Liber censualis a écrit :
Les alliés n'avaient donc aucun moyen aérien pour profiter de ces 250 kms de bouchons où s'amassait le fleuron de l'armée allemande ?
Je ne peux m'empêcher de mettre cette citation en parallèle de celle qui suit :
Liber censualis a écrit :
Et oui, et c'est le travail des historiens de comprendre pourquoi ce qui nous semble évident aujourd'hui ne l'a pas été à l'époque.
Pour répondre à votre question, si, on aurait pu attribuer des moyens pour frapper les colonnes allemandes embouteillées dans les Ardennes ; mais non, c'était absolument impossible à envisager compte tenu de l'état psychologique, des convictions stratégiques et du renseignement disponible dans ces journées fatidiques des 12 et 13 mai.
1) les colonnes allemandes ne sont détectées que le 12 mai par l'aviation de reconnaissance française. Impossible de frapper les 10 et 11 mai sur un ennemi que l'on ne sait pas être ici ;
2) les 12 et 13 mai, le commandement allié a les yeux fixés sur la bataille qu'il estime être la principale, qui a pour objet la Belgique et se déroule notamment à Hannut et Gembloux. Tout ce qui s'est passé auparavant tend à lui confirmer que son analyse stratégique - les Allemands frapperont principalement en Belgique - est la bonne : non seulement il y a un corps de bataille blindé/mécanisé qui montre que les Allemands font effort à leur droite (en l'occurrence le XVI. Armeekorps [motorisiert] de Hoepner, avec les 3. et 4. Panzer-Divisionen et la 2. Infanterie-Division [motorisiert], mais aussi la 9. Panzer-Division détectée en Hollande), mais en plus la Luftwaffe est massivement de sortie sur la Belgique et les Pays-Bas, et les attaques parachutistes* sur les ponts belges et le fort d'Eben-Emael prouvent que leur priorité est bien dans ce secteur ;
3) partant de ce principe, le commandement allié
sait les 12 et 13 mai que les bouchons ardennais sont soit une diversion destinée à attirer l'attention loin de la priorité du moment (le plus probable), soit une attaque secondaire menée par un petit corps mécanique (le plus dangereux, mais il se brisera les dents sur le freinage des DLC et le formidable obstacle de la Meuse, surtout que les embouteillages constatés semblent indiquer qu'ils sont loin d'y être) ;
4) eh oui, ce n'est pas parce que des embouteillages nombreux ont été détectés dans les Ardennes que l'on peut facilement savoir qu'il y a là sept divisions blindées et trois divisions motorisées en trois fuseaux, les Allemands n'ont pas poussé le vice jusqu'à mettre des panneaux indiquant ce qu'il en est, et il n'est pas si simple de quantifier quelle est l'intensité de l'effort réalisé par les Allemands quand bien même on a vu qu'il y avait des bouchons là-bas.
Partant de ces points, si le commandement allié avait saisi ce qui se jouait - ce qui me semble absolument impossible vu les conditions de pression et de température du moment - il aurait pu ordonner des attaques redoublées sur les colonnes allemandes, comme il le fera à partir du 14 mai sur les ponts de la Meuse.
Arrive alors le dernier problème : quelle réussite pour de tels bombardements ?
Les bombardiers anglais de l'AASF qui tentent de frapper un obstacle
nettement défini au sol et
fixe le 14 mai (ou français le 19 mai, à l'exemple des LN 401 et LN 411 dont on parlait) n'arrivent pas à le toucher, encore moins à le détruire, pour des pertes prohibitives. Qu'est-ce qui vous fait croire que ces bombardements auraient réussi alors que la Flak et la chasse couvrent les colonnes allemandes ?
Bien sûr, cela aurait sans doute désorganisé un peu plus et provoqué des pertes, mais les comparaisons historiques à notre disposition semblent indiquer que le plus vraisemblable, c'est que ça n'aurait pas fait grand-chose aux Allemands, pour des pertes très lourdes parmi les aviateurs franco-britanniques.
Alors oui, bien sûr, il aurait fallu que ça se fasse. Mais 1) cela me paraît impossible pour les raisons avancées plus haut ; 2) il n'est pas dit, très loin de là, que ça ait changé le cours des évènements.
CEN EMB
* Pour rappel : la première attaque parachutiste de l'histoire a eu lieu le 9 avril 1940 au Danemark. Le fait que les Allemands utilisent une arme aussi novatrice et précieuse en Belgique et dans les Pays-Bas signe clairement qu'ils font effort là-bas.
Et bien non, raté, et superbe exemple de déception opérationnelle réussie.