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Message Publié : 20 Fév 2021 23:36 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Rebecca West a écrit :
Je n'ai pas votre degré de connaissances et votre potentiel d'analyse voici pourquoi je crains toujours de me faire embarquer dans un sens ou l'autre sans toujours pouvoir m'en rendre compte. Dans ce cas que dois-je faire ? M'abstenir de lire puisqu'il faut absolument se positionner ? Ne pas le faire semble mener à l'hypocrisie, je songeais plus à -question choix politiques- la discrétion.


Je pense que l'important reste de croiser les auteurs ; ça limite ce genre d'effet pernicieux. Ils ont rarement un même point de vue unanime. ;) La subjectivité n'est pas forcément un mal, elle est aussi un angle d'analyse qui a souvent son intérêt. Et puis ça aiguise toujours la réflexion que de s'y confronter.

Narduccio a écrit :
Mais, je parle bien du management des allemands dans les industries. Et c'est pour cela que j'évoque le documentaire sur l'argent des nazis. Il y a les paroles, puis il y a les faits. Ceux qui ne se plient pas aux décisions du parti sont laminés par l'appareil concentrationnaire nazi. Parmi ceux qui ont construits les premiers camps de concentration car ils en furent les premiers occupants, il y a de nombreux syndicalistes. Il y a une réelle mise au pas des ouvriers, ce n'est pas tout à fait ce qui est décrit par Chapoutot.


Je pense que Chapoutot reste essentiellement dans la genèse théorique d'un modèle managérial qui n'est pas nécessairement le seul modèle à s'appliquer dans le système nazi. Il faut bien avoir en tête que c'est une organisation multiforme aux pensées souvent divergentes. Si je continue avec des analyses de Chapoutot il a très bien démontré qu'il y a dans le nazisme une récupération de l'Antiquité grec-romaine. Or Himmler, lui, n'en a strictement rien à faire, fasciné qu'il était par l'Allemand éternel autochtone quand bien même il eu vécu dans un état "d'arriération civilisationnel" pour paraphraser en substance Hitler. Et par delà les questions de divergence de point de vue il y a également tout ce qui va être imposé par les réalités pressantes de la guerre ; le théorique eu d'autant plus de mal à percer.

Narduccio a écrit :
Lui, il s’appuie sur les belles paroles de propagande


Non je ne pense pas ; il s'appuie sur des articles et des réflexions très sérieuses comme celles de Höhn.
Narduccio a écrit :
Au nom du nationalisme, ils ont mis en place un système fondé sur l'autarcie. Les gens avaient du travail, ils gagnaient de l'argent, qu'ils ne pouvaient pas dépenser car il n'y avait pas beaucoup d'objets pour dépenser cet argent. Alors l'argent dort dans les banques, et ainsi les nazis n'ont pas besoin de faire marcher la machine à billet. Ils lancent des programmes pour se procurer des biens comme des radios, des automobiles (les Volkswagen)... Les gens cotisent sur des carnets. Un très gros avantage car l'argent passe des banques détenues par les nazis aux organismes d’États chargés de gérer cela.


Oui, mais cela est piloté par l'économie de guerre ; est-ce que ce système devait être pérennisé ? Evidemment que non. Les nazis veulent aller vite et fort et doivent nécessairement trouver des expédients pour relever l'outil industriel afin de réarmer.
Vous raisonnez trop dans ce qui s'est réellement produit et pas forcément dans l'intention. SI on bâtit un Reich de Mille ans c'est pour voir au delà des perspectives immédiates de la guerre à venir puis en cours. Il y a dans l'idéal futur la célébration de la biologie raciale germanique faite de liberté primordiale qui doit être guidée d'une main subtile dans le travail et non pas la trique.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 21 Fév 2021 0:02 
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Grégoire de Tours
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J'ai quand même un problème, dans cette interview (je n'ai pas lu le livre), avec le parallèle que fait N. Polony (J. Chapoutot semble plus prudent) entre nazisme et néo-libéralisme - sur le simple fait que les nazis n'aiment pas l'état, et les néo-libéraux non plus. Il me semble qu'elle loupe complètement le fait que pour les nazis, c'est tout de même la communauté, le peuple, qui est l'entité indivisible (comme l'explique J. Chapoutot ensuite), et que l'individu n'est rien. En revanche le principe "néolibéral" c'est la liberté individuelle.
Elle relie les deux (et J C semble approuver), en sous-entendant que dans nos sociétés néolibérales d'aujourd'hui qui ont renié l'héritage des lumières, l'entreprise est pour le salarié l'équivalent de la communauté du peuple pour l'individu, dans l'idéologie nazie.

Or, (hormis le fait qu'il reste à mon sens à démontrer que notre société française est effectivement néolibérale : avec 47% du PIB en prélèvements obligatoires, l'Etat est loin d'être détruit me semble-t-il), il y a plusieurs différences majeures. Principalement, dans l'idéologie néolibérale (sinon dans les faits), l'employé est libre de quitter son entreprise pour trouver mieux ailleurs ; alors que celui qui aurait voulu quitter la communauté du peuple nazi était condamné.

Je note d'ailleurs que dans cette interview, J C parle beaucoup de l'idéologie nazie et de son opposition aux Lumières (ce qui est incontestable), beaucoup moins finalement du sujet de son livre qui est le lien entre cette idéologie et le management en entreprise.


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Message Publié : 21 Fév 2021 0:14 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Dupleix a écrit :
Or, (hormis le fait qu'il reste à mon sens à démontrer que notre société française est effectivement néolibérale : avec 47% du PIB en prélèvements obligatoires, l'Etat est loin d'être détruit me semble-t-il), il y a plusieurs différences majeures.


Il y a une différence entre une application révolutionnaire d'une idéologie et la voir inspirer des politiques qui doivent compter avec l'inertie d'un système. Aujourd'hui l'influence néolibérale existe surtout dans les points de vue qu'on adopte pour penser les problèmes de société liés à l'économique en particulier ; on est relativement peu dans les nationalisation d'entreprises, plutôt dans la privatisation. C'est un exemple, ils sont nombreux.

Dupleix a écrit :
Principalement, dans l'idéologie néolibérale (sinon dans les faits), l'employé est libre de quitter son entreprise pour trouver mieux ailleurs ; alors que celui qui aurait voulu quitter la communauté du peuple nazi était condamné.


On ne quitte pas la communauté puisqu'elle est biologique dans le nazisme. Et quitter son entreprise en période de chômage chronique c'est... compliqué lol

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Message Publié : 21 Fév 2021 1:07 
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Grégoire de Tours
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Pédro a écrit :
Dupleix a écrit :
Principalement, dans l'idéologie néolibérale (sinon dans les faits), l'employé est libre de quitter son entreprise pour trouver mieux ailleurs ; alors que celui qui aurait voulu quitter la communauté du peuple nazi était condamné.


On ne quitte pas la communauté puisqu'elle est biologique dans le nazisme. Et quitter son entreprise en période de chômage chronique c'est... compliqué lol
Une personne pouvait être exclue du peuple allemand idéal qui constituait la société nazie, JC cite 400 000 stérilisations et 200 000 assassinats. Elle pouvait aussi s’en exclure elle-même en étant communiste par exemple, et ça finissait mal également.
Dans notre société, une personne peut quitter son entreprise, c’est compliqué, mais ça se fait. Elle peut aussi, peut-être plus souvent, en être exclue. Et les gens à qui ça arrive ne sont ni stérilisés, ni assassinés : au contraire, ils touchent des aides de la société (ce qui montre que celle-ci n'est en réalité pas vraiment néolibérale). J'ai donc un peu de mal avec ce parallèle.
C’est là où se situe le non-dit le plus frappant de cette interview : on fait un parallèle entre la société nazie et l’entreprise d’aujourd’hui, comme si l’entreprise était la société.


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Message Publié : 21 Fév 2021 1:38 
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Jean-Pierre Vernant
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Dupleix a écrit :
Une personne pouvait être exclue du peuple allemand idéal qui constituait la société nazie, JC cite 400 000 stérilisations et 200 000 assassinats. Elle pouvait aussi s’en exclure elle-même en étant communiste par exemple, et ça finissait mal également.


Ce n'est pas tout à fait ça ; chez les nazis toute chose trouvant une explication biologique et donc social darwinienne, si vous tournez mal c'est inscrit dans vos "gènes". Ils sont purement déterministes. Ceux qu'ils stérilisent c'est pour qu'ils ne viennent pas souiller la pureté du bon sang allemand ; ils sont gâtés, pourris, impossibles assimiler. Le peuple allemand existe pour les nazis mais il est menacé biologiquement.Il faut donc le protéger et supprimer les éléments contaminateurs, puis faire prospérer ce bon sang.

Dupleix a écrit :
C’est là où se situe le non-dit le plus frappant de cette interview : on fait un parallèle entre la société nazie et l’entreprise d’aujourd’hui, comme si l’entreprise était la société.


C'est une réflexion effectivement intéressante et une question qui se pose à l'heure où tellement de choses sont déterminées par l'entreprise. Chapoutot raisonne beaucoup dans le domaine des idées, c'est peut être là que le problème se situe ; nous vivons dans un monde où subsiste un important dispositif étatique garantissant certains éléments clés de l'Etat providence, pourtant ce modèle est remis en question et attaqué sans être encore démantelé.

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Message Publié : 21 Fév 2021 10:29 
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Pédro a écrit :
Dupleix a écrit :
Une personne pouvait être exclue du peuple allemand idéal qui constituait la société nazie, JC cite 400 000 stérilisations et 200 000 assassinats. Elle pouvait aussi s’en exclure elle-même en étant communiste par exemple, et ça finissait mal également.


Ce n'est pas tout à fait ça ; chez les nazis toute chose trouvant une explication biologique et donc social darwinienne, si vous tournez mal c'est inscrit dans vos "gènes". Ils sont purement déterministes. Ceux qu'ils stérilisent c'est pour qu'ils ne viennent pas souiller la pureté du bon sang allemand ; ils sont gâtés, pourris, impossibles assimiler. Le peuple allemand existe pour les nazis mais il est menacé biologiquement.Il faut donc le protéger et supprimer les éléments contaminateurs, puis faire prospérer ce bon sang.


C'est plus compliqué, car les nazis n'étaient pas aussi binaire que cela. Ils reconnaissaient que certains pouvaient être biologiquement des germains mais avoir été pervertis par des idéologies qui leur avaient "tourné la tête". C'est pourquoi aux peuples germains qui s'étaient retrouvés sous influence étrangère il fallait :
- éradiquer ceux qui étaient trop influencés;
- convaincre, par tous les moyens, les autres qu'ils devaient devenir de bons allemands.

C'est l'objet tous le programme de germanisation qu'ils mirent en place dans les zones annexées comme l'Alsace-Moselle. Et le système s'appuyait sur la coercition. Aucune volonté de convaincre les gens, comme pourrait le laisser croire cette assertion de Chapoutot : ""Pour produire beaucoup, il ne faut pas mener les gens à la matraque", dans son interview. Ce qui s'est mis en place dans ces territoires est bien un régime de germanisation à force forcée, mais avec des outils de coercition comme Schirmek, puis Natzwiller-Struthoff. Pour les alsaciens, le message est très clair : "soit vous devenez des allemands obéissants aux lois édictés par le Führer, soit vous souffrirez".

Autre chose que Chapoutot semble éluder ou ignorer, le Führer-prinzcipt. Cela revient à dire que le chef a toujours raison, en dernier ressort. Et les nazis, en Alsace ou ailleurs, vont sélectionner un tas de petits-chefs pour encadrer la société. C'est juste l'inverse du système de management actuel où on demande à celui qui dirige la structure de faire en sorte que ses subordonnés soient le plus autonomes possible. Or, le Führer-prinzipt ne reconnait l'autonomie des subordonnés que tant qu'ils adhèrent à la vision de leurs chefs.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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Message Publié : 21 Fév 2021 11:05 
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Jean-Pierre Vernant
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Narduccio j'aimerais beaucoup que vous m'expliquiez que le management d'Amazon par exemple n'a rien d'autoritaire. Parce que désolé mais vous parlez beaucoup du "management actuel" et je ne cesse de voir dans l'actualité des cas d'un management bien vertical, bien coercitif même s'il joue à dissimuler son autoritarisme derrière la fiction de l'enchantement au travail à la cool.

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Message Publié : 21 Fév 2021 11:37 
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Le management d'Amazon est un management digne du début du XXe siècle et qui n'a rien à voir avec le management "de pointe". Il en serait même la négation. D'ailleurs, dans de grands groupes comme ceux-là, on n'a pas le même style de management dans les divers secteurs de la société. Il y a un management de masse, celui qui fait que les livreurs ou ceux qui préparent les colis se sentent opprimés, car on leur demande des résultats qui sont quasi-impossible à atteindre. En fait, ils seraient atteignables dans un monde parfait où tout fonctionne bien ... Vous avez vu les conditions de circulation, aucune chance que les livreurs amazon atteignent leurs objectifs. Du coup, c'est presque contreproductif car ils n'apportent pas le service auquel s'attendent les clients. Mais, tant qu'on cherchera le prix le plus bas possible, amazon prosperera.

Mais, dans ces grands groupes, à l’étage de ceux qui doivent concevoir le futur de la société on a un management plus moderne, car oppresser des créatifs est contreproductif, il faut les laisser libre, mais en ayant en tête les objectifs futurs de la société.

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Message Publié : 21 Fév 2021 11:41 
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Jean-Pierre Vernant
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Oui je comprends bien mais ce management idéal ne me paraît pas être une norme absolue non plus. La grande distribution est sous un régime similaire, des boites plus petites j'en ai vu beaucoup adopter une gestion du personnel inique...
Il faut que je lise le bouquin de Chapoutot pour voir s'il est si délirant que vous le dite. Mais s'il raisonne beaucoup en théorique je trouve que vous adoptez un peu le même biais.

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Message Publié : 21 Fév 2021 12:42 
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Jean Froissart
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Dupleix a écrit :
Il me semble qu'elle loupe complètement...

C'est ce que je voulais exprimer mais je n'ai pas su le faire.
Après réflexion (un peu plus poussée), il me semble que l'on se retrouve dans un schéma très contemporain.
Chacun doit vendre son truc avec ses moyens et chacun y est déterminé. Un "échange" se met en place où la journaliste politique conclut avec un raccourci assez étonnant mais qui ne peut que faire consensus faute de temps pour des explications plus nuancées. C'est ce qui me semblait "déstabilisant", j'aurais pu dire malhonnête ou "elle a grossi le trait et il s'est engouffré dans le piège...". Chapoutot étant historien, il lui revenait de recadrer la dérive, c'est ainsi que j'ai analysé les choses. Au final, je le constate, il n'y a aucun échange sinon une forme d'analyse apparentée et encore... sur notre société.

Citer :
... Lumières ... beaucoup moins finalement du sujet de son livre

J'y vois là des restes d'enseignement français qui met/(tait ?) vraiment le paquet sur l'époque des Lumières. Je ne peux pas me prononcer sur l'outre-Rhin mais pour échanger avec des Hessois, l'Aufklärung est une sorte de mélasse plombante dans leur histoire et on passe vite sur la période. En France la résonnance est différente.

Citer :
Dans notre société, une personne peut quitter son entreprise ... les gens à qui ça arrive ne sont ni stérilisés, ni assassinés : au contraire, ils touchent des aides de la société...

Quitter son entreprise de nos jours ? Il faut déjà une bonne raison et puis s'être assuré de manière pragmatique des échéances à venir.
L'exclusion est un trauma : il faut rebondir mais le marginalisé se voit bien handicapé car traînant la casserole de l'exclusion.
Comment voyez-vous la vie de ceux qui sont aliénés au système d'aides ? C'est-ce pas le début d'une mort sociale. Alors bien sûr, c'est plus lent et ceci ne fait pas tache.
Ce système engendre un repli, qui engendre une perte de repères dans les choix essentiels (plus de bouquins, de musique, d'avis à émettre, les amis sont choisis en mode miroir etc.). Ceci engendre une frustration compensée par des addictions et vu le manque de moyens ces addictions vont être de celles qui vous font tomber un peu plus bas. Alors oui, vu de son "chez soi", c'est plus propre.

Narduccio a écrit :
Pour les alsaciens, le message est très clair ...

Là nous ne sommes plus dans une dynamique de management avec optique de rendement. C'est ainsi que je comprends la chose, je puis me tromper.

Citer :
... Cela revient à dire que le chef a toujours raison, en dernier ressort.

Humour open : mais n'ai-je pas lu que certains détenteurs de cartons colorés et droit d'exclure -au sein d'un salon d'échanges conviviaux- avaient toujours raison quand bien même ils avaient tort, ceci pour éviter tout débordement et prière de cocher la case si vous souhaitez participer à ce salon Humour off. ;)
La "charte" était : obéissance aux principes NS sinon, exclusion. Comme partout, personne ne s'est mis en tête de trouver l'argument ahurissant d'autorité et à plussoyé le vieil adage "A chacun son dû".

Plus sérieusement, pour avoir été présente (en mode achat et l'outil bien à la main) dans un magasin de téléphonie mobile où un jeune homme "formait" d'éventuelles recrues ayant chacune 4 pages agrafées comme viatique, j'ai été effarée de la "formation" qui consistait en un tri.
Ceux qui entraient (description physique et de l'habillement) pur "piquer", ceux qui manifestement n'allaient rien acheter (description physique et gestuelle : on flâne, on touche sans vraiment s'arrêter et on est sapé comme ceci ou cela ; l'âge est entre X et Y) ; les potentiels acheteurs (description, fourchette d'âge etc.) à chouchouter avec approche psy. de l'acheteur compulsif et de celui qui n'y connait rien auquel on pourra refourguer un max etc.
Je me suis contentée de bouger vers le groupe et demander où, éventuellement, j'étais casée :
1- Bravo : deux avaient bien pigé ;
2- Merci, ceci m'aiderait pour mes choix futurs.
Jamais dans les clous, cette fois j'ai demandé quand se terminait mon abonnement : j'ai retenu la date et suis passée chez un concurrent mais bon, j'imagine que la nouvelle enseigne avait le même mode opératoire. La différence : j'avais changé de case. :P

Citer :
... car oppresser des créatifs est contreproductif, il faut les laisser libre, mais en ayant en tête les objectifs futurs de la société.

Dans la tranche de base, par contre, la seule carotte est la fiche de paie et, de nos jours, ceci devient rare car dans cette tranche on vous fait vite savoir que vous êtes interchangeable, tel un objet. Ce n'est donc pas une autorité coercitive qui met de l'ordre, c'est une nécessité vitale comme est ressentie la chaîne des créatifs. Sans les créatifs, nul besoin de la couche en-dessous. Il faut donc toujours entretenir une couche épaisse de petites mains qui remerciera la couche plus élevée de lui offrir son pain quotidien.
De nos jours, il est évident que ceci porte à réflexions mais dans les temps qui nous intéressent, les syndicalistes et autres trublions étaient rassemblés dans un lieu où leur manière de voir le bonheur du travailleur n'avaient que des barbelés comme écho.
*-*

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Message Publié : 21 Fév 2021 13:33 
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Pédro a écrit :
Narduccio j'aimerais beaucoup que vous m'expliquiez que le management d'Amazon par exemple n'a rien d'autoritaire. Parce que désolé mais vous parlez beaucoup du "management actuel" et je ne cesse de voir dans l'actualité des cas d'un management bien vertical, bien coercitif même s'il joue à dissimuler son autoritarisme derrière la fiction de l'enchantement au travail à la cool.

Pour moi cette dérive vers l'autoritarisme est relativement récente. (Une ou deux décennies, selon les entreprises.)

J'ai été longtemps consultant industriel, et je vous promets que dans les années 80/90, et même au delà, la "mode" était au Juste à Temps et à la Qualité Totale. (Juste à Temps ne signifie pas que les ouvriers doivent travailler plus vite, mais qu'il faut supprimer les opérations inutiles - manutention, en particulier - et les files d'attente qui rallongent les durées de fabrication. Il s'agissait d'abord de travailler sur l'implantation des ateliers et des machines. La réorganisation type consistait à passer la production en lignes de produits, en quittant l'organisation par ateliers technologiques, qui générait des déplacements de pièces dans tous les sens à l'intérieur de l'usine. - Je donne là un raccourci des méthodes de base, mais il y en avait d'autres, comme le SMED, changement rapide d'outils sur les machines en passant d'un type de produit à un autre.)

Les industriels s'adaptaient aux méthodes japonaises, ce qui en 95 était acquis dans l'automobile depuis longtemps, avec une démarche d'amélioration constante, mais restait à faire ou à améliorer nettement dans les PME. Et donc quand on y parlait de "flexibilité" c'est de la flexibilité de l'outil industriel qu'on parlait.

Je trouve que j'ai eu la chance de pouvoir faire ce métier à une période où où on ne délocalisait pas tout et où le but des missions n'était pas de réduire le personnel. (En revanche elle impliquait souvent un développement de l'intérim pour absorber les problèmes de saisonnalité, lorsqu'il y en avait.)

C'est cette pratique qui me fait dire sans hésitation que la filiation nazie dont parle Chapoutot est absurde, du moins s'il parle des entreprises actuelles.

Cela dit il y a des entreprises qui ont toujours été autoritaires. L'exemple typique est l'industrie lourde (sidérurgie, chimie...) pour moi parce que le process est délicat et dangereux, et donc on n'y plaisante pas avec la discipline. C'était vrai aussi - déjà - dans les entrepôts, où les opérations sont hyper-simples et où on est toujours sous la contrainte du temps. Le textile aussi, quand il en restait (c'est ce qui a été délocalisé le plus tôt) avec un process limité aux machines à coudre, pour simplifier, d'où une pression certaine sur les opératrices.

Mais depuis cette époque on est passé à une dérive vers la recherche du meilleur rendement possible à chaque poste, donc on est allé chercher les gains de productivité sur les hommes. L'automobile s'est mise la première à vouloir rentabiliser l'outil de production par une utilisation journalière maximale, réduisant à deux ou trois heures la durée d'inactivité des machines pour réglages et entretien, d'où des horaires à la con, dont le dernier avatar est les 5/8.

Et bien évidemment, on a ressorti, améliorées par les possibilités technologiques, les vieilles recettes de "la méthode scientifique" (il a fallu y reformer les techniciens) d'optimisation des postes, qui impose à l'opérateur de travailler plus vite. Méthode des années 50/60 qui ne devait rien aux nazis, mais qui venait de chez Ford, comme le Juste-à-Temps est venu de Toyota, comme entreprise de référence.

La pression sur les opérateurs n'a jamais été aussi forte qu'aujourd'hui, et Narduccio a raison de signaler que les entrepôts d'Amazon sont des bagnes, et ce n'est pas une exception. Le même phénomène s'observe aussi dans les usines, mais avec des limites dues à la complexité du process, alors que dans un entrepôt il se résume à la manutention et au colisage. Le mot "flexibilité" a suivi cette dérive, il décrit maintenant le plus souvent la "flexibilité" des ouvriers et employés.

Méthodes nazies qui reparaissent ? Je dirais plutôt que quand on cherche des méthodes pour mettre la pression sur les gens on retombe toujours plus ou moins sur les mêmes. Avec aujourd'hui un emballage sémantique détestable, je ne développe pas. Mais mon sentiment profond est que Chapoutot n'est pas un spécialiste des entreprises, et qu'il tape à côté du clou en y voyant la reprise d'idées nazies.

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Message Publié : 21 Fév 2021 14:32 
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Jean Froissart
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Pierma a écrit :
Méthode des années 50/60 qui ne devait rien aux nazis, mais qui venait de chez Ford, comme le Juste-à-Temps est venu de Toyota, comme entreprise de référence.

De nombreux étudiants (option managing) et cadres NS se sont vu offrir lors de leur cursus universitaire un voyage au USA chez Henry Ford (lu soit dans "Croire et détruire" Ingrao, chez Speer voire peut-être dans le livre de Chapoutot).
Concernant la gestion du personnel dans les structures japonaises : je ne souhaiterai pas -vu les documentaires- devoir obéir aux mêmes règles qui nettoient toute initiative personnelle et compense avec des séances de gym, cris primaux et autres le mal être des employés. Le tout en groupe et obligatoire. Le documentaire de conclure que le bien être de l'employé, on s'en fiche mais des études ont été faites et montrent qu'ainsi on peut rendre la personne plus rentable, plus agressive (vous déclinez) au poste adapté. On pouvait admirer des défoulements de groupes avec protections chez l'agressé qui ensuite passait en mode "agresseur" : hallucinant !

Chapoutot évoque le management NS parce-que là est son créneau comme historien. Rien n'est ex nihilo pas même chez les nazis. On peut y inclure la notion d'éradication des pièces abîmées ou non conformes à une obsession de la perfection quelle qu'elle soit, quels que soient ses critères et la manière dont elle est appliquée. Ensuite tout est un glissement : un humain est une pièce dans la construction d'un groupe. Chez Ford, la pièce avait déjà conscience d'être interchangeable ; sous le NS, la pièce faisait partie d'une construction nouvelle et quoiqu'appartenant à un groupe, elle avait cette notion d'être unique. Le discours biologique en avait fait la démonstration.
Nous ne pouvons comparer ce qui est et ce que fut le management NS car il nous manque déjà le paramètre (avec bcp d'autres) d'un choix biologique. Paramètre essentiel. Tous les peuples qui s'inscrivent dans une idéologie d'exception -peuples dits "élu"- ont une vision toute autre de ce qui leur est imposé car la gratification est ailleurs, transcendant l'effort et les sacrifices.
Comme il est impossible de donner une définition communément acceptée des mots "effort" et "sacrifice" : on se réfère à la couche créatrice qui, bien sûr propose la sienne. Dans ces temps, chacun avait la notion de ses limites intellectuelles et autres sans en ressentir de gêne, de vexation. Les uns savaient, les autres faisaient et bcp, classés dans les "je fais", n'auraient aucunement souhaité être de ceux qui "créent" (décident) car au bout, il fallait que le challenge soit réussi.
*-*

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Message Publié : 21 Fév 2021 15:02 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Dupleix a écrit :
J'ai quand même un problème, dans cette interview (je n'ai pas lu le livre), avec le parallèle que fait N. Polony (J. Chapoutot semble plus prudent) entre nazisme et néo-libéralisme - sur le simple fait que les nazis n'aiment pas l'état, et les néo-libéraux non plus. Il me semble qu'elle loupe complètement le fait que pour les nazis, c'est tout de même la communauté, le peuple, qui est l'entité indivisible (comme l'explique J. Chapoutot ensuite), et que l'individu n'est rien. En revanche le principe "néolibéral" c'est la liberté individuelle.

Le néo-libéralisme est un avatar de l'ordo-libéralisme , doctrine élaborée pendant la crise de 29. Les ordolibéraux refusent que l’Etat fausse le jeu du marché. Ils estiment que la libre concurrence ne se développe pas spontanément. L’Etat doit l’organiser ; il doit édifier le cadre juridique, technique, social, moral, culturel du marché. Et faire respecter les règles. Cette doctrine, élaborée dans les milieux catholiques opposés au nazisme sera appliquée par Adenauer et Erhard après laguerre. L'etat ordoliéral est un état fort, ça n'est pas la conception des nazis;le néo-libéralisme n'est pas non plus individualiste (ne pas confondre avec les ultras-libéraux), c'est là qu'on peut faire une analogie avec le nazisme : un cap est fixé dont on ne peut se détourner, et que tout le monde doit suivre (cf B. Stiegler)

Sinon voici une autre interview, où JC précise plus avant sa pensée; https://www.youtube.com/v/CjmH2fC ... .be&t=2471

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Message Publié : 21 Fév 2021 15:16 
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Philippe de Commines
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Narduccio a écrit :
Autre chose que Chapoutot semble éluder ou ignorer, le Führer-prinzcipt. Cela revient à dire que le chef a toujours raison, en dernier ressort. Et les nazis, en Alsace ou ailleurs, vont sélectionner un tas de petits-chefs pour encadrer la société. C'est juste l'inverse du système de management actuel où on demande à celui qui dirige la structure de faire en sorte que ses subordonnés soient le plus autonomes possible. Or, le Führer-prinzipt ne reconnait l'autonomie des subordonnés que tant qu'ils adhèrent à la vision de leurs chefs.


mais JC ne dit pas le contraire : la délégation de responsabilités ne laisse que le choix des moyens pour atteindre un objectif fixé par l'autorité supérieure. Les objectifs ne sont pas contestables (sous Hitler comme aujourd'hui), s'ils ne sont pas atteints c'est la faute du subalterne qui n'a pas fait ce qu'il fallait, pas celle des objectifs.Il va de soit que les petits chefs d'hier et d'aujourd'hui adhèrent sans réserve au projet qu'ils doivent mettre en œuvre.

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Message Publié : 21 Fév 2021 16:07 
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Pédro a écrit :
Oui je comprends bien mais ce management idéal ne me paraît pas être une norme absolue non plus. La grande distribution est sous un régime similaire, des boites plus petites j'en ai vu beaucoup adopter une gestion du personnel inique...
Il faut que je lise le bouquin de Chapoutot pour voir s'il est si délirant que vous le dite. Mais s'il raisonne beaucoup en théorique je trouve que vous adoptez un peu le même biais.


Mais, il n'y a pas de norme absolue, chaque entreprise est libre de choisir le type de management qui lui convient. Mais, dans l'histoire des types de managements, il y a une espèce de chemin qui va de l'absence de management au management actuellement en pointe. Si on suit Chapoutot, le management actuellement "en pointe" serait né en Allemagne après la guerre, en s'appuyant sur la doctrine nazie. Sauf que çà ne correspond pas du tout à la filiation entre les différents types de managements comme pourrait l'écrire un historien qui déciderait d'en faire l'histoire. Et, je me base pas sur de la théorie, mais sur ce que je perçoit.

En fait, la plupart des entreprises sont plutôt schizophrènes en ce qui concerne le management. Quand on écoute les dirigeants, ils prônent souvent ce qui sort des meilleures écoles, et actuellement, c'est le management participatif où le manager n'a presque plus besoin de définir les objectifs car le managé comprend bien sa place dans l'entreprise. Et puis, il y a, à l'autre bout de la chaine, le responsable d'équipe qui a de 1 à 50 personnes sous ses ordres et à qui ont a fixé des objectifs de rentabilité et qui fait son possible pour les atteindre. Et lui, on ne lui a pas expliqué comment mettre en œuvre un management participatif, surtout si les membres de son équipe sont sous-payés et exploités. Si ça se trouve, il va régulièrement recevoir des mails de la haute direction lui expliquant le type de management idéal qu'on aimerait voir se généraliser dans l'entreprise, et des mails de son chef direct lui rappelant qu'on est vendredi et que s'il pousse pas ses gars, il va louper l'objectif de la semaine ...

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