Je pense que l’opinion publique française n’aurait pas été enthousiaste à l’idée d’une implication de forces françaises dans le conflit et que le gouvernement français aurait été bien embarrassé. Mais, de toute façon, je ne crois pas que Mme Thatcher ait jamais eu la moindre intention de solliciter la France. Quand aux Etats-Unis, je ne sais pas. Il y a eu quelques frictions entre les gouvernements américains et britanniques.
On peut discuter sur les risques encourus par les Britanniques dans une opération aussi lointaine contre un adversaire disposant de moyens qui n’étaient pas ridicules mais il faut tout de même se rappeler que la marine britannique était la troisième au monde : l'Argentine ne faisait pas le poids. Bien sûr on ne pouvait pas totalement exclure la perte d’un porte-avions qui aurait compromis l’opération. Mais toucher un porte-avions est difficile. Il est protégé d’abord par ses avions d’interception embarqués puis, à distance plus rapprochée, par les bâtiments d’escorte anti-aériens et enfin en dernier recours par ses dispositifs d’auto-défense, artillerie à très courte portée, leurres ou contre-mesures électroniques. Le HMS Invincible avait en plus des missiles anti-aériens à moyenne portée Sea Dart.
Les missiles AM39 des Super-Etendards étaient tirés à une distance de l’ordre de 25 milles nautiques. Pour frapper un porte-avions ils devaient à franchir la ligne de défense de l’escorte anti-aérienne. L’article
Exocet de wikipedia donne quelques détails. L’aviation argentine a bien cherché à frapper les porte-avions mais n’y est pas parvenue. Elle ne disposait que de cinq AM39. Deux ont touché leurs cibles, le HMS Sheffield et l’Atlantic Conveyor, trois les ont manquées : le porte-avions HMS Invincible, l’Atlantic Conveyor (visé par deux missiles) et le HSM Avenger.
Pierma a écrit :
La France avait bien déclaré un embargo sur les armes, mais je ne crois pas à la déclaration du ministre qui dit "on a fait une énorme connerie, on a oublié les techniciens de maintenance et de formation". Je crois plutôt qu'il existe dans le monde des ventes d'armes une règle tacite : "même si vous êtes embarqués dans une guerre que nous désapprouvons, nous assurerons le SAV des armes que nous vous vendons". Sinon personne ne pourrait plus rien vendre.
J'en veux pour preuve certain journaliste qui a raconté être parti couvrir la guerre des Six Jours dans un avion militaire rempli de munitions et de pièces de rechanges pour Mirage III. (L'embargo décidé par De Gaulle signifiait plus simplement que ces ventes de Mirage III, ou de tout autre matériel, à Israël ne seraient pas renouvelées. Et donc désormais Israël achète américain, ou fabrique lui-même.)
Je suis plus nuancé. La France ne pouvait pas assister l’Argentine dans sa guerre contre le Royaume-Uni. Je suis convaincu que Mitterrand a joué le jeu. L’Argentine avait reçu cinq missiles et n’a pu renouveler son stock même par des voies parallèles. C’est un fait indéniable. On sait de plus que des données techniques sur le Super-Etendard et sur l’AM39 ont été fournies aux Britanniques afin de faciliter les contre-mesures. On peut certes s’interroger sur la présence de l’équipe de techniciens restés en Argentine. Un oubli, grosse connerie comme l’a prétendu Hernu ? C'est possible. Comme le disait Rocard , la connerie explique beaucoup de choses. J’avance encore une autre hypothèse : ils auraient été intentionnellement laissés sur place dans un but de sabotage. Où est la vérité ? Allez savoir. Je pense tout de même que, vu les circonstances, les militaires argentins devaient se méfier de ces techniciens français.
Le contexte de la guerre des six jours est très différent. De Gaulle avait piqué une grosse colère et décidé un embargo, mais tant l’opinion publique que les militaires et les hommes du renseignement penchaient pour Israël. De Gaulle a été obéi, bien sûr, mais sans zèle excessif. Un dernier colis devait être livré, les responsables de bas niveau n’ayant pas reçu l’ordre de le bloquer l’ont laisser partir. Quant au responsable de haut niveau qui aurait dû prendre l’initiative de le bloquer conformément aux ordres du président, il a dû se rappeler qu’il avait piscine.