Jean-Marc Labat a écrit :
Châtillon a écrit :
On y apprend notamment qu'Hugues Capet est le premier roi à parler une langue romane, et Robert Ier serait le premier roi à ne pas connaître de langues germaniques.
Je l'avais vu, mais le grand mot est peut être. Nous n'avons aucune certitude.
Effectivement, le vidéaste d'ordinaire prudent multiplie ici les affirmations gratuites :
Les Mérovingiens sont issus de Childéric qui commandait les troupes germaniques du Nord de la Gaule, pour le compte du Romain Aegidius : il était certainement bilingue.
Il est possible que le francique ait été parlé en Neustrie par une mince partie de la population jusqu'aux VIIe ou VIIIe siècles, au-delà, c'est une affirmation hasardeuse. On sait que Chilpéric, roi de Soissons, ajouta des lettres à l'alphabet latin pour permettre de mettre par écrit les sons de la langue francique que l'on parlait dans son
regnum.
Il est vraisemblable que que les rois austrasiens natifs de ce
regnum n'eurent jamais à connaitre le proto-ancien-français. L'usage du latin étant réservé aux clercs et membres de la bureaucratie royale.
Affirmer que l'usage d'anthroponymes germaniques renvoient à l'usage d'une langue germanique est manifestement infondé. De manière générale, ces noms n'ont pas de sens, ils sont généralement composés de deux éléments générés de façon mécanique, mais ne sont pas porteurs de sens : Arnulfus signifie aigle-loup, Chramnulfus signifie corbeau-loup, ce qui ne veut rien dire... Les porteurs de prénoms bibliques à la même époque ne sont pas des Juifs et encore moins des hébraïsants. Il s'agit d'une mode rien de plus, comme aujourd'hui les prénoms irlandais portés par des individus dont les parents ne connaissent pas le gaélique.
Venons en aux souverains :
Les rois mérovingiens de Neustrie à partir du VIIe siècle vivent quasi exclusivement entre Somme et Loire, où les sujets parlent une langue romane, ils n'ont aucune raison de connaitre le francique et aucune occasion de le pratiquer, pourquoi le parleraient-ils ?
Charles Martel a été élevé entre la vallée de la Meuse (refuge de la latinité) et la vallée moyenne du Rhin, région germanophone, ces deux langues lui sont certainement familières, inutile d'affirmer qu'il est tout juste christianisé (son ancêtre agnatique est saint Arnoul, évêque de Metz !).
Charlemagne on le sait ne savait pas écrire le latin et sans doute aussi le francique, mais inutile de se référer à la mère Berthe pour affirmer qu'elle était germanophone. Son père fut comte de Laon et devait nécessairement parler le roman pour se faire comprendre de ses agents et de ses administrés.
Au IXe siècle, le bilinguisme semble se raréfier : en Gâtinais, Loup de Ferrières envoie son petit-neveu et deux autres enfants de l'aristocratie locale au monastère de Prüm pour y apprendre le germanique pour leur permettre d'envisager une carrière au service de la monarchie, preuve que cette langue n'est plus en usage entre Seine et Loire, voire même au-delà...
S'agissant des prince Robertiens, Robert le Fort quitte des rives du Rhin moyen dans les années 840, mais fait exclusivement carrière sur les rives de la Loire où il commande des troupes et des fonctionnaires locaux (vicomtes,
vicarii,
vassi dominici) qui parlent une langue romane. S'il ne fut pas bilingue, ses deux fils les rois Eudes et Robert vécurent exclusivement entre Seine et Loire et devaient plus parler l'ancien français que le germanique ; Hugues le Grand et Hugues Capet eurent le même parcours, quel que fut l'identité et l'origine géographique de leurs mères.