J'avais fait part,
ici, dans le forum "Histoire des Religions", que j'avais remarqué des similitudes entre les religions germaniques et arabes.
Après avoir lu
les Vikings, de Régis Boyer (ed. Tempus), j'ai remarqué d'autres ressemblances, cette fois-ci sur le plan de la société. Voici quelques remarques en vrac.
I. Prédominance de la familleLes deux sociétés sont organisées autour des familles élargies. Tout homme libre s'identifie par rapport à son ascendance (on s'appelle 'ibn Mohammed' ou 'Aegirson'). Les mariages sont des alliances entre familles.
Le chef de famille administre la justice au sein de celle-ci. C'est également lui qui préside aux cérémonies religieuses.
Les femmes ont des droits réduits par rapport aux hommes. Leur liberté sexuelle est théoriquement nulle.
Le bas de la société est constitué d'esclaves. Astreints aux tâches serviles (qui permettent aux hommes libres de partir en campagne), ils disposent tout de même de certains droits et de possibilités de s'affranchir.
Pour les Scandinaves, R. Boyer distingue un autre type d'esclaves, totalement asservis, qui eux, étaient avant tout destinés à l'exportation.
II. LégalismeUn crime est vu comme une offense à la famille toute entière, qui a la permission légale et le devoir moral de la venger, sur la famille du criminel dans son ensemble. Un meurtre peut donc dégénérer un carroussel infernal de vendetta (X de la famille A tue Y de la famille B. Z de la famille B se venge en tuant T de la famille A, dont un membre se vengera à son tour...).
Pour tempérer cela, la loi vient encadrer chaque aspect de la vie. Les procédures judiciaires sont précises. Elles font appel massivement au témoignage, car si un prévenu était molesté avant sa condamnation, sa famille pourrait en demander réparation.
La loi est connue de tous : chez les Scandinaves, à chaque rassemblement du
Thing, les
logsmen récite la loi - peut-être mise en vers. Chez les Arabes, Mahomet ne fait pas autres choses : tous ceux qui récitent le Coran acquièrent des rudiments en droit (la sourate IV fonde ainsi le droit familial).
III. Les poètes et les marchandsLes deux sociétés ont particulièrement prisé les poètes et ont eu une importante production artistique. Il serait intéressant de comparer les règles de composition des poèmes.
Quant aux marchands, ce sont eux qui ont fait les plus grands voyages, découvert le plus de territoire, fait circuler le plus d'idée. Pour R. Boyer, les vikings sont marchands avant d'être guerriers. Les Arabes, une fois le bassin méditerranéen conquis et le chameau devenu inutile, se dotent d'une flotte et commence â tisser des réseaux commerciaux jusqu'en Chine et en Indonésie.
IV. Deux stratégies guerrières semblables ?Sur le plan militaire, les deux mondes, en profitant au début de leur supériorité opérationnelle gâce au drakkar et au chameau, ont pu s'imposer. Ils pratiquaient le pillage et la traite d'esclaves.
Ici, je m'interroge (je l'ai déjà fait une fois) sur la stratégie globale de la conquête arabe. Il a été dit plusieurs fois sur ce forum que l'islamisation de l'Afrique du nord avait été lente, résultat de la pression sociale et du rayonnement de la civilisation - plus, en tout cas, que par des massacres d'infidèles. Dans cette optique, je ne crois pas que la conquête arabe fut motivée par la nécessité de propager l'islam : quel auteur le précise ? J'émets l'hypothèse qu'il s'agissait d'une justification a posteriori. Pour les seigneurs, les gains provenant du pillage, puis de l'exploitation des villes conquises - dont les habitants étaient astreints à payer l'impôt des
dhimmi devait être une perspective autrement plus attrayante.
Cette stratégie est celle des scandinaves : motivés par l'appât du gain, ils mènent des raids pour identifier les proies, puis lancent des attaques de plus en plus fortes afin d'extorquer à leurs victimes une rançon, le
Danegeld, avant de tenter de leur imposer leur loi et donc de s'assurer des revenus réguliers : les terres soumises s'appelaient le
Danelaw.
V. Une influence urbanisanteLes deux invasions se traduisent par le renforcement ou la fondation de villes qui permettent aux deux civilisations, également marchandes, de tisser des réseaux commerciaux extrêment développés. C'est tout de même paradoxal puisque dans leur pays d'origine, les populations sont relativemnet peu urbanisées.
Pour les Arabes, on connaît bien sûr le Caire, Baghdad...
Pour les Scandinaves : Cork, Dublin, Kiev, Novgorod, Reikjavik...
VI. Pourquoi ?Ici, je vous laisse la parole. Je n'ai pas d'explication. Les deux peuples connaissaient-ils des conditions de vie similaire ? Ont-ils profité du même phénomène : le repli de l'Europe sur elle-même et la difficile mise en place d'Etat stables, tout en profitant du commerce orientale grâce aux extrêmités occidentale des routes de la soie ?
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