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Message Publié : 05 Mars 2020 8:17 
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Je souhaite lister de façon exhaustive toutes les sources historiques et archéologiques relatives à la langue (aux langues?) parlée par la grande population franque au VIe siècle


Voici ma liste actuelle:

La langue belge:

Dans ses Commentaires, Jules César commence par affirmer que les Belges, tout comme les Aquitains, diffèrent des Gaulois par « le langage, les institutions et les lois ». Il ajoute que les Germains vivent au-delà du Rhin. Si la grande population franque au VIe siècle ne vit pas au-delà du Rhin, peut-on dire qu'elle ne serait pas germaine au sens de César ?

Une langue germanique indéterminée:

Grégoire de Tours donne des noms de famille qui ressemblent à des mots de la langue Allemande actuelle.

Le vieux haut allemand (Althochdeutsch):

Des documents en langue vieux haut allemand sont produits à Cologne (de façon relativement proche de grande population franque au VIe siècle, dans l'espace et le temps)

La langue latine:

De nombreuses sources historiques démontrent l'intégration de francs dans le monde romain.

De plus de nombreuses fouilles archéolgiques démontrent cette intégration (par exemple un cimetière franc se trouve dans la très grande majorité des cas à proximité d'une ancienne villa romaine)


Une langue ou des dialectes parlés par la grande population franque au VIe siècle ?

Les fouilles archéologiques relatives à la grande population franque au VIe siècle montrent qu'elle est analphabète.

Ces fouilles montrent l'existence de centres de productions artisannaux (pas encore localisés précisément) en Belgique actuelle. Ces centres rayonnent par exemple par le commerce de la céramique. De façon concentrique, plus on se rapproche de ces centres, plus la technicité du mobilier funéraire est grande.

L'analyse fine des épées du point de vue de la technique métallurgique a démontré des imports depuis des centres (non localisés précisément vers le Danube) et les cloisonnés francs sont souvent apparentés à une production Danubienne. Ce qui va dans le cens de centres à rayonnement commerciaux.

D'autre part, l'alignement généralisés des tombes et les ressemblances fortes d'un cimetière franc à un autre démontrent des échanges nombreux et fréquents au sein de la grande population franque au VIe siècle.

A mon avis, on est dans la situations type de très nombreux dialectes apparentés avec une intercompréhension forte de proche en proche mais pas d'extrémité à extrémité.

A mon avis, la quasi absence d'organisation administrative et militaire à grande échelle, l'absence de centres de pouvoirs forts et l'analphabétisme génénéralisé ne vont pas dans le sens d'une langue unique.


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Message Publié : 05 Mars 2020 9:01 
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Voici ma tentative de syntèse au sujet de la langue de la grande population franque au VIe siècle et portant sur:

- La langue belge
- Une langue germanique indéterminée (Grégoire de Tours)
- Le vieux haut allemand (Althochdeutsch)
- La langue latine
- De nombreux dialectes apparentés

Ma synthèse doit absolument s'inscrire dans le consensus actuel qui attribue une langue germanique à la grande population franque au VIe siècle.

L'idée de nombreux dialectes apparentés et germaniques obéit à ce consensus, il reste alors à préciser ces dialectes.

On lit que le vieux haut allemand en général (et par conséquent celui écrit à Cologne au VIIème et VIIIème siècle) retranscrit le parlé à l'aide du latin.

Si l'on en expurge les mots latins (assez peu nombreux) et les structures de phrases empruntées au latin, on peut alors avoir une idée assez fine de la la langue parlée à Cologne au VIIème et VIIIème.

Il me semble permis de poser que ce parlé est en fait la langue belge évoquée par Jules Caesar.

Ce parlé ainsi défini va dans le sens d'une langue germanique indéterminée (Grégoire de Tours) et l'on reste bien sur l'idée du vieux haut allemand.

On en arrive alors à évoquer un situation sociolinguistique de diglossie où se trouvent deux variétés linguistiques coexistant sur un territoire donné:

- le latin comme langue supérieure
- des dialectes germaniques comme langue inférieure

La fonction de langue supérieure passant, fil du temps et selon les territoires, du latin à la langue d'oil ou bien aux variété régionales des langues germaniques.

Cela permet aussi d'aller dans le sens de l'hypothèse du vieux Flamand ou du vieux Neerlandais attribués souvent à la grande population franque au VIe siècle, si l'on considère les dialectes germaniques définis ci-dessus comme apparentés au vieux Flamand ou au vieux Neerlandais.

Apparentés dans le sens où le vieux haut allemand aura très fortement influencé le bas allemand.


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Message Publié : 09 Mars 2020 14:48 
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La compilation des Lois Ripuaires remonterait au règne de Dagobert Ier (629-639). On a pour son article III (page 273):

https://books.google.be/books?id=PmpGAA ... er&f=false

Citer :
Nous voulons que si un Franc, un Bourguignon, un Allemand, ou un individu d'une nation quelconque, établi dans le pays occupé par les Ripuaires (..)

Le mot latin est "Alamanni" (page 272), traduit ici par "Allemand", il me semble que c'est "Alaman" la bonne traduction.

Est-ce que les "Ripuaires" ne se considéraient pas comme des Francs dans cet extrait ?

Est-ce que ce partage en nations ou pays (Francs, Bourguignons, Allamans) peut informer sur les langues ?


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Message Publié : 09 Mars 2020 15:42 
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guy-s a écrit :
Le mot latin est "Alamanni" (page 272), traduit ici par "Allemand", il me semble que c'est "Alaman" la bonne traduction.


En fait, allemand et alaman descendant de alamanni, il est difficile de dire ce qui serait la bonne "traduction". Mais, ce qu'on nomme actuellement alamans corresponds plus aux allamani que le mot allemands.

guy-s a écrit :
Est-ce que ce partage en nations ou pays (Francs, Bourguignons, Allamans) peut informer sur les langues ?


Nations ou pays .... En fait, si vous prenez les notions modernes que recouvrent ces mots, cela ne veut rien dire. Le terme moderne le plus proche serait "peuple". En fait, dans le même "pays" (notion géographique), sous la domination du même État (notion politique), il y a différents peuples ou communautés qui sont soumis, selon les cas, soit à des lois différentes, soit à des lois communes... selon les droits qui sont reconnus, ou pas, aux différents peuples. Quant aux langues, cela peut être encore plus compliqué car certains peuplent peuvent être complètement acculturés au bout de quelques décennies.

Plus compliqué, on sait par des exemples plus tardifs qu'on peut plus ou moins se faire reconnaitre comme membre d'une autre communauté si l'on réponds à certains critères. Mais, comme on n'a pas assez de documents sur ces périodes, il est difficile de savoir si l'appartenance à une communauté est définitive ou pas au fil des générations.

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Message Publié : 09 Mars 2020 15:58 
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Il me semble que vous faites plusieurs erreurs de méthodologie, à force de vouloir prouver un point qui ne repose pas sur les sources.
Exemples ?

guy-s a écrit :
On lit que le vieux haut allemand en général (et par conséquent celui écrit à Cologne au VIIème et VIIIème siècle) retranscrit le parlé à l'aide du latin.

Si l'on en expurge les mots latins (assez peu nombreux) et les structures de phrases empruntées au latin, on peut alors avoir une idée assez fine de la la langue parlée à Cologne au VIIème et VIIIème.

Il me semble permis de poser que ce parlé est en fait la langue belge évoquée par Jules Caesar.


Non. Les mouvements de population et les changements sociétaux très importants subis par la Gaule belgique entre le Ier siècle avant notre ère (César) et le VIIe siècle de notre ère ne permettent absolument pas de "poser que ce parlé est en fait la langue belge évoquée par Jules Caesar".
C'est même le contraire : il est douteux qu'elles soient similaires, le parler belge étant probablement celte quand la langue de Cologne vers 750 doit être un agrégat de parlers vernaculaires fortement teinté de germanique mâtinés de latin.
A titre de comparaison, puisque vous comparez une zone géographique à 800 ans de distance, imaginez que la langue d'une société restée relativement homogène culturellement comme le français était totalement différente en 1200 de celui qu'il est aujourd'hui. Si vous incorporez les immenses changements démographiques subis par la Gaule belgique entre -50 et 750, il est très douteux que les modifications linguistiques aient eu une ampleur moindre. C'est tout le contraire.

guy-s a écrit :
A mon avis, la quasi absence d'organisation administrative et militaire à grande échelle, l'absence de centres de pouvoirs forts et l'analphabétisme génénéralisé ne vont pas dans le sens d'une langue unique.


Cela dépend de quel agrégat vous parlez. Les "hommes libres", francs, qui constituent l'épine dorsale des royautés franques du Ve au VIIe siècles, parlaient vraisemblablement une langue commune germanique dérivée de celle des Francs d'origine. Les populations conquises, qui parlaient au moins le latin (a minima pour les érudits et les milieux sociaux intégrés à l'Empire) et les langues vernaculaires locales (que le latin n'a jamais cherché à évincer), n'ont vraisemblablement pas supprimé leurs pratiques linguistiques du jour au lendemain. S'en est suivi une processus mutuel d'acculturation (qui, en raison du volume et de l'inertie, a débouché sur l'éviction de la majeure partie du franc germanique au profit du vieux français, langue latine mâtinée d'apports variés dont germaniques). Mais ce processus a sans doute pris plusieurs décennies.
Le royaume franc est très intégré militairement, ce qui explique les succès nombreux remportés par les armées franques pendant 200 ans. Sauf qu'il semble probable que les combattants en aient été initialement des "hommes libres", donc des Francs, et que la fusion avec les populations conquises et dominées ne s'est réalisée que progressivement.

Une comparaison intéressante, sur le plan démographique plus que linguistique je le crains, est la quasi-disparition de la noblesse franque en Germanie après le désastre militaire de Lechfeld en 910 (et son remplacement par une noblesse véritablement germanique, cruciale dans l'avènement du saint Empire romain germanique sous une dynastie indigène, celle des Ottoniens, qui se substitue aux Francs carolingiens un demi-siècle plus tard).

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Message Publié : 09 Mars 2020 16:42 
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CEN_EMB a écrit :
Le royaume franc est très intégré militairement, ce qui explique les succès nombreux remportés par les armées franques pendant 200 ans. Sauf qu'il semble probable que les combattants en aient été initialement des "hommes libres", donc des Francs, et que la fusion avec les populations conquises et dominées ne s'est réalisée que progressivement.



CEN EMB


Les libres qui n'étaient pas Francs au sens germanique du terme participaient aux expéditions militaires et étaient tenus de le faire. Les Francs n'ont pas dépossédé les élites gallo-romaines, un pur produit de cette noblesse comme Grégoire de Tours se considère comme Franc. C'est ce qui a donné la supériorité sur leurs adversaires, les Italiens n'avaient pas le droit de servir dans l'armée gothe ou plus tard lombarde, les Ibériques dans l'armée wisigothe et les habitants de la province d'Afrique n'avaient pas le droit de servir dans l'armée vandale. Ajoutons que les mariages entre Gallo-Romains et Francs étaient autorisés etr qu'il n'y avait pas de différence de religion, alors que chez les Goths, les Wisigoths, les Vandales et les Lombards, ces mariages étaient prohibés par la loi, et aussi par la différence de religion. C'est une des particularités franque d'avoir fusionné rapidement avec la noblesse Gallo-Romaine au point que bien malin est celui qui reconnait les deux "ethnies" passé un siècle.

Lors des règnes de Pépin le Bref et de Charlemagne, les différentes régions n'étaient pas forcément mobilisées en même temps, l'Austrasie le fut plus souvent car le "front" était plus proche à cause de la Saxe, mais les Neustriens et les Aquitains participèrent à l'expédition espagnole, les Lombards contre les Avars.

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Message Publié : 09 Mars 2020 17:08 
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Bien compris, merci de cette précision. Afin d'être clair, je n'en doutais pas. Lorsque j'ai dit :
CEN_EMB a écrit :
Le royaume franc est très intégré militairement, ce qui explique les succès nombreux remportés par les armées franques pendant 200 ans. Sauf qu'il semble probable que les combattants en aient été initialement des "hommes libres", donc des Francs, et que la fusion avec les populations conquises et dominées ne s'est réalisée que progressivement.
j'ai bien parlé d'"initialement" (sous Clovis voire avant) et que ça se lissait ("progressivement").

Cela n'enlève rien à mon point : la "fusion" entre les Francs et les Gallo-Romains a pris quelques décennies à tout le moins, particulièrement en ce qui concerne la langue. Et surtout, dire qu'il n'y a pas d'organisation militaire à grande échelle dans le royaume de Clovis ou même celui de Dagobert me semble erroné.

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Message Publié : 09 Mars 2020 17:16 
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Il y a bien sur le droit de ban qui s'impose à tous les libres par l'intermédiaire du comte ou du duc, mais beaucoup d'expéditions sont mal commandées avec des troupes d'une indiscipline phénoménale. Ce sera moins le cas sous les Carolingiens, mais l'armée est moins nombreuses et gagne en cohésion.

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Message Publié : 09 Mars 2020 17:33 
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Oh, des problèmes de ce genre, il y en a dans toutes les armées médiévales, à des niveaux divers. Je prends pour juger les résultats nets : les armées franques gagnent leurs guerres jusqu'au début du VIIe siècle, et ce qui gêne les opérations militaires après, ce ne sont pas des difficultés d'organisation per se, mais les conflits internes.

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Message Publié : 11 Mars 2020 9:40 
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Citer :
C'est même le contraire : il est douteux qu'elles soient similaires, le parler belge étant probablement celte


Effectivement, Jules César affirme que les Belges diffèrent des Gaulois par le langage sans préciser s'il s'agit de peuples belges germaniques comme les Bataves, les Tongres , les Cugernes , les Ubiens , les Ménapiens ou les Trévires(?) ou non.

Citer :
quand la langue de Cologne vers 750 doit être un agrégat de parlers vernaculaires fortement teinté de germanique mâtinés de latin.


Est-ce que le mot "germanique" ci-dessus se comprend dans le sens du "germanique" ou "proto-germanique" tel que reconstruit par les indo-européaniste ?

Ou bien est-ce l'idée que le vieil haut allemand est la langue mère de toutes les langues germaniques, en comparaison avec le latin qui est la langue mère de toutes les langues romanes ? Dans cet hypohèse, le viel haut allemand ce serait diffusé à partir de son foyer originel (vers St Gallen) du Sud vers le Nord, tout comme le latin s'est diffusé à partir de Rome.

Dans l'hypothèse indo-européaniste comment affecter on non une aire géographique, celle de Cologne, à une langue reconstruite ?

Dans l'hypothèse du vieil haut allemand comme langue mère, doit-on inclure ou non Cologne au VIème siècle dans sa zone d'expension. (L'hypothèse du vieil haut allemand comme langue mère semble provenir de l'université Suisse Allemande)


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Message Publié : 11 Mars 2020 9:59 
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Je n'ai pas d'hypothèse à fournir, n'étant pas linguiste ni même philologue, mais depuis le IIIe siècle au moins (en fait bien plus tôt mais en quantités bien moindres) les peuples germaniques d'Outre-Rhin déferlent sur le Rhin et s'installent, avec l'accord des Romains d'abord, par la force après 406, à l'ouest du Limes rhénan (donc dans la région de Cologne). En 750, il ne fait aucun doute que ces peuples ont métissé avec les indigènes romanisés de Germanie inférieure (province dont Cologne est la capitale), d'autant plus que rien ne prouve que les indigènes de cette province lors de l'installation romaine dans la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère ne parlaient pas une langue germanique (ce qui est probable puisqu'ils appartiennent aux ou sont en contact régulier depuis longtemps avec les tribus combattues par Tibère, Drusus et Germanicus pendant le Principat d'Auguste et sous celui de son successeur - les "peuples germains du Rhin et de la Weser" : Chamaves, Bructères, Marses, Usipètes, Sicambres, Mattiaces, Chattes...).
Ergo, vu les mouvements de populations germaniques d'est en ouest depuis des siècles, le parler de Cologne en 750 a indubitablement incorporé des éléments germaniques en quantité significative, s'il n'est pas lui-même issu directement d'une langue germanique mâtinée de latin.

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Message Publié : 13 Mars 2020 10:46 
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Effectivment, l'approche historique, dont la vôtre, apporte le meilleur éclairage. En partant de ces peuples, par exemple:
Citer :
les "peuples germains du Rhin et de la Weser" : Chamaves, Bructères, Marses, Usipètes, Sicambres, Mattiaces, Chattes.

et plus généralement pour l'antiquité, il me semble que l'archéologie permet de distinguer un peuple germain d'un peuple non-germain sur ces deux critères:
- les fouilles se situent dans ou à proximité du territoire qui est identifié comme la Germanie
- l'absence ou la rareté d'objets romains

De même pour le haut moyen-âge, il me semble que l'archéologie permet de distinguer les peuples germains des non-germains au règne de Dagobert Ier (629-639), par exemple. Les fouilles permettant, il me semble, de caractériser chaque peuple. Les lois ripuaires listent, me semble-t'il, ces peuples germains.
Citer :
Nous voulons que si un Franc, un Bourguignon, un Allemand (..), ou un individu d'une nation quelconque, établi dans le pays occupé par les Ripuaires (..)


Cependant, il me semble que l'archéologie ne permet pas de définir des critères communs à l'antiquité et au haut moyen-âge pour classer un peuple en germain ou non-germain. Il me semble que les seuls points communs entre un peuple germain de l'antiquité-tardive et un peuple germain du haut moyen-âge sont immatériels: s'agit-il uniquement de la langue ?

Est-ce que l'extrait ci-dessous du texte de l'historienne Mme. Magali Coumert apporte une réponse à ma question ?

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00967380/document
Citer :
De telles recherches montrent l’inadéquation des concepts utilisés depuis la
Renaissance; elles incitent à abandonner comme anachronique le terme même de
Germains, car il fut quasiment absent des débats entre le Ve et le XVe siècle.

Il y eut néanmoins dans la première moitié du IXe siècle une première formulation de
l’hypothèse d’une origine et d’un destin communs des Germains, qui s’appuyait sur la
reconnaissance de leur parenté linguistique. Raban Maur et ses élèves jouèrent un rôle
déterminant dans l’élaboration puis la disparition de cette hypothèse érudite, que je
souhaite étudier ici.


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Message Publié : 13 Mars 2020 10:59 
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Pour le coup, le regroupement de ces tribus en un ensemble homogène, germain, nous vient vraisemblablement des Romains. Il est probable qu'ils le firent en raison d'une parenté culturelle, linguistique, mais qu'elle n'est effectivement pas scientifique. Pour preuve, les Gaulois n'existent que parce que les Romains ont appelé cette partie du monde celte Gallia. Il n'y avait guère de différences entre un Vénète (de Gaule), un Lingon (de Belgique) ou un Atrébate (de Bretagne), ils appartiennent pourtant à des ensembles administratifs romains bien différenciés.

J'imagine cependant, sans certitude par défaut d'érudition sur le sujet, que le matériel archéologique disponible a permis de confirmer cette parenté de tribus germaniques, d'autant plus probables compte tenu de la proximité géographique desdites tribus. Leur fréquentation assidue par les Romains (qui les recrutent massivement dans leurs armées à partir du Ier siècle avant notre ère et tentent de les incorporer à l'Empire sous le principat d'Auguste, pénétrant jusqu'à l'Elbe) a également sans doute permis de constater une similitude linguistique qui a entraîné ce regroupement, sinon, il est probable que les Romains les auraient distingué.

Pour le reste, les processus d'acculturation/brassage linguistiques sont bien connus et modélisés. Si le "Drang nach Westen" des peuples barbares, sous la pression des Huns, à partir du IIIe siècle, a pu altérer les traits culturels d'un ensemble germanique à définir, il est douteux qu'elle les fait disparaître totalement (d'autant plus que les groupes ethno-linguistiques mongoloïdes puis turcoïdes arrivent plus tard et qu'initialement, ce sont des peuples germaniques ou identifiés tels quels qui déferlent - Goths, Alamans, Burgondes, Francs, Saxons, etc.).
Il est très douteux que les Francs aient été un isolat linguistique au milieu d'un ensemble germanique. Le plus probable, rationnellement (mais à confirmer scientifiquement) est bel et bien que ce soit une peuplade germanique et je suis à peu près persuadé que le matériel archéologique fiable que l'on détient sur les Francs à partir du IIIe siècle de notre ère permet de le confirmer aisément.

CEN EMB

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Message Publié : 13 Mars 2020 13:11 
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J'avais acheté ce livre en son temps qui est fort intéressant. Il y en a des extraits sur Gallica, je vous mets le lien, il doit exister en occasion.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... /f17.image

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Message Publié : 13 Mars 2020 14:15 
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guy-s a écrit :
et plus généralement pour l'antiquité, il me semble que l'archéologie permet de distinguer un peuple germain d'un peuple non-germain sur ces deux critères:
- les fouilles se situent dans ou à proximité du territoire qui est identifié comme la Germanie
- l'absence ou la rareté d'objets romains


C'est beaucoup plus compliqué. On connait une zone qui se trouve à la frontière entre le monde slave et le monde germanique. Quand la région intègre le monde médiéval, elle est administrée par 3 seigneurs différents, et apparemment, les parlers sont différents, donc 2 langues différentes, pour un une des langues, 2 patois différenciés. Les fouilles archéologiques ne permettent pas de faire de différence. Archéologiquement, il n'y a qu'une seule culture à cet endroit-là. Les témoignages écrits parlent bien de 3 tribus différentes. 2 tribus germaniques qui se sont fixées là, mais ne provenant pas exactement du même endroit initial, ce qui explique qu'il y a 2 parlers différents.

Les fouilles archéologiques semblent contredire cela. Pour les archéologues, il y a une continuité dans ce qu'ils découvrent et les habitats fouillés semblent indiquer qu'il n'y a pas eu de mouvements de populations...

En fait, dans de nombreux endroits, on se retrouve face à de telles contradictions entre les récits compilés par les chroniqueurs, la linguistique et les découvertes archéologiques. Ce qui nourrit depuis, au moins 50 ans, des polémiques sur la réalité de certains peuples.

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