Lampsaque a écrit :
D'autant plus étonnant que l'allemand "deutsch" a donné "teutonicus".
Karolvs a écrit :
Pour désigner la langue ou les gens ?
Lampsaque a écrit :
Eh bien, les gens je suis sûr, sous forme adjectivale et nominale, et la langue ça paraît évident.
Les gens :
- Sacrum Romanum Imperium Nationis Teutonicae = Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation = Saint-Empire Romain Germanique.
D'accord, mais il y a eu a eu glissement de sens, "Nationis Teutonicae" et "Deutscher Nation" ayant selon moi le sens originel de "nation de langue allemande" (sinon quoi d'autre ?). "Teuto-" et "deutsch" sont le même mot, issu de "thiudisk", adjectif se rapportant à la
langue que parlait le peuple du royaume franc de Germanie ("thiu"=peuple). Ce mot (et ses équivalents dérivés "teotisca, teutisca lingua, tiche, tudesque, tedesca...) permettait de distinguer quand besoin en était, la langue "populaire" de ce royaume, de la langue savante, ou d'autres langues pratiquées ailleurs. Par exemple chez Nithard dans sa relation des serments de Strasbourg : "
...Lodhovicus romana, Karolus vero teudisca lingua...).
C'est par glissement sémantique que le mot servant à désigner la langue est devenu le mot par lequel les chroniqueurs identifiaient les gens, leur nation, leur royaume, leur empire.
Ce qui me permet de vous rejoindre : "deutsch" et "teutonicus" désignaient les gens, certes, mais originellement en ce qu'ils se distinguaient des autres par leur langue (et non parce qu'ils vivaient dans une autre contrée, ou avaient des moeurs différentes, ou avaient une autre apparence physique...)
Une remarque accessoire : les Allemands traduisent "nationis teutonicae" en "deutscher Nation", ce qui est une traduction qui reste fidèle, avant comme après le glissement de sens.
Les Français, eux, ont traduit "nationis teutonicae" par un adjectif unique : "...germanique".
"...de la nation allemande" ou "...de la nation germanique" ne serait-il pas plus proche de "deutscher Nation" ? Quoique avec avec une subtile différence entre allemand et germanique, dont on pourrait faire l'exégèse...
Pour en revenir directement et plus précisément à la question initiale qui est celle de l’origine de la dénomination de "Francs" appliquée par les Arabes aux Croisés, on peut supposer que lesdits commentateurs arabes n'ayant a priori pas à livrer une savante étude sur les différentes composantes du corps expéditionnaire "multinational" qui marchait vers eux, ont trouvé commode de désigner leurs ennemis sous un mot global. Le nom "Francs" n'est de ce point de vue pas impertinent, car il correspond à une vieille réalité ancrée dans l'histoire et la géopolitique.
En l'an 1100, la partie de l'Occident chrétien d'où partent les Croisés est régie depuis 300 ans par des dynasties issues de souverains francs, et l'empire du franc Charlemagne était déjà nommé -ponctuellement- "Francia" dans tel ou tel scriptorium du temps de Charlemagne. Par la suite au fil du temps s'est opéré,, dans les annales et chroniques, un glissement de sens de "Francia" - ensemble du territoire soumis aux Francs au nord des Alpes (Regnum Francorum), à "Francia" - simple portion du même regnum. Ce glissement de sens est perceptible dès la formule de date des actes de Lothaire Ier. A partir de là, "Francia" désigne en Occident même, de plus en plus souvent la portion franque comprise entre Loire et Seine (l'ensemble des royaumes issus des Francs étant alors nommé "tota Francia" ou "universa Francia").
Quoi qu'il en soit, je ne vois pas un autre nom plus pertinent sous lequel les témoins musulmans de la Première Croisade auraient pu désigner les Croisés.
Et M. Zemour dans tout ça ?
S'il soutient que les "Francs" du temps des croisades étaient des "Français", il défendra peut-être en vertu de qa logique zemourienne de "télescopage temporel", la thèse selon laquelle M. Zemour lui-même est un Allemand puisque M. Zemour est Français, que les Français sont issus des Francs, et que les Francs étaient eux-mêmes des Germains (et de Germanie inférieure, à ce qu'il paraît…).