Cuchlainn a écrit :
C'est peut-être une impression personnelle et erronée. Mais à la lecture du pavé de J.Keegan, il m'a semblé que cet auteur développait la thèse que le plan Schlieffen portait son propre échec en lui-même, d'une part, et que côté français, une contre-offensive couronnée de succès était plus logique, sinon inéluctable, que miraculeuse et "de la dernière chance".
Qu'a-t-il de particulier, ce pavé de Keegan ? Quels sont les titres de cet auteur pour remettre en cause les "stéréotypes" de l'histoire de la 1ère guerre mondiale ?
En quoi le plan Schlieffen portait-il son propre échec en lui-même ? Ceci me paraît une analyse bien aventureuse, du style: "ça c'est passé comme ça, car ça ne pouvait pas se passer autrement..."!
Comment la contre-offensive française devait-être logiquement couronnée de succès ? Quels arguments pour aboutir à une telle conclusion ?
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Même avec toutes ses armées, la fameuse aile droite ne pouvait rien obtenir de plus car les voies de communication étaient déjà saturées de troupes. Le moyen de faire avancer tout le monde était, paraît-il, le cauchemar de Schlieffen, au point que celui-ci, peu avant sa mort, aurait réalisé que son plan allait s'enrayer et mener l'armée allemande dans un piège.
C'est une plaisanterie, je pense ! Si le plan Schlieffen a échoué, c'est parce qu'il n'a pas été respecté !!! La manche du dernier soldat allemand de l'aile droite devait frôler la mer... Ceci n'a pas été réalisé pour les raisons fort bien expliquées par C.Douville !
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A propos de Lanrezac, Keegan écrit du général allemand qui lui court sus : "La vérité est qu'il est mené par le bout du nez". Le repli de Lanrezac attire cette armée allemande, l'écarte de sa route, ouvre la brèche entre elle et sa voisine. De son côté, Joffre constitue sa masse de manoeuvre avec comme seule question : lequel des grands cours d'eau tendus en travers de la marche allemande sera le bon ?
Bien entendu, les Français ne se laissent pas manoeuvrer... Mais les initiatives de Lanrezac, si elles ont été validées par la critique stratégique, ne le furent pas par Joffre...
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Toujours si j'ai bien suivi, l'armée française battue aux frontières se replie vite, avec un potentiel de combat globalement, sinon intact, du moins pas amoindri de façon décisive. Ayant l'avantage des communications, notamment d'un réseau ferré dense, elle prend de vitesse son poursuivant.
Vu le débordement inévitable de sa gauche, Joffre est contraint de se replier pour ne pas se laisser envelopper afin de se donner du temps pour reconstituer une masse de manoeuvre. La densité de notre réseau ferrée, la très bonne coordination armée-rail sera un des atouts du redressement de la Marne, en effet. Dire qu'elle va prendre de vitesse son poursuivant me semble exagérée.
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La question n'est pas : va-t-elle se reformer et se retourner vers le nord, mais où et quand, face à une armée allemande victorieuse, mais distendue, fatiguée, pas toujours bien menée.
Ceci semble évident. La contre-attaque française était inévitable, parce qu'indispensable ! Les hommes étaient d'ailleurs épuisés et démoralisés, suite aux marches forcées qu'ils subissaient, sans avoir combattu pour la plupart d'entre-eux...
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Le moment venu, comme le dit Jünger dans Orages d'acier, le travail décisif n'est accompli que par une poignée de combattants. Mais la situation stratégique a fini par rebasculer, et la Marne vient sanctionner cet état de fait.
Pas vraiment. Et le propos de Jünger s'applique plus aux tentatives de percée des années 17 et 18 qu'aux manoeuvres de 1914. La victoire de la Marne tient dans la "manoeuvre" de Joffre, mais aussi des erreurs allemandes qui négligent Paris et sous-estiment les capacités françaises.
Sans compter l'incroyable autonomie des chefs d'armées par rapport au généralissime allemand. Lisez ou relisez "la discorde chez l'ennemi" d'un certain Charles de Gaulle...