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Message Publié : 04 Nov 2021 23:08 
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Arko a écrit :
On connait beaucoup l'histoire dramatique de la rose blanche ou des walkyries, mais on sait moins des sympathisants communistes ont résisté aux nazis.
Pour la simple raison qu'après-guerre la RFA préférait mettre l'accent sur la résistance des militaires ou des jeunes issus de milieux conservateurs, plutôt que sur des ouvriers communistes, étant donné la rivalité avec la RDA.

Il faudrait peut-être mettre un peu d'ordre dans ce qu'on désigne par "résistance allemande" :

- Les sympathisants communistes allemands qui ont fait le plus de mal à l'Allemagne nazie, ce sont les membres berlinois du réseau de renseignement soviétique l'Orchestre Rouge. Ils ont délibérément trahi leur pays parce qu'ils voulaient la victoire de l'Union Soviétique et l'écrasement d'Hitler. Et donc transmis des renseignements militaires qui ont coûté cher à la Wehrmacht. (Ils se sont salis les mains, sachant qu'ils contribuaient à la défaite allemande : un choix cohérent, mais sans doute difficile pour beaucoup d'entre eux.)

Ce n'étaient pas des ouvriers communistes. A la grande stupeur de la Gestapo, ils appartenaient plutôt à l'élite berlinoise. (ce qui leur permettait de ramasser une foule d'informations par simple bavardage : qui se serait méfié, par exemple, de leur chef, Harro Schulze-Boyzen, attaché à l'état-major de la Luftwaffe ?)
La Gestapo stupéfaite découvre qu'on peut-être officier ou diplomate allemand et communiste. Il va de soi qu'ils ont pris cher : 200 exécutions, dont quelques innocents trop bavards : la Gestapo fait place nette.

Ceux-là ont trahi délibérément, mais il n'est pas exagéré de dire que ce sont les seuls résistants qui peuvent se vanter de résultats significatifs.
Après la guerre ils sont inconnus ou méprisés en RFA, et honorés en RDA, où se retrouvent les survivants, mais simplement pour avoir fait de la propagande anti-nazie : il n'est pas question de laisser renaître en Allemagne une légende du coup de poignard dans le dos. (Leur travail de renseignement est donc tabou.)

- Walkyrie c'est la "résistance" des généraux. Résultat de leurs actions : aucun résultat. Bilan zéro.

De multiples tentatives ratées contre Hitler, avant la bombe du 20 juillet 44, qui permet à Hitler de faire enfin le ménage dans les militaires qui lui sont hostiles. (Il y en a certes beaucoup, mais il leur a fallu attendre les défaites sur le front Est pour se décider à agir.)

Il est normal que Stauffenberg, qui s'est sacrifié, ait sa rue à Berlin et soit honoré en Allemagne, mais enfin on a déjà vu des résistants plus précoces...
Perso je trouve qu'ils servent aujourd'hui d'alibi à la frénésie nazie qui s'était emparée du peuple allemand à l'époque, et que leur action ne mérite pas tant de trompettes.

- La Rose Blanche c'est un mouvement de propagande anti-nazie, qui se lance à l'Université de Munich après Stalingrad et commence à distribuer des tracts dans les boites aux lettres. Ils sont admirables, parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas une chance : leur action est suicidaire et la Gestapo n'en fera qu'une bouchée. Mais Hans et Sophie Scholl, jeunes étudiants, se sont sacrifiés pour l'honneur de l'Allemagne et méritent une admiration profonde. (Ne leur demandons pas des résultats : ce n'est pas l'essentiel pour leur sacrifice, qui voulait témoigner que toute l'Allemagne n'était pas nazie.)

- Des opposants ouvriers restés communistes, des Juifs aussi, c'est logique : je vais regarder votre vidéo avec beaucoup d'attention. ( J'imagine que les malheureux ont fait ce qu'ils pouvaient, "larmes au milieu d'un torrent", pour reprendre le mot de J.J. Goldman.)

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Message Publié : 05 Nov 2021 9:56 
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Jean Froissart
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Pierma a écrit :
- Les sympathisants communistes allemands qui ont fait le plus de mal à l'Allemagne nazie, ce sont les membres berlinois du réseau de renseignement soviétique l'Orchestre Rouge. Ils ont délibérément trahi leur pays parce qu'ils voulaient la victoire de l'Union Soviétique et l'écrasement d'Hitler.

Il y a souvent une idéologie autre qui mène -dans un pays totalitaire- à affronter le pouvoir. Au final, l'essentiel est que les résultats aient été payants. J'imagine que dans le contexte, certains de ces résultats ont été "partagés" par Moscou avec ses nouveaux alliés.
Accessoirement la trahison est souvent quelque chose de délibéré ;) et puis ceci profitant au camp des "gentils" du moment : est-ce de la trahison ? C'est de la Résistance, comme en France...

Citer :
Il est normal que Stauffenberg, qui s'est sacrifié, ait sa rue à Berlin et soit honoré en Allemagne, mais enfin on a déjà vu des résistants plus précoces...

Le problème que j'ai toujours eu avec cette affaire est justement le mot "sacrifié". Après autant de tentatives ratées pour éliminer Hitler, je n'ai jamais compris pourquoi Stauffenberg n'est pas resté dans l'abri. Il pouvait certainement déléguer l'annonce de la mort (ou la constatation du "c'est raté !") à un tiers. Ceci aurait évité bien des problèmes.
J'ai lu sur un post de ce forum (lequel ? Ou dans un livre) -concernant Canaris- que l'on peut être très "mou du genou" quant au rapport au NS, à Hitler etc. tout en restant "patriote" (j'ai compris ceci en "ne trahissant pas sa patrie"). Peut-être que Stauffenberg pensait ainsi d'où l'action tardive.
Le problème pour la validation du mot "Résistance" est le timing. Les "résistants de la dernière heure" n'ont pas bonne presse.
Pour Stauffenberg, je pense -ceci n'engage que moi- qu'avec son cercle, tout s'est un peu emballé et je reste sur l'interrogation : si le choix "Hitler for ever" n'avait pas commencé à sentir un peu mauvais pour les mille années à venir, l'opération Walkyrie aurait-elle existé ? Et là, un doute m'étreint violemment. La correspondance de Stauffenberg avec son épouse ne m'apaise pas spécialement même s'il est évident qu'un homme -à cette époque, militaire de surcroît- ne s'étendait pas longuement sur ses états d'âme.
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Message Publié : 05 Nov 2021 10:22 
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Pierma a écrit :
- La Rose Blanche c'est un mouvement de propagande anti-nazie, qui se lance à l'Université de Munich après Stalingrad et commence à distribuer des tracts dans les boites aux lettres. Ils sont admirables, parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas une chance : leur action est suicidaire et la Gestapo n'en fera qu'une bouchée. Mais Hans et Sophie Scholl, jeunes étudiants, se sont sacrifiés pour l'honneur de l'Allemagne et méritent une admiration profonde. (Ne leur demandons pas des résultats : ce n'est pas l'essentiel pour leur sacrifice, qui voulait témoigner que toute l'Allemagne n'était pas nazie.)


Pour l'histoire, la Rose Blanche a un gros mérite, mais de manière rétrospective. En fait, il faut s'intéresser à une interview d'une des secrétaires d'Hitler : Trautl Junge. Un jour, en se promenant à Munich elle voit un monument à la mémoire de Sophie Stoll. Elles auraient eu le même âge. Là, elle comprend que ce qu'elle qui était proche du pouvoir n'a pas su ou voulu voir, une jeune fille de son âge l'avait découvert. Après guerre, pas mal d'allemands se sont réfugiés dans le "on ne savait pas". La réalité est qu'ils n'ont pas voulu voir ce qui se passait autour d'eux. Ils ont préféré rester dans une bulle et ne pas voir les signes évidents de ce qui se passait réellement. Pire certains se disaient que c'était le prix à payer pour retrouver leur grandeur passée. Ils n'étaient pas d'accord avec ce qui se faisait, mais ils l'acceptaient car ils voyaient seulement les résultats évidents : l'Allemagne qui avait reconquis un empire. En fait, tous les habitants de l'Allemagne qui ne voulaient pas être dupes savaient la réalité de la situation. Voilà ce que nous enseigne l'histoire de la Rose Blanche, qu'il y avait des allemands lucides et qui n'étaient pas prêts a accepter ces compromissions, et cela quitte à le payer au prix de leurs vies.

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Message Publié : 05 Nov 2021 22:22 
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Marc Bloch
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J'ai un gros doute sur cette anecdote.
Cette jeune femme était la secrétaire du Fuhrer. A mon sens , il est plus que probable qu'elle adhérait à 1000% aux idées du régime - et n'avait aucune forme de sympathie pour les Juifs. Ignorait elle que les nazis voulaient la mort des Juifs ? ...


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Message Publié : 05 Nov 2021 23:57 
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Jerôme a écrit :
J'ai un gros doute sur cette anecdote.
Cette jeune femme était la secrétaire du Fuhrer. A mon sens , il est plus que probable qu'elle adhérait à 1000% aux idées du régime - et n'avait aucune forme de sympathie pour les Juifs. Ignorait elle que les nazis voulaient la mort des Juifs ? ...

Je crois que Trautl Jünge témoigne à la fin du film La Chute. En tous cas j'ai ces images en mémoire. Elle a beaucoup vieilli, elle est sans doute bien éloignée de la foi nazie de ses 20 ans, et raconte qu'elle est tombée, déjà âgée, sur ce mémorial de Sophie Scholl.

C'est là, découvrant qu'elles avaient le même âge à l'époque où elle servait Hitler qu'elle se dit (du moins c'est ainsi qu'elle le raconte) "au même âge, j'ai refusé de voir ce que j'avais sous les yeux". (Je la cite de mémoire.)

On peut évidemment la soupçonner de duplicité et de tenir ces propos pour faire oublier sa présence aux côtés d'Hitler comme secrétaire, mais à cette date si tardive (où plus personne ne risque de lui reprocher quoi que ce soit) pour ma part je la crois sincère.

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Message Publié : 06 Nov 2021 8:50 
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Marc Bloch
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Difficile de savoir si un témoin est sincère ou pas.
On ne peut exclure une fausse sincérité : souvent les criminels "reconstruisent " les événements pour se donner sinon le beau rôle du moins se présenter d'une façon acceptable.

De nombreux Allemands ont fait cela, inconsciemment.


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Message Publié : 06 Nov 2021 11:38 
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D'un autre côté, une secrétaire très jeune - elle est devenue secrétaire d'Hitler à l'âge de 22 ans -, ayant grandi dans un milieu fort conservateur, puis "nazifié" (elle a 13 ans lorsqu' Hitler devient chancelier) ne semble pas capable de se poser ce genre de question. De plus, ses activités ne permettent par de la qualifier de "criminelle".

Pour en revenir à cette résistance, bien entendu, elle demeure très marginale à l'échelle d'un pays, qui n'a connu pratiquement que des succès militaires, économiques et politiques jusqu'en 1942. C'est à cette date, seulement, que des officiers - on peut tout de même ajouter que les cadres traditionnels de l'armée allemande n'ont jamais aimé Hitler ni le national-socialisme, ils s'en sont simplement accommodés pour détruire le diktat de Versailles et prendre ainsi leur revanche sur les Occidentaux - et quelques civils influents commencent à s'organiser. On peut citer, entre autres, le "cercle de Kreisau" - qui existe de manière embryonnaire depuis 1938 - auquel appartenaient les conjurés du 20 juillet 1944.
Entre les apparentes prospérité économique et stabilité politique, gagnées par les nazis après leur coup d'Etat du printemps 1933, et la promesse de victoires rapides contre les démocraties occidentales par les coups de force hitlériens en Europe centrale et orientale, le tout orchestré par une propagande habile, que reste-t-il à protester pour la population allemande ? Qui plus est très peu sont Juifs ou communistes et personne ne peut imaginer la "solution finale". A cela il faut ajouter l'omniprésence d'un parti unique, qui encadre la société et entre dans les familles par les portes très efficaces des organisations de jeunesse et socio-professionnelles ; sans parler d'un système policier aussi omnipotent qu'efficace utilisant la terreur pour faire rentrer dans le rang tout sceptique ou opposant.
Les mensonges d'une grande partie du personnel politique, diplomatique et, surtout, militaire du régime de Weimar trouvent, enfin, une réponse avec le régime nazi : le "coup de poignard dans le dos" du complot judéo-bolchevique est enfin vengé, le traité de Versailles piétiné. L'honneur du peuple allemand, qui n'avait jamais perdu la guerre en 1918, est également lavé.
Dans pareil contexte, où de nombreux militaires et fonctionnaires avaient prêté serment de fidélité à Hitler, il est peu probable qu'un mouvement - encore moins plusieurs -, important et organisé de résistance ne se forme.
Celui de la "rose blanche" est de l'ordre de l'anecdotique, au regard du nombre de participants et de ses actions. Cela dit, son symbole est puissant : des jeunes, ayant grandi avec le régime hitlérien, osent critiquer la propagande officielle et penser une autre société débarrassée du nazisme. Ils sont peu nombreux, mais les restrictions dont commence à souffrir la population allemande et les morts des guerres hitlériennes, surtout depuis l'attaque de l'URSS, semblent ouvrir les yeux à la population sur le véritable caractère du régime.
Dans une autre discussion, un rappel a été fait sur l'étude de l'opinion publique allemande sous le nazisme avec l'ouvrage de Kershaw sur l'exemple de la Bavière. https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1996_num_52_1_3584_t1_0154_0000_1
Des mouvements d'opposition au nazisme ont bien éclaté de manière diffuse à la fin des années 1930, mais pas pour les raisons qui nous intéressent ici : rien (ou pas grand chose) sur la politique belliqueuse et raciste du führer. Il était donc possible de "râler" dans l'Allemagne d'Hitler, tant que cela ne touchait pas au dogme du régime.

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
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Message Publié : 07 Nov 2021 16:54 
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Pour ceux que le témoignage de Traudl Junge intéresse, c'est en trois parties.


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Message Publié : 07 Nov 2021 18:50 
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Jerôme a écrit :
Difficile de savoir si un témoin est sincère ou pas.
On ne peut exclure une fausse sincérité : souvent les criminels "reconstruisent " les événements pour se donner sinon le beau rôle du moins se présenter d'une façon acceptable.

De nombreux Allemands ont fait cela, inconsciemment.

Je pense que votre vision de l'évolution des mentalités en Allemagne est fausse.

Il n'y avait pas réellement de "criminels" dans le grand public allemand. (A l'exception notable des policiers ou SS chargés d'éliminer les ennemis du régime, ou de les envoyer en camps de concentration.) Si l'on excepte les soldats sur le front russe, le peuple allemand n'avait pas de sang sur les mains.

Les Allemands savaient évidemment qu'il n'était pas question de contester le régime, mais il n'a pas été très difficile pour eux de s'en accommoder : le régime nazi avait mis fin au chômage et à la faim, rétabli la grandeur de l'Allemagne et multiplié les conquêtes pratiquement sans pertes humaines.

Après la victoire sur la France en 6 semaines, la cote de Hitler est à son zénith.

Bien sûr il y a les Juifs allemands qui ont été déportés, mais les Allemands, dans leur grande majorité, ont préféré ne pas le voir, d'autant plus que beaucoup avaient été convaincus par la propagande antisémite du régime.

Eux, des criminels ? Ils se sentaient au contraire (et à juste titre) victimes de bombardements terroristes contre les civils - toutes les villes de plus de 100 000 habitants ont été bombardées, et plusieurs fois pour les plus grandes ou les plus industrielles, ce qui constitue objectivement un crime de guerre massif - puis, plus tard, victimes des massacres et des viols commis en masse par l'Armée Rouge.

Où voyez-vous donc qu'ils aient eu besoin de modifier inconsciemment leurs souvenirs criminels ?

Le seul point d'interrogation concerne non pas les camps de concentration (à part les habitants du voisinage, qui savait ?) mais les crimes de masse et la politique de la terre brûlée commis sur le front de l'Est. Là je pense que pas mal de soldats (mais pas la majorité) ont confié à leur famille qu'ils participaient à une guerre d'extermination, ou raconté des épisodes épouvantables. En tous cas une partie du peuple savait quelle guerre se livrait là-bas.

La majorité des Allemands qui ont vécu cette époque ont témoigné par la suite que l'annonce de la mort de Hitler les avait comme dégrisés. C'est le moment précis du retour à la réalité du moment, qui n'était pas rose pour eux.

Quand j'y pense, les jeunes Allemands - ou surtout leurs parents - que je fréquentais dans les années 70 avaient bien effacé une chose de leur mémoire : les bombardements. C'était pourtant à Dortmund, ville industrielle de la Ruhr qui a durement dégusté. Jamais je n'ai entendu la moindre plainte ou le moindre récit sur ce sujet. La ville avait été entièrement reconstruite, les parents de mes amis avaient dû en voir de dures lorsqu'ils étaient gamins, tant sous les bombes que de la faim après-guerre, mais jamais je n'ai entendu un mot sur le sujet.

Il y a 3 ou 4 ans un copain de Hambourg organise un grand WE près de Dortmund, où il avait gardé une maison de campagne au bord du Möhnesee. (Lac de la Möhne) Le nom me dit quelque chose, et je me décide à chercher sur Google : en fait c'est un des trois barrages qui ont été détruits à l'aide de bombes sphériques par l'escadrille spéciale des "dambusters", après des mois d'entrainement à blanc sur des barrages anglais, provoquant des inondations et des destructions catastrophiques dans les villes en aval. J'ai donc fait une trouvaille, et je passe à tous par mail (Français et Allemands) les photos du barrage éventré et des quadrimoteurs avec leurs bombes bizarres : hé bien ça fait flop ! Je n'aurais pas pu trouver un sujet qui les intéresse encore moins.

Je crois que l'un d'eux a répondu "Ah oui, ce bombardement ? Mais c'était pendant la guerre." En clair ce n'était pas un sujet.

En gros, les "jeunes" Allemands (ils ont mon âge) savent qu'il y avait des criminels endoctrinés parmi leurs grands-parents, savent ce qu'a été la Shoah, les KZ, ne mettent pas en doute la culpabilité de l'Allemagne, mais ce qu'a pu subir l'Allemagne a été effacé.

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Message Publié : 12 Nov 2021 22:48 
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Pierma a écrit :
Ce n'étaient pas des ouvriers communistes. A la grande stupeur de la Gestapo, ils appartenaient plutôt à l'élite berlinoise.


Il y avait un peu de tout dans leur équipe même si effectivement, le membre le plus actif était un militaire. Mais par contre ils ne faisaient pas parti de l'élite, au contraire de la Rose Blanche qui était constituée de jeunes issus des classes privilégiés.

Les communistes juifs du groupe Baum ont aussi quelques résultats significatifs. Même s'ils ont fini par se faire prendre...

Mais je ne dirais pas qu'ils ont trahi l'Allemagne. C'est un peu le même concept que les "terroristes" en général, selon les époques et les points de vu, ils sont soit des héros soit des crapules...

Narduccio a écrit :
Pour l'histoire, la Rose Blanche a un gros mérite, mais de manière rétrospective.

La rose blanche est restée dans les mémoires surtout parce que après-guerre, la RFA ne voulait pas mettre en avant la résistance des communistes, étant donné la guerre froide et la RDA

Pierma a écrit :

Il n'y avait pas réellement de "criminels" dans le grand public allemand. (A l'exception notable des policiers ou SS chargés d'éliminer les ennemis du régime, ou de les envoyer en camps de concentration.) Si l'on excepte les soldats sur le front russe, le peuple allemand n'avait pas de sang sur les mains.

Les Allemands savaient évidemment qu'il n'était pas question de contester le régime, mais il n'a pas été très difficile pour eux de s'en accommoder : le régime nazi avait mis fin au chômage et à la faim, rétabli la grandeur de l'Allemagne et multiplié les conquêtes pratiquement sans pertes humaines.

Après la victoire sur la France en 6 semaines, la cote de Hitler est à son zénith.

Bien sûr il y a les Juifs allemands qui ont été déportés, mais les Allemands, dans leur grande majorité, ont préféré ne pas le voir, d'autant plus que beaucoup avaient été convaincus par la propagande antisémite du régime.

Eux, des criminels ? Ils se sentaient au contraire (et à juste titre) victimes de bombardements terroristes contre les civils - toutes les villes de plus de 100 000 habitants ont été bombardées, et plusieurs fois pour les plus grandes ou les plus industrielles, ce qui constitue objectivement un crime de guerre massif - puis, plus tard, victimes des massacres et des viols commis en masse par l'Armée Rouge.


Totalement d'accord !

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La résistance en Allemagne nazie
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https://youtu.be/xblr9MKCov4


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Message Publié : 13 Nov 2021 1:57 
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Arko a écrit :
Pierma a écrit :
Ce n'étaient pas des ouvriers communistes. A la grande stupeur de la Gestapo, ils appartenaient plutôt à l'élite berlinoise.


Il y avait un peu de tout dans leur équipe même si effectivement, le membre le plus actif était un militaire. Mais par contre ils ne faisaient pas parti de l'élite [...]

Vous vous trompez.
La majorité des membres du groupe berlinois faisait partie de la bonne société. Pas tous, bien sûr, mais ce sont des gens qui fréquentent les salons où l'on cause.

Le N°2 est Arvid Harnack (orthographe ?) qui est chef de service au ministère de l'économie.

J'ai aussi le souvenir de cette comtesse impavide, menacée par Manfred Roeder, le sinistre juge du tribunal du peuple :
- Vous allez bientôt cesser de rire !
- pas tant que je vous verrai ! :!:

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Message Publié : 13 Nov 2021 15:49 
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Arko a écrit :
Narduccio a écrit :
Pour l'histoire, la Rose Blanche a un gros mérite, mais de manière rétrospective.

La rose blanche est restée dans les mémoires surtout parce que après-guerre, la RFA ne voulait pas mettre en avant la résistance des communistes, étant donné la guerre froide et la RDA


En gros, vous n'avez rien compris à mon message. Oui, la RFA a mis en avant "ses" résistants, et la RDA les "siens". La RFA a d'ailleurs eu tendance à mettre en avant la résistance militaire. Pas trop la Rose Blanche qui, me semble-t-il a eu plus les honneurs des milieux intellectuels.

Mais, la Rose Blanche, montre surtout qu'on pouvait savoir que les juifs subissaient quelque chose de grave, même sans être au cœur des cercles du pouvoir. En fait, tous les allemands, s'ils avaient ouverts les yeux, auraient pu savoir. C'est cela que nous apprends le sacrifice de ces jeunes. Ils furent les moins efficaces sur le plan militaire, mais ils sont les plus représentatifs.

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Message Publié : 28 Déc 2021 10:38 
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La résistance conservatrice au nazisme

Schématiquement, à partir de 1943, la résistance conservatrice au nazisme s'articule autour de trois groupes : les « anciens » du « club du mercredi » avec les personnalités politiques de premier plan que sont Carl Friedrich Goerdeler, Ulrich von Hassel et Johannes Popitz ; les « modernes » du cercle de Kreisau animé par Helmut James von Moltke, Adam von Trott zu Solz et Peter Yorck von Wartenburg ; les militaires enfin dont les principales figures sont le maréchal von Witzleben, le général d'armée Beck, le général de division Olbricht et le général de brigade von Tresckow assistés d'une solide cohorte d'officiers supérieurs. Un quatrième groupe, celui de l'Abwehr, a quasiment cessé d'exister depuis la mise à l'écart de Hans Oster et l'arrestation de Dohnanyi.


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Message Publié : 28 Déc 2021 10:51 
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Narduccio a écrit :
Ils furent les moins efficaces sur le plan militaire, mais ils sont les plus représentatifs.

Ils sont suicidaires, sincères, inefficaces et admirables.

Au moment de leur procès joué d'avance, ils furent l'Allemagne et sa conscience.

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Message Publié : 12 Jan 2022 12:45 
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Duc de Raguse a écrit :
Pour en revenir à cette résistance, bien entendu, elle demeure très marginale à l'échelle d'un pays, qui n'a connu pratiquement que des succès militaires, économiques et politiques jusqu'en 1942. C'est à cette date, seulement, que des officiers et quelques civils influents commencent à s'organiser.

Des « résistants » commencent à s'organiser avant 1942, et même avant 1940.



Duc de Raguse a écrit :
on peut tout de même ajouter que les cadres traditionnels de l'armée allemande n'ont jamais aimé Hitler ni le national-socialisme, ils s'en sont simplement accommodés pour détruire le diktat de Versailles et prendre ainsi leur revanche sur les Occidentaux

Un certain nombre de généraux allemands ont manifesté une grande sympathie pour Hitler et/ou le nazisme. On peut même dire que certains d'entre eux, par exemple Reichenau, étaient très favorables à Hitler et ses ambitions.


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