Hubris a écrit :
Ce qu'a dit De Gaulle:
"Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle."
Chaque fois qu'est évoquée la libération de Paris, on a droit à cet extrait là (vous avez raison, la concordance de style et même d'idée avec Victor Hugo est étonnante) dont mes gamins me disent que c'est une ritournelle dont ils sont saturés.
Hors De Gaulle n'aimait pas ce discours. Il disait l'avoir improvisé dans l'instant - contrairement à son habitude - et le trouvait mauvais.
Pour ma part je trouve l'anaphore très réussie mais la suite est un peu faible, et quand il en vient à évoquer "la France éternelle" on sent bien qu'il est au bout de ses idées. Seul le style le sauve, parce que c'est De Gaulle et qu'il parle en tous lieux un français de haute époque qui n'appartient qu'à lui.
Dans cette anaphore, on constate avec "Paris outragé" qu'il a la mémoire longue : en 44 il n'avait toujours pas digéré le "Paris ville ouverte" de 1940 : lui aurait souhaité que la ville soit défendue. Tout son combat pendant ces 4 ans a consisté à venger cet outrage, il le dit dans ses mémoires à propos d'un autre épisode, celui de la rencontre, à la tête de ses chars, avec des soldats que les Allemands ont désarmé et laissé partir : "Nous n'avons pas le temps de vous faire prisonnier". Il évoque "l'insolence sans bornes de l'ennemi" et dit "ce que j'ai pu faire par la suite, c'est à ce moment là que je l'ai résolu". Lacouture parle du "réflexe d'un mousquetaire giflé".
Cette focalisation sur la seconde partie du discours est d'autant plus dommageable que le début en était excellent, et même exceptionnel. Je le cite de mémoire parce que je n'arrive pas à remettre la main dessus, mais du coup je risque de l'affaiblir...
"
Pourquoi voudrait-on que nous cachions l'émotion qui nous étreint tous, alors que nous sommes ici tous ensemble, à Paris, chez nous ! Non, nous ne dissimulerons pas cette émotion sacrée. Il y a là des instants qui dépassent chacune de nos pauvres vies. Paris ! Paris outragé..."
J'aime beaucoup ce début, parce qu'il montre un De Gaulle fraternel avec ceux qui l'entourent - beaucoup de simples FFI parisiens, en particulier - qui communie avec eux dans l'instant et se place au même niveau :"Nous voila enfin chez nous !". Un cri du coeur.
Combien l'avaient-ils tous attendu, ce moment, combien en avaient-ils rêvé, de cette liberté soudain retrouvée, dans l'union d'un soir ! Je trouve beau qu'il ait su trouver les mots pour saisir, comme sur une photo, cette communauté d'esprit que partagent à ce moment-là, ensemble, tant les FFL que les FFI, chacun après un très long combat pour y arriver enfin. Et qui, à part lui, est capable d'improviser cette phrase magnifique : "
Il y a là des instants qui dépassent chacune de nos pauvres vies."
Bref je pense que ce qu'on entend trop souvent n'est pas la bonne coupure de son discours. Mieux vaudrait restituer ce début presque "familial" - familier et fraternel à la fois - et terminer avec "mais Paris libéré !".
Ce n'est que mon avis personnel, ma propre émotion, et je comprends qu'on puisse en juger autrement.