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Mmoui, je ne vois pas grand chose à la gloire des nazis dans ce film. Il n'y aurait pas le nom de Riefenstahl au générique, ce serait une séance sportive comme une autre, bien filmée, sans plus.
Bien sûr que vous ne voyez pas la propagande dans ce film: c'est justement le but de la manoeuvre
: que la propagande soit invisible à des yeux non avertis, cachée sous ce qui est mis en vitrine: l'art/l'esthétique et le sport.
Pour Goebbels, la propagande était d'autant plus efficace qu'elle n'apparaissait pas comme telle; il avait constaté que, quand elle est trop explicite, trop directe, la propagande peut ennuyer et rebuter les masses, avant tout avides de distractions.
La propagande nazie ne se limitait donc pas à diffuser des slogans et des consignes strictement politiques: par exemple, le IIIe Reich accordait une grande place aux films légers (plus de 1 300 tournés en Allemagne entre 1933 et 1945), apparemment sans aucun message politique explicite et à mille lieues du martelage du ''Juif Süss". Ces films constituaient néanmoins une forme de propagande "soft" car bien que traitant d'intrigues conventionnelles (histoires d'amour, films musicaux etc) ils véhiculaient néanmoins discrètement des valeurs et éléments de l'idéologie nazie.
En fait, Goebbels considérait ce genre de film dits d'évasion comme les meilleurs véhicules de propagande parce qu'ils visaient à créer des émotions, à ses yeux beaucoup plus susceptibles d'influencer les esprits que des slogans.
Surtout, cette "séquence des plongeons" n'est qu'une partie d'un tout et doit être vue en relation avec ce tout: le film "Olympia" sur les JO de 1936, Jeux dont le régime nazi a voulu faire une grande opération de relations publiques en direction des pays étrangers:
non seulement ce film est un film de propagande mais ce qui était filmé--les JO eux-mêmes-- étaient une opération de propagande!
Ces jeux ne se déroulaient pas dans un décor neutre et le regard porté sur ces événements n'est pas neutre: des drapeaux à svastikas partout dans le stade, la présence d'Hitler déchaînant l'enthousiasme des foules, des sportifs en uniforme de la Wehrmacht (dans les épreuves de tir au pistolet et d'équitation du décathlon), la musique pseudo-wagnérienne du film, les chemises brunes, l'importance spéciale donnée aux victoires allemandes, la réaction patriotique de la foule à ces victoires allemandes, etc.
De plus, ce film n'est pas du tout un film sportif comme un autre; c'est avant tout un film qui célèbre la beauté des
corps , qui glorifie la forme humaine et le muscle, alors que dans un film sportif "normal", l'accent est mis sur la
performance elle-même, sur les résultats, sur les victoires, et aussi sur la dimension d'effort, de sueur et de douleur que comporte le sport. Ce n'est pas jamais le cas dans "Olympia" où les visages des sportifs ne sont jamais grimaçants, jamais couverts de sueur, n'expriment jamais la tension, la déception, la fatigue, la souffrance que montrent les films sportifs ordinaires.
Dans "Olympia", tout ce qui est laid, trop humain, imparfait a été coupé au montage (LR a tourné des kilomètres de pellicule et n'en a gardé qu'un petite partie) et ce montage très sélectif est ce qui permet d'orienter ce qui est filmé dans le sens du message que veut faire passer le metteur en scène.
Il est surtout important de noter que, contrairement à ce qu'a dit LR, toujours désireuse de se présenter comme une artiste politiquement indépendante, ce film a été du début à la fin une entreprise nazie (pas le temps de finir, à suivre )