Pédro a écrit :
Sur la scène diplomatique, l’URSS joue un rôle central dans l’adoption du plan de partage de la Palestine par l’ONU, le 29 novembre 1947. En plus de la sienne, elle apporte les voix de ses satellites, à l’exception — jamais expliquée — de la Yougoslavie. Mais elle fournit également à Israël les deux ressources dont il a le plus besoin : des hommes et des armes.
La bataille démographique est vitale pour la réussite du projet des dirigeants sionistes. La population juive en Palestine représente en 1946 six cent mille personnes, soit un tiers du total. Ils doivent à tout prix modifier en leur faveur le rapport de forces. L’URSS va y contribuer de manière décisive.
En premier lieu, elle fournit des candidats au départ vers la Palestine. Au cours de l’année 1946, elle laisse partir plus de cent cinquante mille Juifs polonais vers les zones d’occupation américaine et britannique en Allemagne, où ils rejoignent les camps de personnes déplacées. Or ces rescapés des camps nazis, ou ces gens qui se retrouvent à la fin de la guerre sans foyer ni famille, n’ont guère d’autre choix que la Palestine. Moscou va délibérément aggraver ce problème, qui met le Royaume-Uni dans une situation difficile. Londres subit une forte pression non seulement du mouvement sioniste, mais également des Etats-Unis. Les Américains ne veulent pas accueillir ces réfugiés sur leur sol, et ils redoutent les effets sur l’opinion publique des images de ces bateaux d’immigrants illégaux en route vers la Palestine renvoyés sans ménagement par les forces britanniques.
Avant 1948, l’URSS soutient directement ou indirectement des opérations d’immigration clandestine organisées par l’Agence juive à partir des pays d’Europe de l’Est, notamment la Roumanie et la Bulgarie. Les deux tiers des Juifs arrivés en Palestine entre 1946 et 1948 proviennent de ces deux pays.
Après le 14 mai 1948 et la proclamation de l’indépendance d’Israël, la question de l’immigration devient plus vitale encore. Il faut désormais fournir des recrues à la jeune armée. Autrement dit, alimenter les flux migratoires revient à participer à l’effort de guerre israélien. Or, entre 1948 et 1951, plus de trois cent mille Juifs d’Europe de l’Est rejoignent Israël, soit la moitié du nombre total d’immigrants au cours de cette période.
Moscou soutient également le jeune Etat hébreu sur l’autre front de la bataille démographique : celui de l’homogénéisation de sa population, qui conduit au départ, et surtout à l’expulsion, de plus de sept cent mille Arabes palestiniens. L’URSS dédouane Israël de toute responsabilité et accable Londres. En 1948, Moscou vote contre la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU sur les réfugiés palestiniens, qui prévoyait la possibilité d’un retour.
Sur le plan militaire, l’URSS apporte son aide à la cause sioniste avant même la création d’Israël. Dès le mois de mai 1947, l’achat d’armes devient une priorité pour Ben Gourion. A la suite de pressions soviétiques, la Tchécoslovaquie devient son principal fournisseur. Entre 1948 et 1951, Prague livre des armes légères et lourdes, y compris des chars et des avions de combat, et assure la formation.
En 1968, Ben Gourion estimera que ces armes ont « sauvé le pays » : « Elles constituèrent l’aide la plus importante que nous ayons obtenue. (...) Je doute fort que, sans elles, nous ayons pu survivre le premier mois (2). »
Quand l’Union soviétique parrainait Israël par Michel Réal, Le monde Diplomatique, 2014
Dans ce débat il y a beaucoup de sentences définitives ; si l'URSS en vient à soutenir les pays arabes c'est mieux de préciser le contexte qui l'y amène plutôt que simplifier à outrance et donner l'impression qu'il existe une sorte de déterminisme historique poussant naturellement la gauche vers les Arabes et la droite vers Israël...
Personnellement je pense que les soviétiques ont penché du côté "arabe" non pas par anti-capitalisme, antisionisme ou anti-US mais tout simplement par géo-stratégie en pensant que les peuples arabes étaient plus nombreux avec de vastes territoires allant de l'Irak à l'Algérie (j'exclu le Maroc que je considère comme neutre ou pro-américain) et que cela leur servirait plateforme en espérant créer des bases sur le flanc sud de l'Europe comme ils l'ont fait avec Cuba.
En même temps les pays arabes se sont servi de l'URSS en espérant mettre fin à l'Etat d'Israël. L'Histoire a montré que les uns comme les autres se sont trompé: les arabes ne pouvaient devenir des pays communistes et les pays arabes ont sous-estimé leurs faiblesses en pensant que l'URSS pouvait les aider à compenser celle-ci militairement.