Permettez-moi de m'immiscer dans la conversation.
La Flandre est effectivement colonisée par les Frisons au Vème siècle. Ils élèvent des digues artificielles pour assécher les terrains de l’Escaut à la Weser, sur l’Aa et l’Yser. Puis, ils s'implantent également dans le sud de l'Angleterre, d'où des liens privilégiés entre les deux secteurs et un dialecte d'origine anglo-frison (et non anglo-saxon). Au VIIème siècle, les missionnaires Francs échouent à évangéliser la Flandre et ce sont des missionnaires Anglo-saxons qui prennent le relais : les abbayes de Wormhout (fondée en 685 par le breton Saint Winoc) et de Samer (697, par l'Anglo-saxon Saint Wulmar) par exemple.
En 689, Pépin II le Jeune, de Herstal, prend Dorestad, alors capitale de la Frise, puis Utrecht entre 690 et 692. Les Frisons sont alors refoulés au nord de l’embouchure du Rhin (nos actuels Pays-Bas, néerlandophones). Charles Martel, son successeur, soumet en 734 le reste de la Frise au pouvoir des Francs et les terres sont partagées en plusieurs grands domaines. La future Flandre, prenant le nom de Belgique Seconde, fait alors partie de l’héritage des rois carolingiens. Les liens linguistiques avec les danois sont évidents... mais je ne pense pas que cette piste de l'héritage culturel soit la bonne.
Vers 820, les danois commencent à piller la Flandre. A partir de 837, Baudouin Ier, forestier du marquisat, mène une lutte active contre les normands pour Charles le Chauve. Son fils, Baudouin II, fera de même : Au printemps 879, les pillards remontent l’Escaut. Ils hivernent dans la région de Gand en 879-880, puis ils établissent un camp fortifié à Courtrai, d’où ils attaquent les bourgs et les monastères des environs : Saint-Bertin, Thérouanne, Saint-Riquier, Tournai notamment. En 880, un autre bande incendie Cambrai et pille Arras. Les raids se succèdent : 885, ils remontent la Scarpe avant d’hiverner à Courtrai. 891, le chef normand Rollon attaque Saint-Bertin, mais la population résiste et parvient à repousser les assaillants.
Oostburg, Aardenburg, Furnes, Bergues, Boubourg, Ypres et Courtrai sont alors fortifiées, auquel il faut ajouter Gand et Bruges, fortifiés par Baudouin Ier. Cette fortification de la région est caractéristique de l’époque de Baudouin II. Elle est à rapprocher de l’édit de Pîtres (862-864) et de la pratique d’Alfred le Grand, roi de Wessex et beau-père de Baudouin II, qui organisa la défense de son royaume contre les Danois.
Après la déposition de Charles le Gros, Baudouin II, d’ascendance carolingienne par sa mère, soutient la cause de Charles le Simple et s’oppose alors à Herbert II de Vermandois, qui lui reconnaît Eudes. En 911, lorsque Rollon est installé dans ce qui deviendra la Normandie, la Flandre est toujours en lutte contre Charles III. Baudouin II ira même jusqu'à préférer se marier, nous l'avons vu, à Elstrude d’Angleterre (princesse de Wessex) plutôt qu'à une princesse du continent.
En conclusion, je pense que la Normandie n'est pas dans le Nord-Pas-de-Calais parce que Eudes était en guerre avec le comte de Flandre à ce moment. Pour le remercier de son soutien, Charles le Simple ne pouvait pas confisquer ses terres à Baudouin II pour les remettre à Rollon...
En épilogue, sur les conflits entre la Flandre et la Normandie, Guillaume Longue-Epée reprend vers 930 les raids au sud du comté de Flandre. L’objet de la dispute est cette fois la nomination de Louis IV d’Outremer (fils de Charles le Simple) à la tête du royaume Franc... Comme quoi, la création de la Normandie ne s'est pas faite sans mal.
A lire sur le sujet : E. Le Glay, Histoire des comtes de Flandre, tome I, Lille 1886 (cela ne nous rajeunit pas...) S. Lebecq, Marchands et navigateurs frisons du Haut Moyen-Age, Tome 1, Lille 1983 A. Lottin, Histoire de Boulogne-sur-Mer, Lille 1983
PS : on ne parles de Flandres (au pluriel) qu'à partir de l'époque moderne, lorsqu'elle sera divisée entre Pays-Bas espagnols et Pays-Bas méridionaux.
_________________ Celui qui est prêt à sacrifier un peu de liberté pour obtenir un peu plus de sécurité ne mérite vraiment ni l'une, ni l'autre. (Benjamin Franklin)
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