictoires envoyées par l'ambassadeur d'Allemagne à Londres ?

Liber censualis a écrit :
les anglais ont cherché à jouer la carte de la négociation jusqu'au bout. Ils se sont gardé jusqu'au 31 de manifester clairement leur soutien à la France, et n'ont pas démenti leur position de neutralité devant l'Allemagne jusqu'aux 29 et 31 juillet... je ne crois pas qu'ils jouaient la montre pour "persuader" l'opinion publique d'approuver l'intervention car jusqu'au 1er ou 2 le cabinet était majoritairement hostile à cette extrémité...

Peut-être, mais très franchement ces tergiversations - lorsqu'on creuse un tout petit plus loin que le récit classique (et simpliste) de l'"engrenage" - ne me satisfont pas pour approuver cette construction de la "voie anglaise" face aux conséquences de la crise austro-serbe. Ils ne me paraissent pas si chevaleresques que cela : Bethmann a compris qu'ils ne resteraient pas neutres le 29 (mais pas Guillaume II visiblement, du moins pas avant le 1er août), alors qu'il n'était pas encore question de la Belgique, c'est donc que cette décision avait été déjà prise auparavant. Dans un dépêche du 24 juillet, Lichnowsky explique que Grey lui aurait fait comprendre que l'ultimatum austro-hongrois était honteux (c'était une annexion déguisée de la Serbie) c'était du jamais vu et qu'on ne pourrait pas laisser faire, chose à quoi (selon Poincaré) Guillaume II aurait biffé "ce n'est pas un Etat, c'est une bande de brigands..."

Bref, à lire certains on pense que la machine infernale pouvait être stoppée (le 28, le 31, le 1er ?), à lire d'autres c'était peine perdue... A lire certains Guillaume II voulait faire machine arrière les 24, 28 juillet et encore le 1er août, à lire d'autres ce n'étaient là que des "gesticulations" car il souhaitait cette guerre.
Je vais tenter de retrouver ce vieux Renouvin (Les origines immédiates de la guerre) et reviendrai plus tard ici.

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