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 Sujet du message : La note de Staline (mars 1952)
Message Publié : 31 Jan 2019 11:35 
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Grégoire de Tours
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Pour rebondir sur le débat ouvert sur la stratégie soviétique à l'égard de l'Europe, j'ouvre ce fil plus spécialement sur un point : la fameuse note de Staline du 10 mars 1952.

En gros elle disait ceci ("https://www.monde-diplomatique.fr/1965/06/FERON/26645") : Moscou pressait ses anciens alliés de négocier les termes du traité de paix et rappelait que les frontières décidées à Potsdam ne pouvaient pas être mises en cause. Le futur gouvernement allemand devait quant à lui s’engager à remplir sept conditions

1) L’Allemagne doit constituer un Etat unique ;
2) Toutes les forces années des puissances d’occupation seront retirées au plus tard un an après la signature du traité de paix, et les bases étrangères seront liquidées ;
3) Les libertés démocratiques doivent être garanties au peuple allemand ;
4) Les partis démocratiques doivent bénéficier d’une liberté totale ;
5) L’existence d’organisations hostiles à la démocratie et à la paix ne sera pas tolérée ;
6) Les anciens membres de l’armée, y compris les officiers généraux, les anciens nazis, à l’exception de ceux qui purgent des peines infligées pour des crimes précis, auront des droits civiques et politiques égaux à ceux des autres citoyens ;
7) L’Allemagne s’engagera à n’entrer dans aucune coalition.

peu de sources en français sur le net

un article wiki en anglais
https://en.wikipedia.org/wiki/Stalin_Note

On pourrait dire qu'il s'agissait d'un revirement spectaculaire de la posture soviétique et d'un revirement peu crédible en pleine guerre de Corée. Le risque étant de créer un ventre mou militaire au centre de l'Eurpe exposé à une conquête éclair par l'armée rouge. On pouvait aussi craindre que cette Allemagne non défendue par l'Ouest ne devienne exagérément vulnérable aux intimidations de Moscou, un peu comme la Finlande.

Staline croyait il lui-même à son idée ? l'armée rouge aurait elle accepté d'abandonner sa conquête la plus prestigieuse, symbole de la victoire de 1945 ?


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Message Publié : 31 Jan 2019 12:18 
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Jean Froissart
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marc30 a écrit :
3) Les libertés démocratiques doivent être garanties au peuple allemand ;
4) Les partis démocratiques doivent bénéficier d’une liberté totale ;
5) L’existence d’organisations hostiles à la démocratie et à la paix ne sera pas tolérée ;
On sait ce que cela veut dire selon Staline et Jdanov: un parti unique, communiste, au pouvoir, les autres tendances politiques interdites. On on savait déjà cela en 1952, à prt bien entendu ceux qui ne voulaient pas savoir -et il furent nombreux.


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Message Publié : 31 Jan 2019 14:21 
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Grégoire de Tours
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Vézère a écrit :
marc30 a écrit :
3) Les libertés démocratiques doivent être garanties au peuple allemand ;
4) Les partis démocratiques doivent bénéficier d’une liberté totale ;
5) L’existence d’organisations hostiles à la démocratie et à la paix ne sera pas tolérée ;
On sait ce que cela veut dire selon Staline et Jdanov: un parti unique, communiste, au pouvoir, les autres tendances politiques interdites. On on savait déjà cela en 1952, à prt bien entendu ceux qui ne voulaient pas savoir -et il furent nombreux.


Pas certain car finalement ce fut la solution retenue pour l'Autriche et sans mensonge stalino-jdanovien


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Message Publié : 03 Fév 2019 1:53 
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Jean Mabillon
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Affaire complexe et je ne sais si l'ouverture des archives permet d y voir plus clair.

En général on met en avant le refus des occidentaux sans doute sous la pression de Bonn car le jeune gouvernement fédéral vivait dans la crainte d être abandonné aux soviétiques. En effet , la neutralité aurait signifie le retrait de l US ARMY...et la RFA fut le pays le plus énergique pour s opposer à l'offre de Moscou. Il est vrai qu'en pleine guerre de Corée et 3 ans après la fin du blocus de Berlin, Staline était peu crédible.

On a souvent interprété cette note comme une tentative de bloquer le réarmement allemand et l'intégration ouest allemande dans l OTAN et/ou la CED. Mais je me demande s'il n'y avait pas quelque chose d'un peu sincère de la part de Staline : la crainte soviétique que ne se reconstitue une nouvelle Wehrmacht, équipée de matériel américain et appuyée sur une population de RFA farouchement anticommuniste.


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Message Publié : 03 Fév 2019 12:09 
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Marc Bloch
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Aigle a dit:
" On a souvent interprété cette note comme une tentative de bloquer le réarmement allemand et l'intégration ouest allemande dans l OTAN et/ou la CED. Mais je me demande s'il n'y avait pas quelque chose d'un peu sincère de la part de Staline : la crainte soviétique que ne se reconstitue une nouvelle Wehrmacht, équipée de matériel américain et appuyée sur une population de RFA farouchement anticommuniste."

Je partage cette analyse, même si je n'ai aucune preuve. Staline et les Soviétiques avaient été certainement "marqués" par les capacités de la Wehrmacht. Ils imaginaient cette même nation avec l'armement et l'appui américain. D'où cette zone démilitarisée à leur frontière Ouest. Il y a quelque temps j'ai parlé du Plan Rapacki que personne n'a commenté, mais j'ai l'impression que c'était une constante (même après la mort de Staline) dans la politique extérieure du Kremlin : essayer d'avoir une buffer zone, une zone tampon à l'ouest.

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Message Publié : 03 Fév 2019 12:30 
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Faget a écrit :
mais j'ai l'impression que c'était une constante (même après la mort de Staline) dans la politique extérieure du Kremlin : essayer d'avoir une buffer zone, une zone tampon à l'ouest.


J'ai aussi cette impression. De plus, l’existence d'une telle zone tampon leur garantissait une meilleure main-mise sur leur propre espace. Staline a fortement agrandi les frontières de "son" empire. Mais, à quelques exceptions près, il l'a toujours fait par opportunisme et jamais en menant de lui-même une guerre de conquête. J'ai l'impression qu'il se méfiait de l'armée et qu'il avait le désir de la garder subordonnée à sa main-mise et si possible la moins nécessaire possible.

Entendons-nous bien, si l'armée est nécessaire, l'expérience des débuts de la SGM montre qu'il faut des militaires compétents pour qu'elle soit efficace. Si elle n'est pas nécessaire, on peut l'afflaiblir en nommant des militaires incompétents qui savent qu'ils doivent leurs places et donc les honneurs qui y sont rattachés au parti et à ses dirigeants.


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Message Publié : 03 Fév 2019 19:37 
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Aigle a écrit :
Affaire complexe et je ne sais si l'ouverture des archives permet d y voir plus clair.

On a souvent interprété cette note comme une tentative de bloquer le réarmement allemand et l'intégration ouest allemande dans l OTAN et/ou la CED. Mais je me demande s'il n'y avait pas quelque chose d'un peu sincère de la part de Staline : la crainte soviétique que ne se reconstitue une nouvelle Wehrmacht, équipée de matériel américain et appuyée sur une population de RFA farouchement anticommuniste.

Il est toujours difficile de se mettre dans la tête des Soviétiques, tant leur idéologie les a conduit a confondre (jusqu'à l'effondrement) la théorie politique, voire la propagande, avec la réalité.

Une chose que je tiens pour certaine : les vieillards du Kremlin n'ont jamais sérieusement envisagé une attaque en force contre l'Europe de l'Ouest. Du fait de leur âge, précisément, ils avaient tous vécu, d'une façon ou d'une autre, le cauchemar de la "Grande Guerre Patriotique", et n'étaient certainement pas chauds pour ouvrir à nouveau une telle porte sur l'inconnu.

Au delà, il est difficile d'être certain de leur perception, mais il semble que leur discours sur les revanchards nazis constituant la nouvelle Bundeswehr - qui constituait un excellent thème de propagande (d'autant que nombre d'anciens officiers de la Wehrmacht ont contribué à cette renaissance militaire) thème à faire orchestrer également par les PC de l'ouest - ce discours pouvait aussi cacher une certaine appréhension réelle. C'est difficile à imaginer pour nous, compte-tenu des effectifs et de la quantité de matériels mis en ligne par le Pacte de Varsovie, déploiement pour le moins inquiétant, mais il y avait bel et bien dans un coin de leur tête cette idée qu'ils pouvaient parfaitement être attaqués par l'OTAN.

Savoir jusqu'où allait ce sentiment, qui nous parait fou, et avec quels paramètres il évoluait est difficile, mais on en a certains indices. Par exemple le fait que le KGB, persuadé qu'une telle attaque pouvait se produire, a sollicité à un moment des informations de ses agents sur ce point, et s'est auto-intoxiqué (quand on focalise les questionnaires, qu'on exige des informations et qu'on surinterprète les retours...) jusqu'à penser que l'exercice "Able Archer" de l'OTAN, en 83, pouvait être en réalité une intention de frappe nucléaire surprise. Des militaires soviétiques en ont témoigné après la chute du communisme.

Le pire a été évité de justesse le jour où le système d'alerte soviétique a détecté 4 départs de missiles américains. Un officier soviétique a transgressé ses consignes en estimant qu'il y avait une erreur dans le système. Sans qu'on en ait entendu parler à l'ouest, ce fut un des moments les plus chauds du face à face.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fausse_alerte_nucl%C3%A9aire_sovi%C3%A9tique_de_1983

marc30 a écrit :
Vézère a écrit :
marc30 a écrit :
3) Les libertés démocratiques doivent être garanties au peuple allemand ;
4) Les partis démocratiques doivent bénéficier d’une liberté totale ;
5) L’existence d’organisations hostiles à la démocratie et à la paix ne sera pas tolérée ;
On sait ce que cela veut dire selon Staline et Jdanov: un parti unique, communiste, au pouvoir, les autres tendances politiques interdites. On on savait déjà cela en 1952, à prt bien entendu ceux qui ne voulaient pas savoir -et il furent nombreux.


Pas certain car finalement ce fut la solution retenue pour l'Autriche et sans mensonge stalino-jdanovien

Staline s'est montré favorable à une neutralisation de l'Autriche, dont il était puissance occupante, parce qu'il savait que jamais les alliés ne lui laisseraient mettre la main sur l'ensemble du pays. (ce n'était pas la Pologne, ni même la Tchécoslovaquie) C'était donc ce qu'il pouvait en faire de mieux : un glacis désarmé.
De leur côté, j'ai dit plus haut que les Alliés ont probablement accepté parce que la situation géographique de l'Autriche la rendait à peu près indéfendable par l'OTAN. (Et j'imagine que sur ce point précis les Autrichiens ont fait le même constat, et préféré qu'en cas de conflit terrestre entre les deux blocs la victoire militaire se décide si possible ailleurs que chez eux.)

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Message Publié : 02 Mars 2019 8:33 
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Grégoire de Tours
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@aigle : merci. Je n'avais pas pense à cette "sincérité " de Staline . Pourquoi pas en effet

@pierma: je ne comprends pas vos observations. Il ne s'agit pas ici des vieillards du Kremlin. Mais de Staline en 1952. Il avait 70 ans mais n'était pas gâteux. D'ailleurs Khrouchtchev après lui n'était pas non plus un vieillard.
Quant au traité autrichien, il a été conclu en 1955 par Khrouchtchev et Malenkov,qui n'étaient pas des vieillards, pas par Staline mais en effet dans l'esprit de la note de 1952.


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Message Publié : 02 Mars 2019 15:40 
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marc30 a écrit :
@pierma: je ne comprends pas vos observations. Il ne s'agit pas ici des vieillards du Kremlin. Mais de Staline en 1952. Il avait 70 ans mais n'était pas gâteux. D'ailleurs Khrouchtchev après lui n'était pas non plus un vieillard.
Quant au traité autrichien, il a été conclu en 1955 par Khrouchtchev et Malenkov,qui n'étaient pas des vieillards, pas par Staline mais en effet dans l'esprit de la note de 1952.

Hé bien, retranchez le mot "vieillards" et remplacez le par le mot "vétérans".

Khrouchtchev a été à un temps l'envoyé politique de Staline à Stalingrad, au pire moment, pour y durcir la résistance soviétique. De tels souvenirs ne s'oublient pas.

Vous évoquez "la crainte soviétique que ne se reconstitue une nouvelle Wehrmacht, équipée de matériel américain et appuyée sur une population de RFA farouchement anticommuniste." Et je vous réponds, oui, cette peur était réelle - ils y voyaient même sincèrement la main d'officiers nazis revanchards, ce qui situe le niveau d'inquiétude - non seulement elle était une constante chez Staline, mais elle a duré dans le temps, au point qu'elle existait encore dans les années 70 et 80, dont j'ai le souvenir, et où les dirigeants soviétiques, qui ont fini carrément par se momifier, n'étaient plus de la première fraicheur.

De 52 à 85 (il me semble que c'est 85, pour Andropov) on a affaire à des dirigeants qui ont connu l'invasion de l'URSS, et ce souvenir traumatique, à mon avis, joue durablement un rôle dans leurs modes de raisonnement.

C'est même intéressant, cette volonté de la génération qui avait connu la "grande Guerre Patriotique" de ne pas céder la main. On atteint un sommet, après la vieillesse de Brejnev (dont le long règne immobile a fini par décourager profondément le peuple soviétique : ça ne finirait donc jamais, ce système sclérosé et répressif !) avec l'arrivée de Constantin Tchernienko, déjà usé et malade, qui ne tiendra pas deux ans.

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Message Publié : 03 Mars 2019 8:11 
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Pierma a écrit :
marc30 a écrit :
@pierma: je ne comprends pas vos observations. Il ne s'agit pas ici des vieillards du Kremlin. Mais de Staline en 1952. Il avait 70 ans mais n'était pas gâteux. D'ailleurs Khrouchtchev après lui n'était pas non plus un vieillard.
Quant au traité autrichien, il a été conclu en 1955 par Khrouchtchev et Malenkov,qui n'étaient pas des vieillards, pas par Staline mais en effet dans l'esprit de la note de 1952.

Hé bien, retranchez le mot "vieillards" et remplacez le par le mot "vétérans".

Khrouchtchev a été à un temps l'envoyé politique de Staline à Stalingrad, au pire moment, pour y durcir la résistance soviétique. De tels souvenirs ne s'oublient pas.

Vous évoquez "la crainte soviétique que ne se reconstitue une nouvelle Wehrmacht, équipée de matériel américain et appuyée sur une population de RFA farouchement anticommuniste." Et je vous réponds, oui, cette peur était réelle - ils y voyaient même sincèrement la main d'officiers nazis revanchards, ce qui situe le niveau d'inquiétude - non seulement elle était une constante chez Staline, mais elle a duré dans le temps, au point qu'elle existait encore dans les années 70 et 80, dont j'ai le souvenir, et où les dirigeants soviétiques, qui ont fini carrément par se momifier, n'étaient plus de la première fraicheur.

De 52 à 85 (il me semble que c'est 85, pour Andropov) on a affaire à des dirigeants qui ont connu l'invasion de l'URSS, et ce souvenir traumatique, à mon avis, joue durablement un rôle dans leurs modes de raisonnement.

C'est même intéressant, cette volonté de la génération qui avait connu la "grande Guerre Patriotique" de ne pas céder la main. On atteint un sommet, après la vieillesse de Brejnev (dont le long règne immobile a fini par décourager profondément le peuple soviétique : ça ne finirait donc jamais, ce système sclérosé et répressif !) avec l'arrivée de Constantin Tchernienko, déjà usé et malade, qui ne tiendra pas deux ans.


En 1952, quand la note de Staline, objet de ce fil, a été diffusée, tous les dirigeants occidentaux comme soviétiques étaient d'anciens de la guerre : Churchill à Londres, Eisenhower à Washington, etc ...Tous sauf un : Adenauer qui a vécu la guerre sans exercer de responsabilités.

Après, je ne vois guère le lien avec les années 1960, 70 ou 80 car justement la solution proposée par Staline d'échanger réunification contre neutralité n'est jamais revenue sur la table, sauf erreur de ma part.

PS : en français, on dit "ancien combattant". "Vétérans" est un anglicisme (ou un latinisme) qu'il vaut mieux éviter.


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Message Publié : 03 Mars 2019 15:38 
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Jerôme a écrit :

Après, je ne vois guère le lien avec les années 1960, 70 ou 80 car justement la solution proposée par Staline d'échanger réunification contre neutralité n'est jamais revenue sur la table, sauf erreur de ma part.

Comme vous répétez le reproche que m'a fait Marc30 dans le post précédent, je vous ramène à ma réponse:

Citer :
Vous évoquez "la crainte soviétique que ne se reconstitue une nouvelle Wehrmacht, équipée de matériel américain et appuyée sur une population de RFA farouchement anticommuniste." Et je vous réponds, oui, cette peur était réelle - ils y voyaient même sincèrement la main d'officiers nazis revanchards, ce qui situe le niveau d'inquiétude - non seulement elle était une constante chez Staline, mais elle a duré dans le temps, au point qu'elle existait encore dans les années 70 et 80, dont j'ai le souvenir, et où les dirigeants soviétiques, qui ont fini carrément par se momifier, n'étaient plus de la première fraicheur.

Au passage il y a une contradiction chez Staline : entre sa perception d'une RFA anticommuniste et même revancharde, et le contenu de sa note, qui leur propose la neutralité. Si les Allemands sont de tels va-t-en-guerre, pourquoi choisiraient-ils d'être neutralisés ?

On parle toujours d'un Staline retors, qui a roulé ses alliés dans la farine, et ramassé toute l'Europe centrale, mais la faiblesse de Roosevelt et surtout la présence de l'Armée Rouge ont bien aidé. Ici en revanche, il apparaît plutôt naïf : comme si la RFA allait se mettre à la discrétion des Russes ! Bon, mettons que pour lui, dans son esprit, il fallait tout de même essayer cette proposition... mais c'est totalement irréaliste.
On dirait que Staline n'a pas vu changer le monde depuis 45, et qu'il pense encore parler à un peuple allemand désemparé, mal nourri, clochardisé dans ses villes fracassées, et qui pourrait peut-être se jeter comme sur une bouée sur une proposition de neutralité. Mais la RFA de 1952 n'est plus celle-là : elle a retrouvé une cohésion très réelle, et commence à accéder à la prospérité qui sera baptisée "le miracle économique". (Dès 1960 le PIB allemand dépasse nettement celui de la France.)

Bref la note de 52 est une démarche cousue de fil blanc, dont on voit un peu trop les grosses ficelles.

Staline avait déjà fait preuve d'une naïveté ahurissante face au risque d'invasion par Hitler, risque qui était pour le moins plausible. Faire confiance à Hitler ! 8-|

Et puis, sincèrement, les Allemands, dont l'armée a violé au début de la guerre les neutralités du Danemark, de la Norvège, du Luxembourg, de la Hollande et de la Belgique, peuvent-ils penser que le statut de neutre soit une garantie contre quoi que ce soit, surtout avec l'opinion qu'ils ont de Staline ?

Citer :
PS : en français, on dit "ancien combattant". "Vétérans" est un anglicisme (ou un latinisme) qu'il vaut mieux éviter.

Très bien.

Mais au passage ni Staline ni Krouchtchev, ni aucun des suivants n'étaient stricto-sensu un ancien combattant de la SGM. Vous parlez d'"anciens de la guerre", ce qui est plus juste.

(même si il me semble qu'on voit bien l'idée que j'avance : celle d'un traumatisme pour les dirigeants contemporains de l'événement, et d'un souvenir traumatique pour les suivants. Bon sang, même ma génération a connu l'inquiétude face à cet incroyable rassemblement de chars du Pacte "à deux étapes du Tour de France", le fait que ces dirigeants craignaient encore d'être envahis est tout de même un peu déroutant et mérite d'être souligné.)

Dernière chose : si la proposition de Staline n'est jamais revenue sur la table, en revanche l'espoir de neutraliser la RFA n'a pas été oublié. LE KGB - et sans doute son homologue est-allemand - a effectué dans les années 70 et 80 un travail d'influence considérable en faveur des opinions neutralistes en RFA : souvenez-vous du passage de Mitterrand au Bundestag, pour y rappeler quelques vérités élémentaires. (Il est vrai que ce travail d'influence n'avait essentiellement retourné que les contestataires, en RFA, mais enfin, réussir à faire scander "plutôt rouge qu mort" - "Besser rot als tot" - dans les villes allemandes est déjà un résultat à peine croyable.)

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Message Publié : 03 Mars 2019 16:05 
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Jerôme a écrit :
PS : en français, on dit "ancien combattant". "Vétérans" est un anglicisme (ou un latinisme) qu'il vaut mieux éviter.


Il va falloir changer pas mal de livres de mémoires des combattants français de diverses guerres, même napoléonienne, où ils se présentent comme des vétérans.... Sans oublier qu'il y a en France au XVIIème et au XIXème siècle des compagnies de vétérans... Bon, c'était dans le sens de militaire blessé qui continuait son service.

Il y a par exemple, ce texte de 1812 :
Citer :
"Il [Napoléon dans une revue] s'arrête aux plus vieux soldats ; à l'un, c'est la bataille des Pyramides, à l'autre celle de Marengo, d'Austerlitz, d'Iéna ou de Friedland qu'il rappelle d'un mot, accompagné d'une caresse familière ; et le vétéran, qui se croit reconnu de son empereur, se grandit tout glorieux au milieu de ses compagnons moins anciens qui l'envient". [Ségur, Histoire de Napoléon et de la Grande-Armée pendant l'année 1812]


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Message Publié : 10 Mars 2019 17:04 
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Cela ressemble fort au traité signé avec l'Autriche en 1955 qui vit les troupes occupantes, y compris les Soviétiques évacuer ce pays. Il est vrai que l'Autriche était considérée comme une victime du nazisme, ce qui m'a toujours paru curieux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3% ... autrichien

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 10 Mars 2019 19:21 
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Jean Mabillon
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Jean-Marc Labat a écrit :
Cela ressemble fort au traité signé avec l'Autriche en 1955 qui vit les troupes occupantes, y compris les Soviétiques évacuer ce pays. Il est vrai que l'Autriche était considérée comme une victime du nazisme, ce qui m'a toujours paru curieux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3% ... autrichien


Ce n'est pas "curieux" : c'est de la politique. Les alliés essayaient de détacher l'opinion (et les soldats) autrichienne de la cause allemande pour affaiblir le potentiel militaire du IIIè Reich en laissant espérer aux Autrichiens un sort enviable à la paix...Rien à voir avec la Vérité de l'Histoire ...


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Message Publié : 10 Mars 2019 21:05 
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Mouais... les alliés, naïfs à ce point ? L'Anschluss avait été ratifiée à 90% par plébiscite ! Voir flancher les Autrichiens de la Wehrmacht, alors qu'ils étaient noyés dans la masse...

"L'Autriche est ce pays qui a réussi à faire croire que Mozart était autrichien et que Hitler était allemand." :rool: (Mais un pays que j'aime.)

J'ai tendance à penser qu'au moment de leur déclaration commune sur l'invalidité de l'Anschluss, en 43, Churchill et Staline ont des vues différentes sur l'avenir du pays : un AMGOT, pour Churchill - l'Autriche devenant un "pays occupé" par le Reich - ce qui ouvre la voie à des élections démocratiques, et une mainmise tranquille, progressive et sans bruit, du genre "coup de Prague", pour Staline, qui peut espérer que l'Armée Rouge mette la main sur l'ensemble du pays avant tout le monde.

Dans les faits, malgré ce statut de "pays occupé", il n'y aura ni l'un ni l'autre, parce que Staline, au 8 mai, a réussi à mettre la main sur Vienne, mais pas sur toute l'Autriche. D'où, finalement une occupation quadripartite comme en Allemagne, et à Vienne comme à Berlin, dont j'ignore à quel moment elle a été décidée.

La date de 1955 est bien tardive. Sans doute a-t-il fallu attendre la mort de Staline (C'est une question) qui se gardait peut-être ce fer au feu, pour voir si malgré tout il ne trouvait pas un moyen... avant que le changement de statut et le retour à la souveraineté soient sérieusement évoqués.

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