GustavedeBeaumont a écrit :
Dans une lettre, Chamberlain dit: "ce que je souhaite est un effondrement du front allemand de l'intérieur. (...) Pour cela, il faut convaincre les Allemands qu'ils ne peuvent pas gagner. Nous devons peser toute action à la lumière de l'instabilité allemande".
Excusez-moi, mais comme individu incapable de comprendre le phénomène Hitler et sa popularité, Chamberlain se pose un peu là.
Il y a une explication à sa croyance en une instabilité allemande : pendant toute la période de l'avant-guerre (depuis 1935) des émissaires civils et militaires allemands de haut niveau se bousculent à Londres pour demander qu'on tienne tête à Hitler - de façon à ce que le peuple allemand se rende compte qu'on le mène à la guerre - et veulent obtenir l'assurance que les alliés ne profiteront pas de troubles éventuels en Allemagne pour y entrer.
(Parmi eux, rien moins qu'un des adjoints au chef d'état-major de la Wehrmacht, j'ai oublié lequel.)
Pierre Nord :"Tout se passe comme si ils étaient repartis de Londres sans être pleinement convaincus, et au fil du temps la qualité de ces émissaires baisse, et avec eux la possibilité éventuelle de provoquer des troubles en Allemagne. Leur faire des promesses, n'était-ce pourtant pas la moindre des choses, voire d'en profiter, si toutefois on a une armée capable de faire un pas devant la ligne Maginot ?"
Hé bien Chamberlain, qui disserte sur les dissensions en Allemagne, ne les a pas convaincus. (Et ce n'est certainement pas son attitude à Munich qui risquait de les pousser à prendre des risques : l'Angleterre cédait sur tout.) La fatuité de cet homme est à peine croyable !
Cela dit l'opposition, au départ, entre Hitler et une partie des généraux est réelle.
Pierre Nord : (de mémoire) l'opposition entre Hitler et ses généraux est inévitable. Nombre de militaires de haut rang ne sont pas chauds pour le soutenir. Celui-ci est un autodidacte boulimique dont la digestion intellectuelle n'est pas fameuse, eux sont des professionnels du métier de la guerre, sérieux et réfléchis, qui savent qu'il n'y a aucune chance d'imposer ce qui commence à prendre la tournure d'une religion à un monde qui n'en veut pas. Il y a trop d'ennemis potentiels. Il y a virtuellement un second front, ce cauchemar des Stabler. [officiers d'état-major] Ce divorce est tellement net que sauf pendant la courte période où ils seront comme tout le monde éblouis par ses succès, ils n'auront de cesse de le trahir."
J'ajoute :"et d'essayer de le zigouiller".
Cela dit Hitler est assez fin politique pour soupçonner le problème, et il calme en partie les militaires en assassinant ceux de ses fidèles qui les inquiètent - c'est la Nuit des Longs Couteaux - avant de mettre au rencart les chefs de l'armée (Beck et Von Bock, si je me souviens bien) sous des prétextes grotesques (L'un d'eux a épousé une jeune femme dont la Gestapo découvre soudain qu'elle se révèle être une ancienne prostituée - sachant que Hitler et Göring avaient assisté au mariage - l'autre serait homosexuel) pour les remplacer par es généraux plus dociles.
Les troubles en Allemagne, ça ne peut guère être la réédition de novembre 1918 (comme j'ai eu le tort de l'écrire, mais c'est peut-être ce souvenir que Chamberlain avait en tête) parce que le parti communiste a été démantelé et que ses cadres sont dans des camps. En revanche, si le peuple allemand se rend compte que Hitler les mène à la défaite - donc dans l'hypothèse de succès militaires des Alliés - l'alternative ce sont les militaires, et ils auront les moyens de s'imposer à un parti nazi en déroute, parce que le parti nazi a dissous son armée privée, les SA.
Citer :
Le gouvernement britannique annonça dès le départ qu'il se préparait à une guerre de trois ans.
Il n'en faudra guère que le double. (Pourquoi trois ans et pas quatre, je suppose que le génie de Chamberlain est à l'origine de ce calcul ? Chamberlain qui n'avait pas d'armée, qui attend début 39 pour rétablir le service militaire - désolé qu'on ne puisse décidément s'entendre avec Monsieur Hitler - mais qui accorde peu de temps après sa garantie militaire à la Pologne, en comptant sur l'armée française !)
Citer :
Dans les buts de guerre français:
- neutralisation de l'Allemagne comme puissance militaire
- fin du régime actuel de l'Allemagne
- garanties de sécurité à la France
Ce qui signifie fin de Hitler, destruction du parti nazi, et dissolution de la Wehrmacht. Là on parle de guerre totale. Et c'est bien comme ça que ça finira. Mais pas sous la direction de la France.
Citer :
Du côté des intellectuels tel Valéry, les buts de la guerre ont un côté croisade, libération des Allemands, et en particulier de certains chrétiens persécutés (notamment le pasteur Niemoeller pour Paul Claudel).
Si l'Eglise catholique allemande est (majoritairement) à couteaux tirés avec Hitler, si Pie XII y fait lire une encyclique violemment antinazie (ce qui va déclencher des persécutions ponctuelles, mais Hitler n'osera jamais s'en prendre frontalement à l'église catholique) cela ne veut pas dire, encore une fois, que la majorité des Allemands éprouvent le besoin d'être libérés.
Entre la vision des catholiques français les plus lucides sur Hitler et l'opinion allemande, il y a un monde.