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Message Publié : 31 Mars 2020 8:39 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
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Je continue mes fils sur le compte-rendu de biographies médiévale, qui je le rappelle ont été faits par un ami à moi didier Lafargue, avec l'accord de la modération. La mise en forme ne respecte pas la structure du livre : ne sont pas affichées les parties et sous partie. L'indulgence sur ce genre de travail nécessite l'indulgence de ceux qui connaissent bien cette période...Malgré tout, j'espère que cette oeuvre de partage aura son utilité ici sur un forum d'Histoire. B) :wink:




Baudoin IV le roi lépreux
De Pierre AUBE

Hachette, collection Pluriel



Le futur roi de Jérusalem est né en Terre sainte vers 1161 (on ignore très précisément sa date de naissance). Il est le fils du roi Amaury 1er et d’Agnès de Courtenay. Il a une sœur aînée nommée Sibylle.

On lui donne comme précepteur l’archidiacre Guillaume de Tyr, historien du royaume. Très jeune, l’enfant promet beaucoup. Il est beau, a l’esprit vif, est intelligent. Il est brillant cavalier.

Hélas, l’affreuse nouvelle éclate. Un jour qu’il jouait avec ses camarades, son précepteur remarqua qu’il était insensible à la douleur. En fait il était lépreux, et la maladie ne ferait que progresser au fur et à mesure qu’il vieillirait. Des médecins tentèrent de la ralentir par toute sorte de remèdes, onguents ou autres. On fit même appel à des médecins arabes, réputés supérieurs. Mais rien n’y fit, la maladie progressait.

Au moment où Baudouin allait monter sur le trône, son père Amaury, venait d’échouer dans sa tentative de conquête de l’Egypte. Celle-ci était tombé dans le giron de la Syrie musulmane et étaient dirigée par Saladin, lieutenant du sultan Nur al Din, maître de la Syrie. Ainsi le royaume de Jérusalem était-il encerclé. Amaury revint à Jérusalem pour y mourir de la fièvre, en juillet 1174, alors qu’il était en pleine force de l’âge.

Son fils Baudouin fut couronné roi aussitôt. Il n’avait que treize ans, devait attendre l’âge de quinze ans pour être déclaré majeur. En raison de son inexpérience, il confia le pouvoir à l’ancien sénéchal de son père, qui ne demandait pas mieux que de conseiller son jeune maître, Milon de Plancy. Homme compétent, il manquait hélas de psychologie, ce qui le fit détester des autres nobles entourant le jeune roi. Or, ceux-ci voulaient confier le pouvoir à l’un d’entre eux, Raymond III de Tripoli, arrière-petit fils du fondateur du comté du même nom. Peut-être sur son instigation, alors qu’il était en tournée d’inspection dans le royaume, Milon de Plancy fut assassiné à Acre en Octobre 1174. Très jeune, Baudouin apprenait le monde chaotique de la politique.
Raymond de Tripoli le remplaça alors. Chef expérimenté, il avait passé quelques années prisonnier des musulmans. C’était incontestablement l’homme qu’il fallait pour sauver le royaume de la destruction qui le menaçait.

Lui et Baudoin durent alors faire face à Saladin, qui tentait, à partir de l’Egypte de réunifier tout le Proche orient, c’est-à-dire de mettre la main sur la Syrie dont les souverains étaient alors des enfants. Il réussit ainsi à mettre la main sur Damas. Puis, il alla mettre le siège devant Alep.
Contre cette menace, le roi de Jérusalem et le comte de Tripoli réagirent par la stratégie du second front, des actions de diversion, des coups de main de commando rapides destinées à obliger Saladin à renoncer à ses projets et à courir sus à ses ennemis. Ceux-ci ne l’attendaient pas et s’en allaient dès qu’il arrivait. Le chef Kurde fut alors obligé de demander une trêve aux francs, lesquels acceptèrent.

Ce faisant, Baudouin IV fut confronté à un individu qui allait durant sa vie sensiblement ajouter à ses souffrances physiques : le chevalier Renaud de Chatillon.

Celui-ci, issu du Gâtinais, était venu en Terre sainte à l’âge de vingt ans. Il avait longtemps mené une vie de pauvre chevalier errant, se louant comme mercenaire à droite et à gauche. Il finit par avoir la chance de séduire Constance, régente d’Antioche, de l’épouser et de devenir prince d’Antioche. Il s’attaqua alors à Byzance en ravageant Chypre qui lui appartenait. Le châtiment ne tarda pas, le basileus accourut ventre à terre contre ce brigand et Renaud dut lamentablement se soumettre. Au cours d’une guérilla, il fut fait prisonnier par les Sarazins. Personne ne voulant payer la rançon d’un tel voyou, il passa seize ans dans les geôles musulmanes. Il finit par être libéré en 1176, et, n’ayant rien appris, rongé par l’amertume, décida de prendre à tout prix sa revanche sur ses déboires passés.

Il alla alors voir Baudouin IV, lequel séduit par un chevalier aussi expérimenté, lui donna à garder la forteresse de Kérak, à l’est du Jourdain, face à l’Arabie. Il comptait bien à partir de là réaliser ses ambitions personnelles, soit se rendre indépendant et tout faire pour s’enrichir. La forteresse était en effet située au carrefour des voies caravanières et de fructueuses opérations de pillage pouvaient être menées. Même La Mecque pouvait être une proie à prendre ! Quel danger pour la paix avec l’Islam !

Ainsi, Renaud de Châtillon devait être la plaie de tout le règne de Baudouin IV.

Sur ce, des ambassadeurs byzantins vinrent proposer à Baudoin IV une action commune de Byzance et de la Syrie franque contre l’Egypte, ce qui était reprendre la politique de Baudoin III et d’Amaury Ier. Or, il se trouvait que le royaume venait d’accueillir un nombre de soldats considérables menés par le comte de Flandre Philippe d’Alsace, un appoint non négligeable. Malheureusement, très vite, il s’avéra que le comte Philippe ne désirait pas du tout faire la guerre sainte. En fait, il n’était là que pour marier ses fils aux sœurs de Baudoin IV, peut-être même prendre la place de celui-ci. Le roi ainsi que ses nobles, ulcérés, refusèrent bien sûr et, vexé, le comte décida de repartir avec ses soldats, en même temps que de nombreux templiers qui le suivirent dans le nord du pays. Surtout, hélas, les ambassadeurs byzantins durent repartir bredouille, l’invasion commune ayant dû être annulée.

Cette fois-ci, la balle était dans le camp de Saladin, car, profitant de l’échec des négociations franco-byzantines, celui-ci prit l’initiative et attaqua aves toute son armée le royaume de Jérusalem. Or, celui-ci était dépourvu de soldats, la plupart d’entre eux étant occupé ailleurs avec Philippe d’Alsace pour des chimères dérisoires. Révélant toute son énergie, le roi lépreux décida de mobiliser toutes les forces disponibles, soit quelques centaines de chevaliers et quelques milliers de fantassins, ce qui était infime. Il quitta la ville sainte et se dirigea au Sud vers Ascalon où il se retrancha. Saladin était tellement sûr de lui, qu’il envoyait ses troupes partout dans le pays, pillant tout, mettant tout à feu et à sang. Jérusalem, dont les remparts n’avaient pas été entretenus depuis au moins cinquante ans était menacée d’être prise d’assaut par la première colonne ennemie venue.

Ce faisant, le sultan d’Egypte commit une lourde faute stratégique car il avait dispersé ses troupes. Il avait même négligé d’en disposer quelques-unes devant Ascalon pour fixer les Francs. Profitant de cette erreur, Baudoin IV sortit de la ville et suivit prudemment Saladin avec ses faibles forces. Finalement, il l’attaqua à Montgisard, en novembre 1177. Là, la cavalerie franque fit merveille, anéantissant les escadrons du frère de Saladin, s’en prenant ensuite aux propres troupes de celui-ci. Le chef Kurde faillit même être capturé et ne dut son salut qu’au sacrifice de ses gardes du corps.
Alors, le courant s’inversa et ce fut la débandade partout chez les Musulmans. Ils refluèrent tous vers l’Egypte et beaucoup d’entre eux furent capturés par les Francs. Saladin revint lamentablement au Caire.

Le roi lépreux avait là remporté une grande victoire sur son ennemi. Il n’avait alors que dix-sept ans !

Dès lors, la menace que Saladin représentait pour le royaume devait être écartée pour longtemps. Le roi de Jérusalem en profita pour fortifier au mieux celui-ci. Les murailles de la ville sainte furent rénovées, renforcées afin de mieux résister à un futur siège. Tout au long des frontières, d’autres forteresses furent construites, notamment le Chastellet du Gué de Jacob, construite à l’instigation des templiers et auxquels le roi en confia la garde une fois qu’elle fut édifiée. Elle avait pour but de garder la route de Saint Jean d’Acre, véritable poumon de la Terre sainte par lequel celle-ci pouvait accueillir des secours de l’Occident. Saladin, bien sûr, tenta de réagir en offrant une forte somme pour la cessation des travaux mais Baudoin refusa.

Ce faisant, le roi de Jérusalem dirigea un coup de main contre des troupeaux appartenant à des bédouins musulmans. Les troupes du sultan d’Egypte réagirent, sous la direction de son neveu Farrukh Shah et les Francs furent battus à la forêt de Paneas. Lors de la bataille trouva la mort le Connétable Onfroi de Toron, qui avait guerroyé depuis quarante ans, une perte regrettable pour le royaume.

Renaud de Chatillon, depuis sa forteresse du Kérak, s’étant avisé d’attaquer des caravanes musulmanes à proximité de La Mecque, Saladin demanda réparation à Baudouin IV. Fort dépité, celui-ci dut reconnaître son impuissance à contraindre Renaud à rendre ce qu’il avait pris. Saladin attaqua le royaume. Le roi de Jérusalem s’avança à sa rencontre, aux alentours du lac de Tibériade, et fut battu lors de la retentissante bataille de la vallée du Marj Ayum, laquelle effaçait la victoire de Montgisard.

Puis Saladin mit le siège devant cette merveille d’architecture militaire représentée par le Chastelet du gué du Jacob, s’en empara et la détruisit jusque dans ses fondations, menaçant derechef la route de Jérusalem à Saint Jean d’Acre.

Baudoin IV avait aussi des problèmes avec son entourage, notamment avec sa mère Agnès de Courtenay, fille du comte d’Edesse Jocelin II de Courtenay. Ambitieuse, cupide, intrigante, son influence fut néfaste pour le royaume. Mariée plusieurs fois, elle était très puissante car elle disposait de relations partout. Elle avait aussi des favoris. Ainsi incita-t-elle son fils à faire élire patriarche de Jérusalem le médiocre Héraclius qui n’avait pour lui que sa beauté physique. Surtout elle s’enticha d’un noble venu de France, Amaury de Lusignan. Déjà marié, et donc à défaut de pouvoir œuvrer à sa propre fortune, il s’enquit de favoriser celle de son lignage. Or, Baudoin IV n’avait pas d’héritier et ne pouvait avoir d’enfants du fait de sa maladie. Il fallait donc que sa sœur Sibylle lui donne un successeur. Certes d’un premier mariage elle avait accouché d’un fils, le petit Baudouinet, encore très jeune (futur Baudoin V). Mais cela ne suffisait pas. Aussi, à force d’intrigue, Amaury réussit-il à marier Sibylle à son jeune frère un écervelé dont l’extrême beauté n’avait d’égal que l’extrême stupidité, Guy de Lusignan. Il le fit quérir du lointain Poitou. D’abord Baudouin IV refusa énergiquement, car il ne voulait pas donner sa sœur à n’importe qui (comme jadis à Philippe d’Alsace). Mais sa sœur, légère, frivole, bref insignifiante, tomba amoureuse du beau Guy dès qu’elle le vit, coucha avec lui. Finalement, mis devant le fait accompli, très sollicité par Amaury et sa mère Agnès, le roi finit par consentir à leur mariage. Guy de Lusignan devait être plus tard le dernier roi de Jérusalem, de par son mariage. Le roi lui accorda le titre de comte de Jaffa.

Saladin tenta alors de s’emparer de Beyrouth. Le roi de Jérusalem une fois encore s’avança vers lui avec une petite armée, en Galilée. Le sultan l’attaqua à Belvoir mais malgré des forces dix fois supérieures ne put en venir à bout, ce qui le vexa profondément. Pour Baudoin IV, c’était un demi-succès. Pour se venger, le chef Kurde ravagea la Galilée. Puis il se dirigea vers Beyrouth sur la mer. Il en fit le siège mais grâce à ses héroïques défenseurs, il ne put la prendre. L’armée de Baudoin finit par arriver et força le sultan à lever le siège. Sa tentative n’en était pas moins significative pour les Francs, car pour la première fois les Musulmans avaient atteint la mer. S’ils avaient pris Beyrouth, ils auraient brisé l’unité de la Syrie franque, en coupant Jérusalem des royaumes d’Antioche et de Tripoli.

Heureusement pour les Francs, Saladin avait quelques difficultés à maintenir l’unité de son empire. Ainsi fut-il obligé d’intervenir en Mésopotamie, à Mossoul, afin de mettre à la raison les Zangides, les héritiers du grand Zangi, ancien atabeg de Mossoul. Puisque les frontières étaient dégarnies de soldats musulmans, le roi de Jérusalem en profita pour mener une expédition à l’Est du lac de Tibériade dans le Djebel Druze, sans résultats tangibles. Puis il s’aventura en terre de Suète où il mit le siège devant la forteresse de Habis Jaldak, que Farrukh Shah leur avait enlevée il y a peu de temps, sur la rive gauche du Yarmouk, et il la reprit.

Les Francs eurent ensuite la joie d’apprendre la mort du redoutable Farrukh Shah, lieutenant et neveu de Saladin, lequel l’avait fait gouverneur de Damas. L’occasion était bonne pour mener une excursion en terre musulmane, ce dont les Francs se gardèrent de laisser passer puisque, le roi à leur tête, ils s’avancèrent jusque devant Damas, ravagèrent la région. Toutes ces expéditions avaient contribué à fixer la frontière Nord-est du royaume et à s’assurer les revenus de la riche terre de Suète.

Mais depuis sa forteresse du Kérak, dans ses possessions d’outre-Jourdain, Renaud de Chatillon préparait une grande expédition contre les villes saintes de l’Islam, Médine et La Mecque, ce qui émut tout le monde musulman. Son rêve grandiose était de « pénétrer dans la ville du Prophète et de le tirer du saint tombeau ». Ce faisant, il allait contre les intérêts de la Syrie franque qui ne tenait pas à provoquer l’ire et donc l’union de tous ses ennemis. Il organisa une flotte de bateaux, lesquels furent amenés en pièces détachés vers un port de la Mer rouge. De là, il vogua vers l’Arabie, écuma les côtes du Yémen, débarqua finalement ses troupes et fonça vers Médine. Mais les musulmans réagirent et l’un de leur chef détruisit la flotte chrétienne, rendant Renaud prisonnier de sa conquête. Finalement, « la marche de l’éléphant » fut interrompue, puisque ses bataillons furent vaincues à al-Hawra, dans la région de Médine et les prisonniers cruellement exterminés.

Après que les Francs aient donné un tel exemple de détermination, on savait en terre sainte que Saladin répondrait avec une volonté égale. Pour y faire face, le système d’imposition fut réorganisé et il fut décidé que l’impôt serait levé sur le revenu et sur le capital, ce qui permit d’augmenter les ressources permettant d’élever les effectifs de l’armée à un niveau maximal.

Il était temps, car Saladin renforçait son pouvoir. En effet, malgré sa propagande en faveur du jihad, son pouvoir était contesté en Syrie par les héritiers du grand Zengui. Le sultan d’Egypte y fit face et refit l’unité du monde musulman en s’imposant en Syrie du Nord. Il prit en effet Alep puis Harim en juin 1184.

Pendant ce temps, le roi lépreux déclinait. Malgré son énergie surhumaine pour faire face à ses responsabilités, son état empirait. Il dut finalement confier ses pouvoirs à un régent, en la personne de son beau-frère Guy de Lusignan. Le choix, conforme aux vœux de la cour, n’en était pas moins mauvais et il eut mieux valu les donner au très compétent Raymond III de Tripoli. Peut-être se défiait-il de Raymond depuis qu’il avait trempé dans l’assassinat de Milon du Plancy, à moins qu’il ait voulu éprouver Guy puisque il devait lui succéder…

C’est alors que Saladin, qui n’avait rien entrepris contre la Terre sainte depuis son échec à Beyrouth, attaqua la Galilée, s’avança dans la plaine d’Esdrelon. L’armée franque alors cantonnée près de la fontaine de Séphorie, sous les ordres du comte de Jaffa, Guy de Lusignan, le régent, marcha à sa rencontre vers Al-Foula. Les assauts du Sultan n’empêchèrent pas les Francs de parvenir aux points d’eau et de s’y désaltérer. Finalement, Saladin fut contraint de faire retraite sans avoir remporté aucune victoire, un échec pour lui dont tout l’Islam fut conscient.

Mais lors de cette campagne, l’attitude du régent avait été déplorable, ce dont profitèrent ses ennemis pour l’accabler auprès du roi. Celui-ci lui retira la régence, à son grand déplaisir, et la confia enfin à Raymond de Tripoli. Il dénonça aussi son union avec sa sœur Sibylle. De plus, en novembre 1183, il fit couronner de son vivant son neveu Baudouinet, qui n’avait que cinq ans, ce pour assurer la continuité de sa dynastie. Baudouinet, fils de Sibylle et de Guillaume de Montferrat, devint officiellement roi sous le nom de Baudouin V.

Puis Baudoin IV, faisant son métier de roi, partit secourir Renaud de Chatillon dans sa forteresse de Kerak de Moab, attaqué par Saladin. Si Kerak tombait, la route de l’Egypte vers la Syrie était ouverte aux Musulmans. Arrivé à temps, le roi lépreux obligea Saladin à s’enfuir.

Mais Guy de Lusignan, fort dépité de s’être vu retirer la régence, avait fait défection. Le roi le convoqua donc devant son armée pour qu’il s’explique, mais il refusa de comparaître, se retirant dans sa ville d’Ascalon. Prétextant sa maladie, il refusa de venir malgré tous les messages envoyés par le roi. Celui-ci, bien que très malade et au soir de sa vie, se résolut alors à aller le trouver dans sa ville d’Ascalon. Mais il refusa de laisser entrer son suzerain. Ce dernier se rendit alors à Jaffa où proclamant son autorité, il le destitua officiellement de son fief. Puis il alla à St Jean d’Acre où se réunissait la Haute cour de Justice qui devait officiellement démettre le comte de Jaffa. Malheureusement, sur l’instigation du patriarche Héraclius, des grands maîtres de l’ordre du temple et de l’Hôpital, derrière qui se profilait l’ombre de l’intrigante Agnès de Courtenay, mère du roi, elle refusa de satisfaire les vœux du roi et de prononcer la commise des fiefs de Guy. Le roi ne put que leur exprimer son dégoût. Son autorité était battue en brèche.

On n’en resta pas là. En effet, Guy de Lusignan attaqua avec une sauvagerie inouï les bédouins qui nomadisaient à la frontière, ce qui pouvaient entraîner la guerre avec Saladin. Le roi convoqua de nouveau la Haute cour et cette fois-ci put démettre de toute ses charges le comte de Jaffa. Il confirma par ailleurs Raymond III comme régent.

Baudouin IV était à l’article de la mort. Dans ses derniers mois, et inquiet pour sa succession si le futur Baudouin V mourait trop tôt (lui aussi était très malade), il demanda aux souverains d’Europe de choisir entre sa sœur Sibylle et sa jeune sœur Isabelle, fille d’Amaury et de sa deuxième femme Marie Comnème. C’était un précédent dangereux car ces souverains pouvaient juger selon leur intérêt personnel, mais le roi n’avait pas le choix, il ne faisait pas confiance à ses pairs.

Saladin attaqua de nouveau la forteresse de Renaud, Kerak de Moab. Mais l’armée franque, commandée cette fois par Raymond III (le roi lépreux était alité) lui fit échec.

En mars 1185, le roi lépreux mourut enfin. Il n’avait que vingt-quatre ans. Même le monde musulman reconnut qu’il venait de perdre un adversaire de qualité et Saladin fut attristé.

Après sa mort, Raymond III de Tripoli devint régent, pour le compte du neveu du défunt Baudoin V. Mais celui-ci mourut très vite, à St Jean d’Acre en 1186, à l’âge de huit ans. Guy de Lusignan fut alors couronné roi à la sauvette grâce à l’action de Héraclius, de Gérard de Ridefort, grand maître du Temple, et Raymond III fut évincé. Une guerre civile faillit même éclater.

Finalement, Jérusalem fut prise par Saladin en octobre 1187, après qu’il eut battu les Francs à Hattin.

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«Κρέσσον πάντα θαρσέοντα ἥμισυ τῶν δεινῶν πάσκειν μᾶλλον ἢ πᾶν χρῆμα προδειμαίνοντα μηδαμὰ μηδὲν ποιέειν»
Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
Émile Ollivier, l'Empire libéral.
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Message Publié : 31 Mars 2020 10:42 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
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Kingdom of Heaven est repassé récemment à la télé... :wink:

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 31 Mars 2020 11:57 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
Message(s) : 1388
Oui, cela ne m'a pas échappé, mais même si j'ai eu une conversation téléphonique avec l'auteur des résumés, c'est lui qui a choisi, et je lui ai expressément demandé de m'envoyer autre chose qu'une biographie de Georges Minois. Mais il en d'autres sous le coude de lui, elles reviendront tôt au tard... :rool: >:)

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Message Publié : 31 Mars 2020 14:20 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 07 Sep 2009 17:07
Message(s) : 476
Merci beaucoup pour cette description à la fois claire et détaillée ! ;)

Figure admirable et combien émouvante celle de Baudouin IV le petit roi lépreux de Jérusalem (le Roi "mezel") ! Le personnage m'a toujours fasciné par son courage et sa dignité "royale". L'exemple parfait de ce que la chevalerie pouvait produire de plus pur.

Je n'ai pas beaucoup lu à ce sujet (principalement "L'histoire des croisades" de Grousset). Je vais essayer d'acheter rapidement ce livre (apparemment on le trouve facilement en édition de poche à prix très abordable).

J'ai bien sûr vu le film de Ridley Scott qui, même s'il n'est pas une grande réussite, a eu au moins le mérite d'avoir choisi un sujet cinématographique peu courant. L'idée même d'avoir retenu comme thème "Le royaume franc de Jérusalem" est aussi extraordinaire qu'inattendue comme choix de sujet pour un film très grand public !


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Message Publié : 31 Mars 2020 19:31 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
Message(s) : 1522
Localisation : Belgique
Un grand merci, Oulligator, pour ce résumé intéressant, mais néanmoins fort lisible et complèt. J'ai beaucoup apprécié votre narration.
D'autant plus que l'histoire des Pays Bas d'antan (the Low Cuntries) était fortement liée avec celle de la France du même période.

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 04 Avr 2020 9:41 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 29 Jan 2007 8:51
Message(s) : 1388
Mon cher Paul, merci pour vos commentaires. Ce n'est pas moi qui ait fait ce travail de «mise en fiche» Non pas que je n'en sois pas capable, mais l'organisation de mon bureau de travail (un vrai foutoir ! ) m'empêche de prendre correctement des notes. Tout (ou rien) dans la tête !!

A noter que l'auteur s'appelle bien Pierre AUBÉ avec un accent sur le e final . B)

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Message Publié : 04 Avr 2020 12:26 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 05 Sep 2010 13:22
Message(s) : 491
Localisation : Belsa
Excellent exposé qui retrace avec précision les principaux protagonistes et les forces en présence, tout en soulignant subtilement les faiblesses de cette jeune royauté. Je pense là au royaume de Jérusalem, non seulement au jeune monarque. Je signale juste une petite erreur, Renaud de Châtillon n'était pas seigneur de Châtillon-sur-Loing dans le Gâtinais (aujourd'hui Châtillon-Coligny), mais de Châtillon-sur-Loire dans le comté d'Auxerre, et donc de la famille de Donzy.


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