Bonjour,
Voici un témoignage qui, j’en suis sûr, cadre absolument avec le souci d’authenticité de ce forum et apporte une contribution majeure à l’histoire de notre pays :
Je me suis engagé, en avril 1939, à l’école des apprentis mécaniciens de l’armée de l’air, à Rochefort-sur-Mer.
A cette époque là, dans toute l'armée française, chacun rapportait que du bromure était versé dans le "quart de vin" qui, traditionnellement, accompagnait le repas des militaires. Pour des hommes éloignés de leur foyer cette médication aurait eu pour effet, disait-on, de calmer leurs ardeurs érotiques. Une chanson humoristique, s'intitulant « Les bromurés », laissait entendre que les permissionnaires « bromurés » étaient incapables d’honorer leurs épouses. Fallait-il accorder un crédit à toutes ces assertions ? La question reste posée.
Pour nous, les arpètes, un souci supplémentaire nous minait le corps et l'esprit Chez tous ces jeunes qui sortaient, pour la plupart, de leur milieu familial, se manifestait une certaine paresse intestinale Pour parer à cette difficulté les autorités médicales faisaient verser un laxatif dans notre nourriture, C'est du moins ce qu'on disait.
Quoi qu'il en soit chaque nuit notre sommeil était perturbé par des cavalcades incessantes dans les escaliers de l'école et des courses éperdues vers les lieux d'aisance. Les élèves étant pourvus de sabots de bois le tapage nocturne était insupportable. Détail cocasse, par le plus malheureux des hasards les coureurs ensabotés qui arrivaient au rez de chaussée devaient, pour accéder aux WC, pantalon déjà sur les genoux, passer devant l'exaltante devise de Guynemer, inscrite en gros caractères sur le mur. "FAIRE FACE".
Le dimanche suivant mon arrivée à l'école j'assistais, avec les copains, dans l'amphithéâtre de la base, à la projection d'un film particulièrement captivant qui s'intitulait, je crois, "Le Tigre du Bengale". C'était un classique qui, peut être, de nos jours, termine sa vie, au fond d'un placard, dans les archives de la nouvelle école. J'étais là, à admirer les rondeurs de l'héroïne du film, lorsque je ressentis les premières atteintes du mal qui répandait la déroute dans le camp des apprentis. Je quittai alors précipitamment la salle.
Comme il me semblait très aléatoire de chercher des lieux d'aisance sur place je tentai d'atteindre, dans un galop d'enfer, les latrines des casernements situés à environ 500 m de là. Chemin faisant je rencontrais, tout en courant, quelques arpètes plus anciens qui m'abreuvèrent de sarcasmes. Pas un bosquet, pas une frondaison pour m'arrêter .... Cependant je progressais mais, au fur et à mesure que j'approchais du but, mon abdomen se faisait de plus en plus pressant. En arrivant sur les lieux de ma supposée délivrance je constatai avec angoisse que toutes les cabines étaient déjà occupées. Une file d'attente s'était formée. Certains ex constipés tambourinaient sans succès sur les portes derrière lesquelles nous entendions des bruits d'apocalypse.
Vaincu par l'adversité je fus contraint, à mon corps défendant, comme beaucoup d'autres, à l'abdication de ma dignité et à la débâcle qui s’en suivit……..
Cordialement
|