Cruipee a écrit :
Je ne sais pas si c'est si drôle, mais l'un dans l'autre il ne faut pas non plus oublier la manipulation américaine pour faire croire à la sur-puissance de la Russie pour pouvoir doper les budgets militaires. Dès la fin des année 70 les militaires savaient très bien que l'URSS était morte, que l'armée rouge n'était pas prête à résister très longtemps en cas de guerre non-nucléaire (la seule chose qui fait qu'elle n'était pas attaquable c'était la bombe).
Plus je regarde ce film, plus je pense que ce film fait partie de la manipulation américaine dont parle Cruipee, mais je lui vois des visées encore plus poliltiques.
Pour ce qui est du contexte : je ne pense pas, en revanche, que l'URSS était considérée comme "morte" dès les années 70. Son invasion militaire restait coûteuse. Mais il était patent que le niveau de vie des pays communiste était inférieur à celui de l'Occident et la propagande communiste y était en train de s'essouffler. En 85, l'URSS, engluée en Afghanistan, montrait à tous qu'elle n'avait plus les moyens d'envahir et de maintenir l'ordre dans un pays extérieur.
A cette époque, aux USA, on est au coeur des années Reagan, les idées néo-libérales sortent des think-tanks et commencent à modifier le discours politique, appelant au désengagement massif de l'Etat dans l'économie et au démantèlement assumé de l'Etat-providence.
Cela nous ramène à l'interview en question.
La transcription que donne Histrium est tronquée. En voici la fin :
Citer :
- Que faire alors ? Que recommandez-vous aux Américains ?
- La première chose qui me vient à l'esprit, c'est qu'il faut un effort national de grande ampleur pour éduquer les gens dans le sens des valeurs patriotiques, et ensuite expliquer le réel danger du système socialiste, communiste, quel que soit son nom, le danger de "l'état providence", du système "Big Brother". Si les gens ne réussissent pas à saisir l'imminence de ce danger et de cette évolution, rien n'aidera les Etats-Unis, vous pourrez dire au revoir à vos libertés, à la liberté des homosexuels, aux droits des détenus, etc. Toutes vos libertés disparaîtront, elles seront carbonisées en quelques secondes. Et vos précieuses vies avec. Deuxièmement, au moins une partie de la population est convaincue que le danger est réel. Ils doivent FORCER le gouvernement, -et je ne parle pas d'envoyer des lettres, des pétitions, ou d'autres nobles et belles activités de ce genre - je parle bien de forcer le gouvernement à arrêter d'aider le communisme.
Voici à présent les réflexions que m'inspire cette interview :
I. Sur le fond
Si nous prenons le discours de ce monsieur à rebours, nous constatons que les valeurs qui sont les premiers symptomes de la démoralisation sont donc liées à l'état providence et aux entraves au libre échange. Ironisant, il y associe même les libertés des homosexuels et les droits des détenus, valeurs "gauchisantes" défendues par les démocrates. Le principal danger cité est d'ailleurs Walter Mondale, homme politique américain, leader du parti démocrate dont le parcours (à lire sur
Wikipedia) est éloquent. En 1985, il vient d'être battu par Reagan aux élections présidentielles.
Cette interview me semble donc un "coup de pied de l'âne" destiné à légitimer la politique de la droite dure au pouvoir à la Maison Blanche, en maintenant le public dans un état de peur :
"Et si vous n’avez pas peur maintenant, rien ne vous fera peur".
II. Sur la forme
Ce texte est bâti comme un raisonnement circulaire. Les vérités sont assènées, sans relation avec les exemples citées : le contexte est celui des Etats occidentaux, les exemples ceux de pays de l'est ou en guerre. Toute contradiction est par avance disqualifiée : si elle vient de gauche, elle est le fait d'un "idiot utile", qui sera éliminé une fois que la cause qu'il défend aura gagnée, si elle vient de droite, elle est le fait d'un être sans scrupule acheté par les services secrets, et dans tous les cas, elle est du fait de quelqu'un à qui on a fait perdre le sens des réalités.
Il s'affranchit d'autant plus des faits qu'il souligne que l'Amérique est en guerre
"non déclarée et totale" contre un ennemi beaucoup plus vague et diffus que l'URSS, la
"conspiration communiste mondiale".
Il est absolument impossible de contredire un tel discours, ce qui le rend très douteux.
III. Conclusion
Je pense avoir tout dit. Cette interview, que l'on trouve sur les sites d'extrême-droite et/ou néo-libéraux (quand on suit le lien sur DailyMotion) , fait donc pour moi partie de l'entreprise de consolidation de la politique néo-libérale républicaine contre l'opposition démocrate américaine.
Ceci, bien sûr, n'entraîne pas la négation de la propagande soviétique en Occident durant la Guerre Froide. Mais il convient de souligner deux choses :
- d'une part, les idées avancées ne sont pas des CONTRE-valeurs comme le dit Geopolis, mais bien des VALEURS occidentales : syndicalisme, écologisme anti-industriel, anti-militarisme, pacifisme... défendues depuis des lustres par les politiques socialistes occidentales, et pas seulement elles. J'en exclue la défiance vis-à-vis du progrès scientifique, très récente.
- d'autre part, à moins d'entrer dans une logique de renversement à cours terme d'un Etat et d'employer des moyens terroristes (assassinats, sabotages...) contre lesquels la police et la justice doivent lutter, les méthodes d'infiltration de cette propagande ne s'écartent pas du lobbying ou du noyautage politique que les démocraties ne peuvent que tolérer, en permettant aux autres composantes du paysage politique d'équilibrer ces dérives.