Pierma a écrit :
Rommel aurait fait un adversaire très redoutable sur le front de Normandie, s'il avait eu la libre-disposition, dès le 6 juin, de toutes les troupes allemandes disponibles en France. (Et s'il n'avait pas été assassiné, un peu vite, par la Gestapo, donc par Hitler.)
Par chance, Hitler voulait décider de tout.
Bonsoir,
Je ne suis pas d'accord avec cette vision des choses. Je ne pense pas que la position défendue par Rommel dans la fameuse Panzerkontroverse du printemps 1944 aurait obtenu des résultats significativement meilleurs que celle de Rundstedt et de Geyr von Schweppenburg.
Elle supposait de savoir précisément où les Alliés allaient débarquer pour pouvoir concentrer les blindés à proximité, mais ni Rommel, ni Rundstedt, ni l'OKW, ni Hitler ne pouvaient en être certains. Ce flou entretenu avec brio par les Alliés laissait deux hypothèses crédibles : la Normandie et le Pas-de-Calais. Les réserves mécanisées allemandes sont justement déployées pour faire face équitablement à ces deux menaces :
- le XXXXVII. Panzerkorps, chapeautant les 1. SS-Panzer-Division "Leibstandarte SS Adolf Hitler" (à Beverloo en Belgique), 2. Panzer-Division (près d'Amiens) et 116. Panzer-Division (dans la vallée de la Seine au sud-est de Rouen), est censé agir en direction du Pas-de-Calais ;
- le I. SS-Panzerkorps, avec la 21. Panzer-Division (entre Caen et Saint-Lô), la 12. SS-Panzer-Division "Hitlerjugend" (au sud-est de Caen) et la Panzer-Lehr-Division (vers Alençon), a vocation à agir vers la Normandie.
Comme on le voit, Rommel dispose de deux divisions blindées très proches du littoral sur lequel vont débarquer les Alliés. Mais elles sont incapables de déboucher le jour J ou le lendemain. Et les six divisions blindées mentionnées auraient été concentrées au même endroit (dans l'hypothèse Normandie) que les Alliés n'avaient qu'à débarquer dans le Pas-de-Calais laissé sans capacité de contre-attaque autonome (donc perforable en un rien de temps). Cela était de toute manière un tel risque que personne n'était prêt à le prendre au sein du commandement allemand, Hitler pas plus que quiconque.
Je doute aussi très fort qu'une contre-attaque sur les plages auraient eu un grand succès en raison de la menace extraordinaire de l'artillerie navale. La plage aurait pu être atteinte que les chars auraient été atomisés à coups d'obus de 381mm - un peu comme cela a pu se passer pour la contre-attaque de la Panzer-Division "Hermann Göring" sur la plage sicilienne de Gela les 10 et 11 juillet 1943.
La seule hypothèse crédible était de ne pas défendre le rivage, de se regrouper en profondeur en laissant les Alliés progresser sans avoir consolidé leurs bases logistiques et débarquer assez de troupes, pour contre-attaquer alors qu'ils étaient encore fragiles en essayant de leur infliger des pertes suffisantes pour justifier un rembarquement.
Peu de chance de succès, mais vraisemblablement plus que la position de Rommel.
Bref, il s'agit à mon sens d'un mauvais procès, et Rommel s'avère incapable de faire quoi que ce soit de consistant entre le 6 juin et le 17 juillet 1944.
Un meneur d'hommes et un tacticien remarquable, mais bien moins versé dans l'art opératif...
CEN EdG