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Message Publié : 02 Fév 2021 19:47 
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Polybe
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Et bien, mettons que la France ne s'engageât pas en faveur de la Pologne, en septembre 1939. Que ce serait-il passé ? Je ne vais pas faire ici de prospective. Les acteurs de l'époque l'ont fait pour nous.
Dans l'esprit du général Gamelin, un énième renoncement de la France lui aurait fait perdre l'alliance avec l'Angleterre. Le risque étant alors de voir cette dernière s'entendre avec l'Allemagne (ce qui aurait satisfait une partie de l'élite britannique – on l'a bien vu en 1940), lui laissant les mains libres pour agir à sa guise sur le continent, reléguant de fait la France à une puissance secondaire en Europe. Partant de là, la France, isolée et définitivement discréditée, aurait constituée une cible facile pour l'Allemagne.
Ce sont apparemment des arguments qui ont porté sur l'hésitant Daladier, fin août 1939.

En 1939, enfin, l'Angleterre était prête à une solution ferme face à l'Allemagne ; et ceci était loin d'être le cas les années et mois précédents. Une des constantes de la diplomatie française des années 1930 est de rechercher l'alliance avec Londres. Car jamais la France ne se voyait tenir seule dans le cas d'un guerre longue (car nécessairement dans l'esprit des généraux, diplomates et politiciens français la guerre serait longue) sans l'appui des Anglais.


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Message Publié : 02 Fév 2021 20:03 
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Philippe de Commines
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b sonneck a écrit :
Pour qu'une dissuasion agisse, il faut impérativement que la menace sur laquelle elle repose soit crédible. Que les dirigeants français de l'époque aient pu imaginer être dans cette situation en 1939 vis à vis de l'Allemagne est proprement consternant.

J'ai déjà expliqué que nous pouvons porter ce jugement a posteriori parce que nous connaissons la suite des événements. Les contemporains, eux, ne voyaient pas les choses ainsi, et cela ne devrait pas nous "consterner". Il n'était pas évident que les Allemands tenteraient de percer le front à Sedan, et s'ils le tentaient, qu'ils y réussiraient : beaucoup -pour ne pas dire tous- croyaient avec un certain Maréchal que c'était impossible et en tout état de cause voué à l'échec.
Ce que je trouve consternant, c'est qu'il ait fallu qu'un historien allemand (Karl-Heinz Frieser) rétablisse certains faits dans leur vérité et démontre que le succès de l'offensive allemande de mai 1940 n'était pas assuré d'avance, et que "Le mythe de la guerre-éclair" (titre de son livre) doit être mis à plat.

Citer :
1- La France n'était pas intervenue en 1936, alors qu'elle en avait largement la capacité, pour s'opposer à la remilitarisation de la rive gauche du Rhin.

Nous, nous le savons mais en mars 1936, personne n'était en mesure de prévoir ce qui allait arriver que 3 ans et demi plus tard. En 1936, l'opinion publique française et les hommes politiques au pouvoir étaient pacifistes. Ils n'inclinaient pas vers la rodomontade de Sarrault ("on ne laissera pas Hitler mettre Strasbourg à portée de ses canons") mais plutôt vers le titre de d'un certain journal : "L'Allemagne occupe l'Allemagne").
Et en plus, l'Angleterre (cosignataire et garante des accords de Locarno) refusait que la France riposte militairement.

Citer :
2- Ni la France ni la Grande-Bretagne ne s'étaient opposées en 1938 au démembrement de la Tchécoslovaquie, un allié pourtant nettement plus important que la Pologne.

Il n'en reste pas moins que la France a mobilisé.
Mais la diplomatie a prévalu.

Citer :
3- L'armée française, placée en mode défensif derrière la ligne Maginot, bloquée par la neutralité de la Belgique, n'était pas en capacité d'attaquer frontalement l'Allemagne.

Cela reste à prouver.
En nombre et en qualité, la capacité militaire de la France était grande ; mais la doctrine était obsolète.
Le fait est qu'au 3 septembre 1939, l'Allemagne n'avait qu'un rideau de divisions face à la frontière française, et pas un seul char. "L'offensive" de la Sarre aurait pu donner autre chose qu'une mascarade, si on avait eu la volonté politique.

Citer :
Dans son ouvrage Une histoire du monde moderne, l'historien britannique Paul Johnson rapporte que, selon les notes prises par un des participants, Hitler aurait déclaré lors d'une réunion du Haut commandement le 22 août 1939 à Obersalzberg que les opérations prévues en Pologne pouvaient suivre leur cours, rien n'étant à craindre de l'Ouest : " Nos adversaires sont des limaces, je les ai vus, à Munich.

C'était le 22 août. Une semaine plus tard, il était abasourdi que l'Angleterre puis la France lui déclarent la guerre.
Ce qui est consternant, c'est que Hitler ait cru qu'il gagnerait toujours à son jeu ("toute ma vie, j'ai joué en risquant tout..." a-t-il dit). A ce jeu, l'Allemagne a tout perdu... le 22 juin 1941. Mais c'est là un autre chapitre.


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Message Publié : 02 Fév 2021 20:49 
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Quand je dis que pour qu'une dissuasion agisse, il faut impérativement que la menace sur laquelle elle repose soit crédible, je pense énoncer une réalité intemporelle, qui se vérifie quels que soient le temps et les circonstances. Si vous contestez cela, ce qui est votre droit, restons-en là, car nous ne raisonnons pas avec les mêmes bases logiques.

Que les dirigeants français de l'époque aient pu avoir l'illusion de constituer en août 1939 une menace réellement crédible au yeux de l'Allemagne, suffisante pour amener Hitler à renoncer à attaquer la Pologne, est pour moi, à la seule lumière de leurs renoncements antérieurs et non pas de la connaissance de ce qui suivra, consternant et je maintiens le terme. Vous pouvez leur trouver toutes les excuses que vous voulez, chacun a le droit d'être défendu. Mais vous aurez infiniment de mal à me faire changer d'avis sur ce point précis.

Un vieil officier chargé de nous instruire nous disait dans ma jeunesse : " La guerre, ce n'est ni frais ni joyeux, c'est dégueulasse et il ne faut pas la faire. Mais le pire, c'est pas çà ; c'est de la faire à moitié. Parce que là, on fait tuer du monde pour rien".
On peut m'accuser de radoter mais je persiste : on ne déclare pas une guerre qu'on n'est pas décidé à faire. La faute majeure est de s'être mis nous-mêmes en 1939 dans la situation de devoir (impératif moral) déclarer une guerre dont ne voulait pas.


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Message Publié : 03 Fév 2021 9:50 
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Jean Froissart
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Karolvs a écrit :
En nombre et en qualité, la capacité militaire de la France était grande ; mais la doctrine était obsolète.

J'ai un peu de mal à piger.
Si la doctrine est obsolète, vous pouvez aligner la plus grande armée, elle ne fera rien de potable. Ceci me semble du bon sens.
Il se peut que j'ai raté quelque chose...

Citer :
"L'offensive" de la Sarre aurait pu donner autre chose qu'une mascarade, si on avait eu la volonté politique.

La volonté étant absente, la doctrine obsolète : le tout n'allait pas accoucher d'une performance. D'autant qu'en face, la motivation était au top.

*-*

_________________
"... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill)
"... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)


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Message Publié : 03 Fév 2021 10:43 
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J'ai l'impression que pas mal de monde oublie le contexte. Si on oublie qu'on connait la fin de l'histoire, et qu'on se replace dans le contexte, voilà un dictateur qui vient d'arriver au pouvoir depuis quelques années. Comme beaucoup d'autres dictateurs, il bombe le torse et montre ses muscles. En même temps, s'il s'agit d'un dictateur "classique", il n'ira pas au bout, car il sait que perdre une guerre, c'est la meilleure façon de perdre son pouvoir. Il s'est montré un peu turbulent, il suffira de taper sur la table, de siffler la fin de la récréation, de lui donner quelques rogatons à ronger et il ramènera ses troupes dans leurs casernes.

Nous savons que cela ne pouvais pas se passer de cette manière. Mais eux, pouvaient-ils le savoir ?

_________________
Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 03 Fév 2021 10:50 
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Philippe de Commines
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Rebecca West a écrit :
Karolvs a écrit :
En nombre et en qualité, la capacité militaire de la France était grande ; mais la doctrine était obsolète.
J'ai un peu de mal à piger.
Si la doctrine est obsolète, vous pouvez aligner la plus grande armée, elle ne fera rien de potable. Ceci me semble du bon sens.
Il se peut que j'ai raté quelque chose...

Oui, vous avez raté le fait que ceux qui alignaient cette armée ne savaient pas que la doctrine était obsolète.

Rebecca West a écrit :
Karolvs a écrit :
"L'offensive" de la Sarre aurait pu donner autre chose qu'une mascarade, si on avait eu la volonté politique.
La volonté étant absente, la doctrine obsolète : le tout n'allait pas accoucher d'une performance. D'autant qu'en face, la motivation était au top.*-*
Je n'ai pas dit le contraire.


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Message Publié : 03 Fév 2021 11:21 
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Philippe de Commines
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Narduccio a écrit :
[...] Nous savons que cela ne pouvais pas se passer de cette manière. Mais eux, pouvaient-ils le savoir ?
C'est exactement la bonne question. Réponse : on pouvait ne pas savoir comment cela allait se passer ; il n'y a que nous qui sachions avec certitude parce que nous avons vu ce qui s'est passé. Et c'est toujours comme ça en Histoire : tant que l'événement n'est pas terminé -ou au moins commencé et bien avancé- il est permis de croire que... (dans les limites du raisonnable, bien-sûr).
Une fois que l'événement est passé, il est facile de se gargariser avec des jugements à l'emporte-pièce : "il est consternant que la France ait cru qu'Hitler n'oserait pas attaquer..." ; "il est consternant qu'Hitler ait pu croire que l'Angleterre accepterait une paix séparée..." ; "il est consternant qu'Hitler ait cru qu'il pouvait détruire l'Armée Rouge et le régime bolchevique en un mois..." ; etc.
C'est un fait que ces événements auxquels peu de gens croyaient, sont arrivés tandis que d'autres, auxquels tout le monde croyait, ne sont pas arrivés.
C'est ça qui est bien pour nous, qui parlons de "l'Histoire avec sa grande Hache" : nous savons dans quel sens elle a tranché, l'Histoire avec sa grande Hache ; tandis que Daladier, Gamelin, Hitler etc croyaient que c'étaient eux qui la maniaient, la grande hache... :wink:


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Message Publié : 03 Fév 2021 18:52 
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Salluste
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Citer :
Nous savons que cela ne pouvais pas se passer de cette manière. Mais eux, pouvaient-ils le savoir ?
Ils pouvaient savoir que Hitler ne respectait pas sa parole. Ils pouvaient savoir qu'il était agressif à l'intérieur et à l'extèrieur; ils pouvaient savoir qu'à chaque fois qu'ils reculaient, Hitler ne se calmait pas; ils pouvaient savoir qu'ils avaient lachés des pays dont ils étaient alliés, ils pouvaient savoir que leur propre parole ne valaint plus rien, ils pouvaient savoir beaucoup de choses...
Quand on prend des responsabilité, on assume.
Oui bien sûr que les décideurs français de l'époque ont commis des fautes, de lourdes fautes. Fautes que l'on pouvait connaitre sans connaitre le futur.


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Message Publié : 03 Fév 2021 19:20 
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Philippe de Commines
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supertomate a écrit :
Citer :
Nous savons que cela ne pouvais pas se passer de cette manière. Mais eux, pouvaient-ils le savoir ?
Ils pouvaient savoir que Hitler ne respectait pas sa parole.
Le savoir, certainement pas. Nous, nous le savons, mais eux ne pouvaient que le conjecturer.
supertomate a écrit :
Ils pouvaient savoir qu'il était agressif à l'intérieur et à l'extérieur
...mais néanmoins conjecturer que la France ne faisait pas partie de ses objectifs et qu'il n'oserait de toutes façons pas attaquer la France
supertomate a écrit :
ils pouvaient savoir qu'à chaque fois qu'ils reculaient, Hitler ne se calmait pas;
Ils pouvaient le conjecturer, et ils pouvaient conjecturer le contraire : il n'a aucune revendication territoriale sur la France et par conséquent aucune raison de l'attaquer.
supertomate a écrit :
pouvaient savoir qu'ils avaient lachés des pays dont ils étaient alliés, ils pouvaient savoir que leur propre parole ne valaint plus rien, ils pouvaient savoir beaucoup de choses...
Oui, mais ce sont là des facteurs "moraux". La réalité qu'on avait présente à l'esprit, c'était le souci d'éviter à tout prix aux Français une nouvelle grande boucherie.
Vous dites "Ils pouvaient savoir beaucoup de choses". Dans ce cas, peut-être savaient-il que l'armée polonaise ne tiendrait pas, prise en sandwich entre la Wehrmacht et l'Armée Rouge ?


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Message Publié : 03 Fév 2021 22:36 
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Pour une fois, je suis d'accord avec vous, Karolys : Hitler n'avait exprimé aucune revendication territoriale sur la France et n'avait donc aucune raison de l'attaquer.

Lacune que nos dirigeants se sont empressés de combler en lui en fournissant une, de raison ; clé en main : ils lui déclarent la guerre !

Bon, je vous ai assez ennuyés avec mes jugements à l'emporte pièce...


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Message Publié : 03 Fév 2021 23:57 
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La revanche contre la France fait partie du programme exposé par Hitler dans Mein Kampf et qu'il a suivi à la lettre. (Evidemment la haine contre la France ne figurait pas dans la version diffusée en France.)

Ce qui enlève un peu de portée à votre évaluation de la légèreté française, b. sonneck : tôt ou tard Hitler se serait jeté sur la France.

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Message Publié : 04 Fév 2021 11:51 
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Philippe de Commines
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Je m'appuie sur Peter Jackson, " la France et la menace nazie", sur la réunion du 23 août, avec Daladier, Bonnet, Gamelin, et tout ceux qui comptent dans la défense :

La France n'est pas entrée en guerre avec légèreté en 1939. Le gouvernement était convaincu de vaincre l'Allemagne par une guerre d'usure, longue. Abandonner la Pologne, et à brève échéance, la Roumanie, revenait à laisser l'Allemagne accéder à des ressources qui auraient rendu la guerre plus longue et l'issue plus aléatoire. Voilà pour l'état d'esprit du gouvernement français en août 39 ( à l'exception du MAE Bonnet, partisan d'une nouvelle reculade).
Les français étaient convaincus de la défaite polonaise, mais pas aussi rapide. Gamelin évoquait déjà un retournement des forces allemandes sur l'ouest au printemps 40, et comptait sur l'alliance anglaise à ce moment.

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Message Publié : 04 Fév 2021 16:57 
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Philippe de Commines
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Liber censualis a écrit :
Les français étaient convaincus de la défaite polonaise, mais pas aussi rapide. Gamelin évoquait déjà un retournement des forces allemandes sur l'ouest au printemps 40, et comptait sur l'alliance anglaise à ce moment.

Dans ses Mémoires, Gamelin précise ce qu'il a voulu dire lors de la réunion du 23 août 1939 :
"J’ai voulu dire que, même en admettant que l'Allemagne ait pu vaincre Pologne avant l'hiver, elle n'aurait pas, à ce moment, donné à son potentiel de guerre tout le développement qu'elle pourrait lui donner, notamment pour l'échéance du printemps. J'ai conclu qu'au printemps, avec le concours britannique et l'apport de matériel américain, j'espérais que nous serions en état de livrer, bien entendu s'il le fallait, une bataille défensive. J'ai ajouté que nous ne pouvions espérer la victoire que dans une guerre longue. Mon opinion a toujours été que nous ne pourrions prendre l'offensive avant deux ans environ, soit 1941-1942.
On voit qu'il escomptait une résistance de l'armée polonaise jusqu'au printemps 1940, suivie éventuellement d'une longue guerre défensive, comme en 14-18 mais à la différence que cette fois, les soldats se battraient protégés par la "tranchée couverte" de Maginot.

Pourtant, 4 mois plus tôt, en mai 1939, devant les généraux polonais, Gamelin avait promis qu'en cas d'agression sur la Pologne, il monterait une offensive de grande envergure contre la ligne Siegfried entre le 15ème et le 17ème jour après le début de la mobilisation (15 jours étant nécessaires pour mobiliser la totalité de la lourde machine militaire française).

La France ayant décrété la mobilisation générale à partir du 2 septembre, le généralissime devait donc déclencher l'offensive contre l'Allemagne le 17, le 18 ou le 19 septembre.
Il ne fera pas plus que "l'offensive Sarre" déclenchée dans la nuit du 7-8 septembre ; mascarade (quelques divisions occupent une bande frontalière de 20km, occupent 20 villages abandonnés ; 183 soldats allemands sont tués). Dans une note du 8 septembre, il a indiqué que : "Quel que soit le sort réservé à la Pologne, ce serait une faute de briser prématurément notre instrument de guerre". Cela paraît cohérent avec ce qu'il a indiqué le 23 août et en effet, la situation de la Pologne étant critique, et craignant une offensive allemande à travers la Belgique, Gamelin ordonne le 12 septembre à ses troupes avancées en Sarre de se replier sur leurs positions derrière la ligne Maginot, pour attendre la bataille défensive conforme à la stratégie française.

Il n'aura plus besoin d'aider la Pologne avant le 19 septembre, car le 17 l'attaque de l'Armée Rouge aura définitivement fixé le sort de ce pays.

Certes, nous savons aujourd'hui qu'il n'y avait pas grand chose pour lui résister en Sarre le 8 septembre 1939, mais s'il avait mené une vraie offensive avec son gros, les Français étaient-ils prêts à supporter une guerre qui aurait pris le visage d'un choc frontal entre les deux grandes armées entre Sarrebrück et Berlin, avec un risque d'enveloppement par le coup de faux à la Schlieffen à travers la Belgique ; avec un autre ennemi -idéologique- dont on ne savait pas s'il n'aiderait pas Hitler contre la France comme il l'avait fait pour prendre la Pologne...?


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Message Publié : 07 Fév 2021 22:58 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 12 Juil 2012 15:11
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b sonneck a écrit :
Pour qu'une dissuasion agisse, il faut impérativement que la menace sur laquelle elle repose soit crédible. Que les dirigeants français de l'époque aient pu imaginer être dans cette situation en 1939 vis à vis de l'Allemagne est proprement consternant.

Hitler a déclaré lors d'une réunion du Haut commandement le 22 août 1939 à Obersalzberg que les opérations prévues en Pologne pouvaient suivre leur cours, rien n'étant à craindre de l'Ouest : "Nos adversaires sont des limaces, je les ai vus, à Munich."

Hitler n'a pas cru (ou n'a pas voulu croire) à l'éventualité d'une déclaration de guerre de la part de la France et la GB. Cela ne change rien au fait que cette déclaration a été faite malgré tout. Comme le dit Pierma : « les deux pays étaient tenus de respecter leur engagement. »
Contrairement à Hitler, Goering était persuadé que l'invasion de la Pologne provoquerait une déclaration de guerre.
Vous êtes très sévère quand vous écrivez "Que les dirigeants français de l'époque aient pu imaginer être dans cette situation en 1939 vis à vis de l'Allemagne est proprement consternant."


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Message Publié : 08 Fév 2021 0:09 
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Dans l'esprit des politiques des deux pays, je ne pense pas que la dissuasion reposait sur un hypothétique sauvetage de la Pologne, mais sur le fait que Hitler n'oserait pas s'engager dans une guerre qu'ils savaient devoir être longue. Ils n'en imaginaient pas d'autre.

D'ailleurs elle a effectivement été longue ! (Dans un sujet déjà ancien, nous étions arrivés à la conclusion - énoncée par Narduccio - que Hitler avait perdu la guerre le jour où il est entré en Pologne. Même après la victoire contre la France, le fait que les Anglais tiennent lui posait un énorme problème à terme : cela signifiait qu'ils lui refusaient l'hégémonie en Europe, et à long terme l'Allemagne avait tout simplement trop d'ennemis. Elle allait tenir le rôle que l'amiral Castex, penseur stratégique français, appelait "le perturbateur continental".)

De Gaulle se félicitait que les deux pays aient tenu leur engagement, un nouveau reniement lui aurait paru pire que tout : plus personne ne leur aurait fait confiance. De fait il faut peut-être regarder au delà de la Pologne seule.

La perte de crédibilité en cas de reniement de l'alliance polonaise, signée quelques mois à peine auparavant, précisément pour indiquer à Hitler où était la limite ultime, aurait bouleversé tous les équilibres européens et au delà. (On verra pendant la guerre l'Allemagne apporter une aide militaire à la révolte de Rachid Ali en Irak : des alliés se posant ouvertement comme incapables d'une réaction après le franchissement de la ligne rouge se seraient exposés à toutes sortes d'avanies et de mésaventures de ce genre là en Afrique et au Moyen-Orient.)

Il y a un exemple très parlant, c'est la Roumanie. Producteur de pétrole n°1 en Europe continentale, elle était alliée à la France depuis la Grande Guerre. L'avenir devait montrer, à peine l'armistice signé par la France, qu'en l'absence de cette alliance elle allait se précipiter dans les bras allemands, seuls capables de la protéger. (De différents voisins, mais avant tout de l'URSS.) CEN_EMB qui a beaucoup travaillé sur cet épisode, pourrait confirmer à quel point ce changement de pied roumain a été rapide, fournissant soudain à l'Allemagne la production de pétrole n°1 en Europe continentale, et du coup sa source principale de pétrole pendant toute la guerre. (on a compris l'idée : j'ai tendance à penser que la France et l'Angleterre n'honorant pas leur engagement polonais seraient apparus immédiatement comme une planche pourrie à leur allié roumain, avec le risque de voir ce pays basculer très vite dans l'orbite allemande, plus crédible.)

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