LCL_511 a écrit :
En revanche, je suis de moins en moins convaincu du rôle moteur de l'idéologie raciste et antibolchevique dans la décision d'Hitler d'attaquer l'URSS. Celle-ci repose sur une analyse géostratégique globale certes défaillante in fine, mais justifiable rationnellement. L'idéologie a été un accélérateur, pas un détonateur. Du coup, je pense qu'Hitler aurait parfaitement pu tactiquement sceller une alliance concrète avec Staline si celle-ci lui avait paru opportune et crédible.
Mais je suis d'accord avec ça. Quand Hitler dit "Lebensraum" je pense que dans l'immédiat sa priorité ce sont les ressources stratégiques. Et Dieu sait qu'il en a besoin, s'il veut que l'ensemble continental qu'il a constitué puisse tenir face aux Alliés occidentaux.
Et cela ne se limite pas au pétrole, ressource déjà critique fin 1940 : L'URSS dispose de tous les métaux rares imaginables, du blé d'Ukraine, cet espace continental peut être autosuffisant.
(Quand on aura le temps et à tête reposée, si j'ose dire, il sera toujours temps de se préoccuper de faire de l'Est une terre de colonisation, avec le plaisir d'éliminer au passage le régime bolchevique.)
Il prévoit très justement que les USA finiront par entrer en guerre. (Au point qu'il acceptera d'être solidaire du Japon, par traité, sur ce sujet. Son timing n'est pas la date d'entrée en guerre des USA, mais le délai qui leur sera nécessaire pour disposer des moyens d'intervenir en Europe.)
Je pense effectivement que s'il avait pu acquérir la certitude d'avoir une alliance fiable et solide avec Staline, il n'aurait pas forcément inclus la conquête de l'URSS dans un agenda qui parait tout de même très serré.
En gros, pour être certain de revenir à temps faire face à l'ouest, il lui faudrait écraser l'URSS en une seule campagne, et ce sera, de fait, l'objectif qu'il assignera à la Wehrmacht pour Barbarossa. Au delà, il ne peut pas être certain de son calendrier.
(Dans les faits les Alliés occidentaux lui laisseront le temps pour deux campagnes, faute de moyens, mais ça il ne peut tout de même pas l'anticiper. Déjà parce que l'espionnage allemand est défaillant sur tous les fronts, ensuite parce que les USA eux-mêmes ne peuvent prévoir avec certitude à quel rythme leur Victory Program va monter en cadence. A noter deux points clés : d'abord il va consacrer cette seconde campagne possible à la conquête de sa ressource critique : le pétrole de Bakou. Ensuite la mauvaise surprise ne va pas surgir du Victory Program... mais des usines de l'Oural - je simplifie - et ça il ne l'avait pas imaginé.)
A partir d'octobre 40, pour résumer (il a mis ses militaires sur la question dès juillet) - et parce que Churchill fait preuve d'un entêtement décourageant - il est face à ce choix géostratégique colossal et il n'a pas droit à l'erreur.
La maladresse de Staline, dans son positionnement face à ce dilemme !
Staline, pris de court dans ses plans tordus par l'effondrement insensé de l'armée française, Staline qui a décapité son armée en 37, purge encore non terminée, et dont les armes modernes (et leurs munitions en quantité !) commencent à peine à sortir des usines, à cadence réduite, a un besoin vital de temps. Il ne peut pas se permettre un conflit en 41, il lui faut à tout prix une année de plus, au minimum.
Et que fait-il ? Il met la main sur les Pays baltes et la Bessarabie, à deux pas des réserves de pétrole d'Hitler, point sensible entre tous, et, pour la Roumanie, en contradiction du pacte signé avec Hitler. Et il me semble que Molotov, qui devrait ramper jusqu'à Berlin présenter les excuses de son patron, va au contraire se montrer plutôt arrogant face à Ribbentrop. (à vérifier...)
Face à l'offre d'Hitler de rejoindre l'Axe, en tous cas, il va exiger comme préalable que la Wehrmacht se retire de Finlande et de Bulgarie. Hitler ne donnera pas suite : il a compris, ou il s'est fait une opinion définitive sur Staline, comme on voudra. Sa décision est prise.
Staline a mis les doigts dans la prise de courant. Au déclenchement de Barbarossa, il restera figé, incrédule, une bonne dizaine de jours, le temps de réaliser... que quand il pleut, on se mouille !
Tiens, un "détail" supplémentaire : trois jours seulement avant l'attaque allemande, Hitler obtient discrètement la neutralité de la Turquie, et sur le front Est, quand on parle de la Turquie on parle du Caucase, donc du pétrole russe de Bakou.