Allie a écrit :
Atlante a écrit :
A propos des rats... J'ai lu, mais je ne me rappelle plus où, que si les rats étaient bien vecteurs de la peste, ce n'était pas non plus la seule raison de la pandémie du XIVe, dans la mesure où cela aurait dû se traduire par une grande mortalité des rats (eh oui, les rats en crèvent aussi...). Donc, il est plus que probable que la peste bubonique se transmet aussi d'homme à homme. Et au fond, ça paraît plus que le cas puisque l'infection primaire en Europe, lors du siège de Caffa, ne s'est pas traduite par un bombardement de rats infectés par dessus les murailles de la ville, mais de cadavres de pestiférés... Du coup, si la puce du rat noir et les rats porteurs constituent bien le réservoir naturel de la maladie, ils ne sont pas complètement "responsables" de la propagation. C'est bien la circulation humaine qui en est la cause...
La transmission inter-humaine de la peste est bien prouvée :
* La peste pulmonaire peut se transmettre de manière aérienne par projection de gouttelettes de salive
* La peste bubonique et la septicémique peuvent se transmettre par contact avec des tissus contaminés ou des liquides corporels (par exemple un linceul)
Je ne saurais dire en revanche quelle a été la proportion de transmission interhumaine vs. transmission par la puce.
Ça paraît difficile à déterminer, vu l'époque et vu les sources. Certes, il y avait des rats partout et les gens étaient eux-mêmes infestés de parasites corporels, mais ils ne vivaient quand même pas tous au contact des rongeurs. Donc il y a forcément autre chose. Les Mongols l'avaient bien compris puisqu'ils ont balancé des cadavres par-dessus les murs de Caffa. L'autre facteur, c'est que le bacille de la peste bubonique est très résistant et survit à la mort de son hôte pendant un long moment. Je ne sais pas quel est son degré de contagiosité (j'ai vu une infographie très intéressante là-dessus à propos du covid en comparaison d'autres virus, il s'avère que le plus contagieux est celui de la rougeole :
https://www.visualcapitalist.com/history-of-pandemics-deadliest/, tout en bas de la page) mais, a priori, vu le bilan (très approximatif) de cette pandémie, la plus terrible de ces 2000 dernières années, l'incidence est très élevée. Sans remonter jusqu'au XIVe, j'ai personnellement trouvé des périodes de peste sur le XVIIe dans les registres paroissiaux de mon département, c'est à chaque fois une hécatombe : toute la famille y passe, vieillards, adultes, enfants. Et fréquemment, ils sont enterrés à la va vite, de nuit ou hors des enclos paroissiaux. Visiblement, trois siècles après les ravages de la vague du XIVe, la maladie sème toujours la terreur parmi les populations. J'ai trouvé aussi, au moins une fois (mais ce n'est certainement pas une exception) la mention explicite de la part d'un curé de campagne que, pour échapper à la maladie, il s'est lui-même barré plusieurs semaines sous des cieux plus cléments, le temps que la flambée redescende. Plus rien n'est enregistré et, lorsqu'il rapplique, il se contente de dresser une liste approximative, de mémoire, des gens qui sont morts durant la période en question. Malgré tout, lorsqu'on procède à des études démographiques (lorsque les sources sont assez fiables), malgré un très net pic de mortalité durant ces années-là (et un très net creux dans la natalité), il n'y a pas de véritable saignée démographique comme cela a été le cas au XIVe siècle. La population se remet ensuite à croître avec un équilibre relatif entre natalité et mortalité, toujours avec un léger excédent pour la vie. Et lorsqu'on fait des comparaisons avec d'autres périodes de crise de la même époque, les années de peste ont un bilan humain beaucoup moins élevé que les deux périodes de crise de subsistances que sont 1662/1663 et 1693/1694 (la pire étant cette dernière).
Par ailleurs, un érudit local, décédé il y a plusieurs années, affirmait volontiers, et je pense qu'il avait raison, que la peste frappait les populations d'effroi par son caractère soudain et brutal mais était en définitive moins mortifère que d'autres fléaux circulant à bas bruit depuis des temps immémoriaux comme la variole, la rougeole, la tuberculose, la diphtérie et autres joyeusetés du même acabit.