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Cuchlainn pourrait-il avoir la bonté d'expliquer?
J'ai cru comprendre que l'erreur que les généraux précités avaient commise et dont ils voulaient se dédouaner était qu'ils s'étaient précipités pour demander un cessez-le-feu, alors qu'on aurait pu attendre d'eux qu'ils ne jettent pas l'éponge aussi rapidement. Est-ce en effet le problème, n'y avait il rien d'autre? Et ce reproche est-il militairement justifié (ce dont à priori je doute)?
Après l'écrasement de leur dernière offensive par une contre-attaque blindée alliée mi-juillet, les Allemands sont "cuits" : leurs troupes de choc ont disparu dans la fournaise, il ne leur reste que des troupes de moindre valeur, mal nourries, mal entraînées, mal équipées. Aussi Hindenburg et Ludendorff préviennent-ils Guillaume II, début septembre, que la victoire est irrémédiablement hors de portée. Avec les troupes américaines qui commencent à se déverser sur le front, cela veut dire, à terme, la défaite. Les Empires centraux étant épuisés, ils craquent de partout à la fois, et sur le front d'Orient, la Bulgarie explose et demande la paix.
Or, à l'Ouest, les Alliés n'obtiennent pas la sacro-sainte rupture pour la bonne et simple raison qu'ils ne la cherchent pas : afin d'empêcher les Allemands de se fortifier, ils impriment une poussée continue sur tout le front. Ludendorff, qui commence à se ressaisir et à chercher des boucs émissaires, saute sur l'occasion : il s'appuie sur l'absence de percée et la chute de la Bulgarie pour entretenir l'idée que le "mur d'airain du front" est imprenable - même s'il recule au galop vers les frontières - et que tout est de la faute des Bulgares, ces traîtres.
Tout au long de l'automne, il laisse l'évolution politique suivre son cours, car il n'y a rien d'autre à faire. Les politiques ont entendu l'exposé de début septembre, ils ont compris, ils savent que la guerre est perdue et qu'il faut en sortir, vite. Ludendorff les laisse faire, tout en laissant aussi courir le mythe que l'armée tient bon. Il laisse même se répandre l'idée qu'il a "perdu les nerfs" (sic) dans ses déclarations de septembre et qu'en fin de compte, un redressement militaire est possible. Bien entendu, c'est faux, et ce redressement n'a donc pas lieu.
Mais en novembre 18, tout est prêt pour que Ludendorff puisse attaquer les politiques pour leur demande d'armistice... qu'il avait expressément réclamée en septembre. Sa disculpation est mûre, il n'a plus qu'à la cueillir.
Donc en fait, les généraux ont commis, de leur point de vue, l'erreur de réclamer aux politiques une sortie de guerre, démarche par laquelle ils ne pouvaient pas échapper à leurs responsabilités. Ensuite, ils ont profité de la lenteur du recul allemand et de la capitulation plus rapide de leurs alliés pour se renier et abandonner aux politiques le sale boulot. Si on se place au-dessus de la mêlée, ils avaient raison de reconnaître la défaite dès septembre et d'en informer le pays. C'eût été de combattre jusqu'au bout en sachant depuis longtemps que tout est perdu, qui aurait été irresponsable.
Irresponsables, ils l'ont été à retardement.
Le plus terrible est que les politiciens ont finalement échoué à convaincre l'Allemagne que c'est Ludendorff qui avait demandé un armistice à tout prix, et qui l'avait demandé parce que la guerre était perdue. Au bout de quelques semaines de paix, tout le monde voulait inventer une autre histoire.