b sonneck a écrit :
L'armistice n'est qu'une suspension des combats et ne remet pas en cause l'existence même de l'armée qui le sollicite, même si celui qui a alors l'avantage prend généralement soin de poser des conditions qui affaiblissent suffisamment l'adversaire pour que le risque de le voir reprendre les hostilités soit quasiment nul.
Oui, de ce point de vue c'est blanc bonnet et bonnet blanc.
b sonneck a écrit :
En capitulant, une armée se met entièrement à la discrétion du vainqueur, sans aucune condition. Elle lui livre la totalité de ses armes et se constitue globalement et intégralement prisonnière.
C'est la raison du sabordage de la flotte. Et "entièrement prisonnière"? Douteux. De toute façon, on a eu tout de même 1.8 Millions de soldats dans les Stalags allemands. De facto, c'est encore blanc bonnet et bonnet blanc.
b sonneck a écrit :
Imaginer qu'une capitulation générale de l'armée française, signée donc par son commandant en chef (le général Gamelin), pouvait se faire sans impliquer le gouvernement et laissait ce dernier libre de poursuivre la guerre (avec quoi d'ailleurs ?), me paraît plus qu'irréaliste.
Oui, vous avez raison le gouvernement aurait évidemment été impliqué, comme ce fut le cas pour l'armistice. Du pareil au même.
b sonneck a écrit :
Je ne parle même pas du sort inévitable de celui qui aurait signé ladite capitulation : le peloton d'exécution assuré.
Par qui et quand? Après la libération? Si la responsabilité est partagée par le gouvernement, comme vous le disiez justement, cela n'est pas évident, En l'espèce, le responsable a bien été condamné à mort (et grâcié). Kif kif.
Encore une fois, De Gaulle, qui voyait quand même assez lucidement la situation ne s'y est pas trompé, qui a qualifié lui-même cet armistice et ses conditions de "capitulation" dans son appel à la radio du 22 juin 1940. Décision qui lui semblait un choix non rationnel, c'est le sens de ses appels successifs rappelant que la France n'est ni à genoux, ni seule
On peut comparer, du reste, avec la capitulation néerlandaise.
PaulRyckier a écrit :
Imaginer qu'une capitulation générale de l'armée française, signée donc par son commandant en chef (le général Gamelin)
Ce n'est pas à Gamelin que cette responsabilité a incombé, mais à Weygand, qui l'a remplacé en tant que commandant en chef le 17 mai. C'est donc lui que, le mois suivant, le gouvernement a chargé de cette tâche, et qui a refusé, non parce qu'il désapprouvait, bien au contraire, mais par fierté. Cf plus bas l'analyse de Jean-Pierre Azéma sur cet acte d'insubordination.
Churchill dans ses Mémoires, rappelle les débats qui avaient lieu entre Weygand , convaincu
depuis plusieurs jours que le combat était perdu, et Reynaud, convaincu, lui, qu'il restait des coups à jouer en déplaçant un maximum d'hommes, de matériel et de navires vers l'Afrique du Nord.
Churchill commente avec finesse l'attitude de Weygand. Par fierté de soldat il refuse d'être celui qui demande le cessez-le-feu. Le gouvernement lui en avait pourtant donné l'autorité, et l'instruction. En refusant, alors que c'est bien le résultat qu'il souhaite, Weygand rejette la responsabilité sur le gouvernement.
Churchill décrit ainsi Weygand: "L'acte de capitulation (
Act of surrender), qu'il estimait impératif, devait être celui du gouvernement et de l'Etat, auquel l'armée qu'il commandait se conformerait." Pour Churchill, c'est ce qui a acculé le gouvernement, et il estime que Reynaud aurait dû limoger Weygand sur-le-champ mais n'en a pas eu la trempe. Le chapitre est passionnant, je ne peux qu'inviter à le lire (Winston Churchill, Mémoires de guerre, La Deuxième Guerre Mondiale, Volume 2,
Their Finest Hour, Chapitre X).
Je cite ici un passage de l'article Wikipedia consacré à Weygand qui est assez instructif:
"Weygand déclare à Reynaud que « le Gouvernement a pris la responsabilité de la guerre, à lui de prendre la responsabilité de l'armistice. » Selon l'analyse de l'historien Jean-Pierre Azéma, il s'agit là d'une prise de position politique sans précédent depuis le xixe siècle de la part d'un chef militaire : « par la bouche de Weygand, c'était la « grande muette » qui faisait irruption et rompait le pacte politique tacitement conclu — depuis l'affaire Dreyfus — entre l'armée et la nation. » Après-guerre le président Lebrun dira de lui : « Ah ! Quel malheur quand, dans l'extrême péril, ce sont les généraux qui se refusent à combattre ! ».
Le 16 juin, à un collaborateur du député nationaliste Louis Marin qui évoque une possible résistance depuis les colonies françaises, Weygand répond crûment : « c'est un ramassis de nègres sur lesquels vous n'aurez plus de pouvoir dès que vous serez battu ». Au dernier Conseil des ministres du gouvernement Reynaud, Weygand contribue à faire échouer le projet d'union franco-britannique proposé depuis Londres par Winston Churchill et Jean Monnet, et fait pression pour qu'une décision soit prise rapidement au sujet de l'armistice"
(Les références sont en bas de page de l'article)
Est-il utile de rappeler que le "ramassis de nègres" comprenait un certain Leclerc qui s'est couvert de gloire avec ses troupes multiethniques qui ont, eux, poursuivi l'armée allemande jusqu'à Berschtesgaden. Donc pour revenir à la question initiale, tout était une question de point de vue. Si on parle de choix rationnel, le résultat final montre lequel fut
in fine le plus rationnel. Si, en 1940, tous n'ont pas su le voir, certains le voyaient, et en 2020, la réponse nous a été donnée depuis longtemps.