Dans l'ouvrage de Charles Maisonneuve et Pierre Razoux aux éditions Larivière :
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Dés le début des hostilités, la junte argentine réalisa très vite qu'elle risquait de se trouver rapidement à court de missiles "Exocet". Sur les quinze missiles air-mer AM-39 initialement commandés, seuls cinq avaient été livrés. La junte confia donc au capitaine de vaisseau Carlos Corti, déjà responsable du programme d'acquisition des "Super Etendard", la mission de se procurer par n'importe quels moyens de nouveaux missiles AM-39 "Exocet". Celui-ci disposerait de fonds illimités, grâce notamment à l'entremise du banquier italien Roberto Calvi, l'un des directeurs de la banque Ambrosiano.
Carlos Corti choisit d'établir ses bureaux à Paris où il pouvait compter sur un important réseau d'influence et d'où il lui serait plus facile d'entrer en contact avec les clients avérés de l'Aérospatiale, société fabriquant l'Exocet.
Secondé par le capitaine de corvette Julio Lavezzo, lui même pilote de "Super Etendard", Conti tenta de convaincre de nombreux États clients de l'Aérospatiale de lui vendre à prix d'or quelques-uns des précieux missiles. L'Irak et la Libye furent ainsi approchés, mais refusèrent le marché estimant avoir eux même trop besoin de leurs propres "Exocet". Plusieurs trafiquants d'armes furent également contactés.
Les agissements des Argentins n'échappèrent pas aux services de renseignements français, d'autant plus que pour des raisons de commodité, les bureaux loués par le capitaine de vaisseau Corti étaient situés 58 avenue Marceau, dans un immeuble abritant le siège de l'Office Français d'Exploitation de Matériel Aéronautique (OFEMA) ! La mission argentine avait ainsi été rapidement placée sur écoute. Les services français multiplièrent les embuches afin de rendre la tâche des agents argentins la plus difficile possible. C'est ainsi que les autorités françaises purent faire échec à la tentative argentine de détourner une partie des missiles Exocet qui auraient dû être livrés très prochainement au Pérou, plaçant dés lors ces missiles sous embargo. Sur ordre du président Mitterrand, Pierre Marion, le directeur de la DGSE, alerta Alexis Forter, le représentant du MI-6 à Paris, de l'évolution de la situation. Le MI-6 décida de monter immédiatement une contre-opération. Le 23 mai 1982, Anthony Divall, un ancien agent du MI-6 reconverti dans les affaires à Hambourg, mais faisant toujours office de correspondant, reçut carte blanche pour faire échec à la mission du capitaine de vaisseau Corti. L'ancien agent des services secrets britanniques élabora un plan simple consistant à leurrer son adversaire argentin en le saturant d'offres sans lendemain et en surenchérissant systématiquement sur ses propositions d'achat. Pour cela, Anthony Divall reçut une lettre de créance de 16 millions de livres sterling (soit 25 millions de dollars) auprès de la banque Williams & Glyn. Après s'être adjoint les services de John Dutcher, un marchand d'armes américain gratifié d'une excellente réputation internationale, Anthony Divall lança son offensive "commerciale", envoyant son nouvel associé jouer les intermédiaires auprès de Carlos Corti. John Dutcher fit miroiter à ce dernier de mirifiques contrats avec l'Afrique du Sud, l'Australie, ou bien encore le Qatar. Anthony Divall avait même affrété un avion de ligne "Caravelle", enregistré au Libéria, pour transporter en catastrophe en Grande-Bretagne les éventuels missiles Exocet qui auraient pu être livrés aux Argentins.
En fin de compte, la stratégie britannique se révéla efficace et la mission d'achat argentine, totalement leurrée, fut incapable de concrétiser le moindre marché pendant le conflit.