En réponse a Narduccio au message du 18 août
Le mot science, historiquement, fait référence à l'antiquité grecque, en particulier aux philosophes naturalistes (-6è~-5e s.) qui s'efforçaient de comprendre le monde, c'est-à-dire de construire un système cohérent et rationnel de la totalité du réel. En s'appuyant uniquement sur la raison, ces premiers penseurs étaient parvenus à dégager un petit nombre de principes grâce auxquels ils pensaient pouvoir rendre compte de la variété des phénomènes. (1)
Ceci amène Platon à réserver le nom de «science» (épistêmê) à la dialectique. « La méthode dialectique est la seule qui, rejetant successivement les hypothèses, s'élève jusqu'au principe même pour assurer solidement ses conclusions. » (la pensée de Platon n'est pas si claire que ça !).
C'est Aristote qui va préciser ce qu'est pour lui une science (2), la définition causale qu'il donne n'est pas simple mais, ce qui est intéressant, c'est que pour lui une théorie scientifique ne peut qu'être démonstrative et elle doit en conséquence avoir une structure déductive. C'est ce sens qui est devenue le sens général de science que j'ai donné précédemment :
toute connaissance rationnelle élaborée à partir de l'observation, du raisonnement ou de l'expérimentation.(3)
Cette définition est malheureusement peu précise. La philosophie devient une science (Aristote serait content...) , les maths sont une science, la plupart des disciplines techniques deviennent des sciences. Jusque là c'est sans problème, mais des disciplines à apparence rationnelle telles que l'astrologie (que certains de ses fervent appellent scientifiques) deviennent des sciences.(4)
La définition du Petit Robert
«
l'ensemble de connaissances, d'études d'une valeur universelle, caractérisées par un objet (domaine) et une méthode déterminés, et fondées sur des relations objectives vérifiables »."
est une définition intéressante mais qui est pour le moins peu précise:
C'est quoi
une valeur universelle ?
Méthode déterminée: le mot méthode manque de précision si on ne l'explicite pas.
Des relations objectives vérifiables : c'est toujours peu précis.
La radiesthésie rentre ainsi dans les sciences: si on demande aux radiesthésistes si il y a des relations objectives entre leurs baguettes et l'eau du sous-sol on trouvera une multitude de personnes pour dire qu'elles sont vérifiables puisqu'ils disent les vérifier tous les jours.
D'autre part, cette définition, à vouloir ratisser large, passe sous silence le caractère rationnel des sciences, c'est à dire, originellement leur caractère démonstratif (Aristote) et finit par englober des disciplines que pour le moins on n'imagine pas dans les «sciences».
Ceci dit, appelez science ce que vous voulez, mais si la plupart des ouvrages d'histoire des science et d'épistémologie ne s'aventure pas sur ce terrain c'est parce que définir précisément le mot science avant l'avènement de la méthode expérimentale est inconsistant. La définition du petit Robert n'est pas mal trouvée mais souffre des difficultés de ses semblables. Un certain nombre d'habitudes consacrent les termes de sciences mathématiques, sciences physiques, sciences humaines, etc. Ils font plus ou moins référence au sens aristotéliciens que j'ai précisé au-dessus, ils en sont de bonnes approximations et permettent de situer le caractère rationnel des disciplines qu'ils qualifient. Il n'y a donc aucune raison de les éviter dans la langue commune.
Je tiens à rappeler que cette qualification de Science ne doit être associée à aucun jugement de valeur, si
l'histoire n'est pas une science au sens explicité ci-dessus ce n'est pas pour cela qu'elle est inférieure aux sciences expérimentales. En effet, si les sciences expérimentales conduisent à la vérité elles n'ont n'en pas le monopole.
(1) Entrée
Sciences dans Encyclopédia Universalis.
(2)
Seconds analytiques, Aristote.
(3) Dictionnaire de philosophie, Nathan
(4) Armand Barbault,
Traité pratique d'astrologie : sa démarche dans la recherche des astres dominants est très rationnelle et peut nous induire en erreur en nous faisant croire à la réalité scientifique de cette discipline.
Citer :
vous ne pouvez qu'avoir raison et les 3/4 des personnes qui parlent de science au sens usuel se retrouvent dans l'erreur
Personne n'est dans l'erreur, il y a une langue commune un peu approximative parfois, mais ce n'est pas important pour son usage journalier et il y a une langue technique précise et spécifique pour un usage particulier. Il y a le mot
science de la langue commune que nous utilisons tous les jours - moi-même je l'utilise comme vous avec les mêmes sens - et il y a le sens précis qui est celui qu'on utilise en
histoire des sciences et épistémologie. Il est assez cocasse, d'ailleurs, que le titre
histoire des sciences fait référence au mot commun et non au mot précis.