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Le "gaullisme social"
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Auteur :  Duc de Raguse [ 31 Oct 2021 18:22 ]
Sujet du message :  Le "gaullisme social"

De nombreux témoins et/ou auteurs ont tenté de traduire la pensée de Charles De Gaulle avant et, surtout, après sa mort.
Du RPF au RPR - je n'évoque pas l'UMP, postérieur à la limite temporelle du forum - des partis politiques ont également tenté de développer les idées de De Gaulle - qui n'aimait pas vraiment parler de "gaullisme" - afin de construire des programmes de gouvernement, à des époques et dans des contextes très différents, bien entendu.
Si le RPF et son fondateur refusent d'entrer dans le clivage traditionnel gauche-droite, depuis la mort de De Gaulle, ses successeurs (surtout Pompidou et Chirac) "normalisent" le programme du parti "gaulliste", afin de l'aligner sur les partis classiques de la droite européenne dans les années 1970-1980. Ainsi, le parti gaulliste entre-t-il dans un tournant libéral à cette époque, ce qui n'empêche pas que des "gaullistes de gauche" (UDT au départ) existent encore, tout comme des "gaullistes sociaux".
Concernant ces derniers, certaines mauvaises langues disaient qu'ils n'étaient finalement que les seuls personnes de droite qui acceptaient de discuter avec les organisations syndicales dans l'optique de régler certains problèmes sociaux. Au-delà de certaines personnalités - comme un Chaban-Delmas ou un Seguin - marquantes et connues de ce courant au sein de la nébuleuse gaulliste, que recouvrent concrètement les idées et les programmes de ce qui a été nommé le "gaullisme social" ?

Auteur :  LCL_511 [ 31 Oct 2021 19:07 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Le nom de Marie-France Garaud mérite d'être évoqué lorsqu'on parle de "gaullisme social", non ?

LCL 511

Auteur :  marc30 [ 31 Oct 2021 19:25 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Le gaullisme social avait u e double origine
- la doctrine sociale de l'Église qui voulait limiter la course au profit et l'individualisme en promouvant la coopération entre capitalistes et salariés
- les gaullistes venus de la gauche, méfiants à l 'égard du patronal et désireux d'améliorer les conditions de vie des classes populaires.

Cette problématique s'est peut-être évaporée pour les raisons suivantes (je propose sans afficher de certitude)
- l'extension de la protection sociale est devenue un acquis partagé par tous les partis
- la marginalisation du PCF et des idées marxistes a fait reculer le concept de lutte des classes - et à banalise l 'idée que salariés et direction poursuivent le même but
- le choix d'un pilotage des entreprises par les marchés financiers exclut désormais toute alliance capital travail.

Bref soit les idées du gaullisme social sont devenues banales- soit elles sont devenues impossibles à mettre en oeuvre

Auteur :  Pierma [ 31 Oct 2021 19:44 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

marc30 a écrit :
- la marginalisation du PCF et des idées marxistes a fait reculer le concept de lutte des classes - et à banalise l 'idée que salariés et direction poursuivent le même but

Je n'ai jamais vu une usine (mais ça peut exister dans des TPE, je pense) où les ouvriers partageaient massivement ce sentiment.

Citer :
Bref soit les idées du gaullisme social sont devenues banales- soit elles sont devenues impossibles à mettre en oeuvre

A part la généralisation de la protection sociale, évoquée plus haut, je crains que votre seconde hypothèse soit la bonne. Sans certitude absolue non plus.

Auteur :  Barbetorte [ 01 Nov 2021 15:24 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Je crois que la grande idée de de Gaulle en matière sociale était la Participation qui a fait l’objet d’une ordonnance en 1967. Pompidou ne devait pas être très enthousiaste.
Il en est résulté un intéressement des salariés aux résultats de l’entreprise mais je crois que de Gaulle voulait aller bien au-delà, vers une sorte de cogestion à l’allemande.
Cela ne s’est pas fait pour deux raisons.
Le patronat français n’est pas du tout disposé à partager ses pouvoirs avec les salariés.
Les salariés français et les syndicats qui les représentent ne sont pas du tout disposés à partager une responsabilité de gestion avec le patronat.

Auteur :  Jerôme [ 01 Nov 2021 16:45 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Je crois que l ordre est inverse : intéressement en 1959 et participation en 1967.

Pour le reste je partage cette analyse. Il me semble que le sujet a déjà été évoqué il y a quelques années sur le forum.

Si on veut élargir le sujet, il faudrait aussi parler du gaullisme de gauche : est il synonyme de gaullisme social ?

Auteur :  Pierma [ 01 Nov 2021 17:27 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Barbetorte a écrit :
Je crois que la grande idée de de Gaulle en matière sociale était la Participation qui a fait l’objet d’une ordonnance en 1967. Pompidou ne devait pas être très enthousiaste.

En 67, Pompidou interrogé par un visiteur sur les objectifs à terme de De Gaulle sur la participation, fait le geste de se vriller la temps avec l'index, sans ajouter un mot. (Lacouture, vous l'auriez deviné ! :wink: )

En même temps Pompidou, ancien fondé de pouvoir à la banque Rotschild, donc banquier d'affaire, ne pouvait pas approuver. Je trouve que c'est même une erreur de De Gaulle que d'avoir voulu promouvoir la participation avec Pompidou comme premier ministre. (En même temps, est-ce une priorité, réellement, pour De Gaulle ? A cette période il mène une politique étrangère qui lui semble essentielle, en particulier vis-à-vis de l'Est. Une politique visionnaire, prophétique, mais qui a trente ans d'avance, et ne donnera rien. Franchement en 67 il aurait dû s'intéresser davantage aux problèmes domestiques, il aurait peut-être pu éviter la catastrophe politique qui couvait...)

Citer :
Il en est résulté un intéressement des salariés aux résultats de l’entreprise mais je crois que de Gaulle voulait aller bien au-delà, vers une sorte de cogestion à l’allemande.
Cela ne s’est pas fait pour deux raisons.
Le patronat français n’est pas du tout disposé à partager ses pouvoirs avec les salariés.
Les salariés français et les syndicats qui les représentent ne sont pas du tout disposés à partager une responsabilité de gestion avec le patronat.

Soit deux bonnes raisons pour l'imposer, le conflit médiéval entre patrons et salariés aurait pu évoluer vers davantage de dialogue.

Sans parler totalement de "cogestion", on aurait pu imaginer une présence, élue par les salariés, de délégués du personnel... au Conseil d'Administration ! 8-|

(Je parle sérieusement. Bien entendu les actionnaires privés seraient allés discuter ailleurs entre eux des options stratégiques à prendre - il se dit des choses très confidentielles et sensibles, dans un CA - mais ils auraient eu une obligation minimale d'informer les salariés sur ce qu'ils avaient en tête, et pourquoi pas, auraient pu prendre en compte certaines remarques émanant des discussions que cela aurait déclenché parmi le personnel.)

Mais je rêve : le Comité d'Etablissement ne verra le jour que l'année suivante, glissé par la CFTC dans le paquet de concessions consenties à l'occasion des Accords de Grenelle, au moment de la Grande Peur... :mrgreen:

De Gaulle : "Ce pays ne fait des réformes qu'à l'occasion des révolutions !"

Mais peut-être justement De Gaulle aurait-il pu tenter ça, en 67, ce qui aurait été une réforme historique. Ou encore, tant qu'à perdre un référendum la tête haute, aurait-il pu le proposer au référendum de 69, à la place d'une réforme du Sénat un peu sibylline pour le grand public.

On imagine les cris du patronat et le dédain automatique du PCF - on n'aide jamais, par principe révolutionnaire, le capitalisme à se réformer, donc "poudre aux yeux", "piège tendu à la classe ouvrière", bla bla bla... on les connait - mais c'était passer par dessus les appareils pour une proposition directe faite au peuple, que l'idée étonnante pouvait intéresser : n'est-ce pas l'esprit même du gaullisme que d'en appeler au peuple "dans ses profondeurs" ?

Après, un pays qui impose deux délégués du personnel au CA, pour les Américains c'est un soviet, avec des réactions effrayées très prévisibles, qui n'auraient pas forcément favorisé l'investissement étranger en France, mais qui peut prévoir comment cela aurait évolué avec le temps ? (Personne ne se choque plus, aujourd'hui, de l'existence du CE et de l'obligation d'informer le personnel des changements majeurs...)

Auteur :  Jean-Marc Labat [ 01 Nov 2021 18:31 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

A cette époque, il était question en Allemagne de la codétermination, improprement dite cogestion en France, qui sera instituée qu'en 1976 par Helmut Schmidt. L'obstacle principal en France était l'orientation anti-capital des syndicats qui se voulaient toujours révolutionnaires alors que les syndicats allemands ne refusaient pas le marché. Cela a certainement joué dans la réaction de Pompidou.

Auteur :  Jerôme [ 01 Nov 2021 18:52 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Jean-Marc Labat a écrit :
A cette époque, il était question en Allemagne de la codétermination, improprement dite cogestion en France, qui sera instituée qu'en 1976 par Helmut Schmidt. L'obstacle principal en France était l'orientation anti-capital des syndicats qui se voulaient toujours révolutionnaires alors que les syndicats allemands ne refusaient pas le marché. Cela a certainement joué dans la réaction de Pompidou.



Sans être un spécialiste du sujet, je crois plutôt que Schmidt avait généralisé une procédure mise en place après-guerre dans certains grands groupes.

Et il ne faut pas oublier que l'Allemagne vit sous un régime de syndicat unique à forte coloration corporatistes (ex : IG Metal) alors qu en France, il y aurait eu de vraies campagnes électorales avec le risque d avoir des administrateurs CGT élus avec 51% des voix entrant au CA ...aurait il du dire " nous sommes ici par la volonté du peuple".

Je crois bien que la CGT n'était pas chaude.

Auteur :  Duc de Raguse [ 01 Nov 2021 19:34 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Sans être expert sur le sujet, nous touchons dans ces derniers échanges à ce qu'il me semble être des idéaux des "gaullistes de gauche".
Le "gaulliste social" ne prétend pas remettre en cause le système économique capitaliste (les "gaullistes de gauche" n'en sont pas loin, puisqu'ils prétendent dépasser par la participation la lutte des classes), mais plutôt le réguler - ce qui pourrait être compris comme une politique keynésienne de redistribution des richesses produites, en fonction de critères sociaux bien précis.
Le "gaulliste social" cherche à faire cohabiter une vision autoritaire du pouvoir, découlant directement de la souveraineté nationale, avec une politique sociale efficiente, afin de lutter contre la paupérisation. Il n'est pas hostile à certaines réformes de société, qui prennent en compte les aspirations profondes des citoyens. Il est bien entendu hostile à une dilution de la nation française dans une construction européenne fédérale et une mondialisation libre-échangiste et libérale.
Certains ont vu dans ce courant une réminiscence du bonapartisme politique (surtout du Second Empire), autrement dit d'une forme de "césarisme démocratique". Il me semble qu'un Philippe Séguin n'aurait pas rougi de la comparaison.

Auteur :  Pierma [ 01 Nov 2021 20:06 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Jerôme a écrit :

Je crois bien que la CGT n'était pas chaude.

Bien entendu. Ce que j'ai dit pour le PCF vaut pour la CGT. (à l'époque Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, fait partie du Comité Central du PCF, un lien dénué d'hypocrisie...) :mrgreen:

En Allemagne les choses se passaient différemment, les syndicats étaient puissants et écoutés, avec un taux de syndicalisation très élevé, et donc le patronat devait s'y adapter.

(Mais au contraire de la France, il n'y avait pas de communistes en Allemagne, sinon de façon groupusculaire.)

Auteur :  Jean-Marc Labat [ 02 Nov 2021 8:03 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Pierma a écrit :
(Mais au contraire de la France, il n'y avait pas de communistes en Allemagne, sinon de façon groupusculaire.)


Le KPD est interdit en RFA de 1956 à 1968.

Auteur :  bourbilly21 [ 02 Nov 2021 8:37 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Dans mes bribes de souvenirs qui affluent
René Capitant
exemple de gaulliste de gauche

Auteur :  Jadis [ 02 Nov 2021 9:59 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Très beau sujet d'histoire, qui alimente pas mal les débats d'actualité... :rool:

Duc de Raguse a écrit :
Si le RPF et son fondateur refusent d'entrer dans le clivage traditionnel gauche-droite, depuis la mort de De Gaulle, ses successeurs (surtout Pompidou et Chirac) "normalisent" le programme du parti "gaulliste", afin de l'aligner sur les partis classiques de la droite européenne dans les années 1970-1980.

C'est tout à fait vrai, dès l'expérience de l'Union gaulliste (1946), qui précède de quelques mois le Rassemblement du Peuple Français (1947), l'idée est de dépasser les partis et le clivage droite-gauche... mais les chapelles existent bien entre une aile "de gauche" au sein de l'Action ouvrière du RPF et les tenants d'un anticommunisme féroce.

LCL_511 a écrit :
Le nom de Marie-France Garaud mérite d'être évoqué lorsqu'on parle de "gaullisme social", non ?

bourbilly21 a écrit :
Dans mes bribes de souvenirs qui affluent
René Capitant
exemple de gaulliste de gauche

Capitant, Vallon, Dechartre, Charbonnel, puis Séguin plus récemment, mais pas Marie-France Garaud pour moi, qui au contraire défend la ligne pompidolienne puis chiraquienne.

Jerôme a écrit :
Si on veut élargir le sujet, il faudrait aussi parler du gaullisme de gauche : est il synonyme de gaullisme social ?
Duc de Raguse a écrit :
Le "gaulliste social" ne prétend pas remettre en cause le système économique capitaliste (les "gaullistes de gauche" n'en sont pas loin, puisqu'ils prétendent dépasser par la participation la lutte des classes), mais plutôt le réguler - ce qui pourrait être compris comme une politique keynésienne de redistribution des richesses produites, en fonction de critères sociaux bien précis.

Il y a en fait plusieurs définitions qui correspondent à plusieurs périodes : les gaullistes de gauche de 1940-1944 (les hommes de gauche de la France Libre, car certaines personnalités de gauche de la France libre s'opposèrent au Général, cf le fil parallèle sur la politisation de la résistance), les gaullistes sociaux (les tenants de l'aile gauche du gaullisme dans l'aventure du RPF puis dans les années de pouvoir du Général de 1958 à 1969), enfin les gaucho-gaullistes (l'aile la plus dure, qui s'opposa à Pompidou et appela à l'union avec la gauche) et parallèlement les gaullistes de progrès (derrière Jean Charbonnel, qui en fut la grande figure jusqu'à l'émergence de Philippe Séguin dans les années 1980).

Auteur :  Camélinat [ 02 Nov 2021 11:41 ]
Sujet du message :  Re: Le "gaullisme social"

Je voulais demander si au final ce gaullisme social plutôt de droite ou de gauche ? On va me dire que le gaullisme prétend aller au delà du clivage gauche-droite, mais les gens qui se réclament de cette idéologie peuvent ils être qualifié d'aile gauche des mouvements gaullistes ?

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