Encore une fois, je pense que vous faites quelques anachronismes.
Quand vous dites ceci, par exemple : "Lever les impot, si c'est pour de l'enrichissement personnel ce n'est plus au service de la puissance publique." C'est un anachronisme car pendant très longtemps, il n'y a pas de séparation nette entre les biens personnels d'un noble et les biens publics qu'il gère. Il tient la terre en son nom. Mais
personnalisation du pouvoir ne veut pas dire
privatisation : le roi lui même ne fait pas cette distinction. Sous l'empire romain même, un gouverneur de province était personnellement responsable des décisions qu'il prenait au nom de Rome.
En fait, un noble n'est pas qu'un simple fonctionnaire. Il tient une terre, y a des droits, des pouvoirs, parce qu'il a une
nobilitas, une valeur personnelle. C'est cette valeur, qui se transmet dans une famille, qui explique la dévolution par le roi d'une partie des pouvoirs régalien : justice, armée, impôts. Cette personnalisation du pouvoir mène à une plus grande fragmentation du territoire, qui se retrouve, au XIIe siècle, pratiquement semé de principautés. Mais cela reste un système d'Etats : ces Etats se faisant la guerre, parfois, pour trouver une place dans ce système. C'est donc une erreur que de chercher l'Etat seulement où se trouve le roi : ces "Etats féodaux", ces quasi principautés arrivaient parfaitement à fonctionner et à fournir protection et richesses à leurs habitants.
Quand à ce que vous appelez "service public", c'est à dire l'entretien des routes, etc... Tout cela a toujours été dévolu à la communauté. Que ce soit la petite communauté villageoise, ou la ville avec son système de fonctionnement propre (Évêché, nobilité ou échevinage, par exemple).
Enfin, les "devoirs" de la
Res Publica ne sont absolument pas les même que ceux de l'Etat aujourd'hui. Ce que doit faire la Res Publica romaine, c'est de préserver la liberté des citoyens. Mais pour préserver cette liberté, on peut passer par des moyens privés : il suffit pour s'en convaincre de lire les premières lignes des
Res Gestae d'Octave Auguste.
Citer :
À l'âge de dix-neuf ans, j'ai levé une armée à titre privé et à mes frais, avec laquelle j'ai rendu la liberté à la Res publica opprimée par la tyrannie d'une faction.
Voila : Armée privée (c'est à dire à ses frais) pour une mission d'ordre publique : rendre la liberté à la res publica. C'est Octave Auguste qui, en SON nom, a servi l'Etat.
On peut voir la noblesse un petit peu de la même façon : un pouvoir personnel pour un service du bien commun.