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La notion de puissant est relative chez les scandinaves aux IXème siècle. Rien à voir avec la Potestas et l'auctoritas du monde carolingiens hérités de Rome.
Oui, c'est ce que je dis dans mon précédent post, mais il y a tout de même des puissants en Scandinavie, et ce bien avant la période viking (les nécropôles de Vendel et Valsgard, en Suède, et leurs magnifiques casques, en sont un exemple). La société est hiérarchisé, bien qu'effectivement, très peu rigide, surtout en comparaison des autres peuples de l'époque.
Le puissant est celui qui s'est attiré une réputation qui lui confère influence et pouvoir. On voit un puissant à l'importance de sa suite, à ses largesses (il maintient ladite suite auprès de lui par un système de dons en échange de loyauté et de service). C'est une sorte de clientélisme en fait, directement hérité des civilisations germaniques (et celtes, puisque dans l'antiquité, ces deux ensembles de peuples se distinguent très peu l'un de l'autre, hormis par la langue) de l'antiquité.
Donc effectivement, tout homme libre peut prétendre à un statut plus élevé s'il parvient à rassembler autour de lui suffisamment d'hommes (de clients), et pour cela, il faut des richesses, qu'elles soient foncières, commerciales, martiales (issues du pillage). C'est simplifier, mais je pense qu'on ne s'éloigne pas trop du système aristocratique en Scandinavie à l'époque.
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. Il n'y a pas de lignage de la noblesse
Là par contre, je serais beaucoup plus nuancé. Ça n'est pas parce que tout homme libre peut améliorer son statut que ce dernier ne se transmet pas par hérédité. Comme ce système aristocratique se base, finalement, sur un patrimoine (qui permet d'entretenir une réputation, et donc une influence), celui-ci se transmet, ainsi que les fidélités qui vont avec.
Les limites hiérarchiques sont très floues pour la société scandinave de la période viking. Entre les petits Boendr non propriétaires, les boendr propriétaires, ceux qui détiennent un statut aristocratique (hersir, jarl, même si on ignore de quand date ces titres et quelle réalité ils revêtaient...), on a du mal à voir comment ces catégories sociales s'imbriquaient les unes dans les autres.
On a par contre des traces de véritables lignées aristocratiques dès le début de la période viking (VIIIème- IXème siècle): les rois du Vestfold, d'où sont issus plus tard les rois de Norvège, les jarl de Lade et d'autres.
Malheureusement, ici encore, les sources sont tardives et islandaises. Mais les puissantes familles de propriétaires islandaises du XIIIème siècle ne fonctionnaient certainement pas très différemment que les clans scandinaves de la période viking.
En parlant de clans, on ne sait pas bien non plus quelle réalité ils revêtaient pour la période viking. Ils étaient certainement hérités du système clanique germanique antique, mais la société scandinave était bien plus complexe, avec de nombreux cadres sociaux, économiques et politiques qui permettaient de s'émanciper de la structure rigide du clan. Je pense notamment aux liens d'homme à homme comme les suites guerrières des puissants, les associations commerciales, les expéditions vikings....Etc.
Mais la famille reste la base inébranlable de la société scandinave jusqu'à ce que la monarchie, et donc les prémices d'Etats centralisés, s'impose, notamment à l'aide du Christianisme, à partir des XIème, XIIème siècle (plut tôt pour le Danemark).
La religion a je pense joué un rôle fondamental. Dans le mélange de paganisme indo européen et de chamanisme qu'était la religion des anciens scandinaves, il n'y avait pas de prêtre. C'était une religion plus ou moins privée, les rites étant présidés par le godar, chef du clan (bien que des sites comme le temple d'Upsalla, décrit par Adam de Brême, pose question, mais on ne connait sinon aucune forme de temple ou autre lieu religieu public, en Scandinavie à l'époque, sinon d'éventuels lieux naturels sacrés). En religion comme en politique, il n'y a donc pas d'idée claire de l'exercice du pouvoir chez les scandinaves de l'époque. Le Christianisme change la donne en donnant à quelque puissant ambitieux un moyen d'établir un pouvoir en tant qu'institution, émanant de Dieu. C'est aussi pour cela que le Christianisme a mis très longtemps, par rapport au reste de l'Europe, pour s'imposer en Scandinavie. Il s'agissait de conceptions très éloignées. L'une "anarchique", où l'homme libre, dans le cadre strict de son clan, est souverain (d'où toute une idéologie de l'honneur et de la parole donnée), l'autre monolithique et centralisée, où tout pouvoir ne peut émaner que de Dieu.
Pourtant, si le pouvoir exécutif était quasi inexistant ou totalement informel (plutôt), le pouvoir législatif était lui au centre de l'organisation politique. Les assemblées, Thing, des hommes libres définissaient les lois et rendaient la justice. Les puissants y étiaient certainement prépondérants puisque par le jeu des clientélisme, chacun tentait probablement de rassembler le plus de personnes autour de son avis. C'est ce qu'on voit en Islande où ça tournait parfois à l'empoignade. Les lois Scandinaves donnent un aspect extrêmement moderne à la société de l'époque, avec des systèmes d'assurances, de compensations diverses. L'ensemble était très strict, et comme le dit Almayrac, ils étaient spécialistes pour chercher à savoir comment couper un cheveu en 4.
Cette structure législative et judiciaire très stricte était probablement née pour palier la violence qu'impliquait le système d'organisation clanique et les vendetta entre clans (un individu insulté pouvait entraîner des clans entiers dans de sanglantes querelles, qui elles-mêmes entrainaient de nouvelles querelles et de nouvelles violences, les guerres entre scandinaves étaient extrêmement fréquentes, bien que le mot "guerre" soit exagéré dans la plupart des cas. Une bataille en Scandinavie à l'époque implique tout au plus quelques centaines d'individus).
Malheureusement, là encore, les sources sont islandaises, et non traduites en français (les innombrables textes de lois). Mais pour une fois, on en a tout de même quelques-unes qui concernent la Scandinavie continentales.
On pourrait ainsi décrire la société scandinave de l'époque viking comme informelle et empirique, le tout tenant ensemble grâce à un système législatif très complexe et rigide. Les "vikings" avaient une véritable passion pour les lois et la législation. Là encore, quel rôle joue le petit bondi (homme libre) non propriétaire.... En théorie, probablement autant que n'importe qui, en pratique, par le jeu du clientélisme et des luttes d'influences, mais aussi des dépendances économiques diverses, les puissants devaient avoir d'avantage voix au chapitre. Mais c'était effectivement un pouvoir limité et fluctuant.