Kurro a écrit :
Je me demandais surtout si l'humanisme avait pu renforcer un temps le pouvoir du roi qui aurait été vu d'une façon un peu plus romaine et un peu moins chrétienne dans le sens médiéval.
Concernant la conception du pouvoir royal, il faut savoir que le droit romain a déjà été profondément redécouvert durant le Moyen-Âge, notamment à partir du XIIe siècle. C'est ainsi que, depuis le XIIIe siècle, le roi de France est
imperator in regno suo. Les légistes du Moyen-Âge avaient donc déjà développé un arsenal théorique au service du pouvoir royal, qui puisait beaucoup dans le droit romain.
De même, depuis le XIVe siècle, la science politique avait émergé comme une branche distincte de la théologie avec la redécouverte de l'Aristote politique. La
Politique d'Aristote a été traduite pour Charles V, et elle justifie l'Etat comme un bien. On commence donc à s'éloigner du pouvoir féodal, du roi
primus inter pares.
Les traités politique de l'époque de Charles V insiste sur la nécessité d'un roi lettré : ce n'est pas encore le despotisme éclairé, mais on quitte là aussi le mythe du roi chevalier. Je ne sais plus d'où vient cet adage, mais il se répand à l'époque : "un roi illettré n'est qu'un âne couronné". Bref, le roi n'est pas encore un monarque absolu, mais il commence à émerger comme un individu supérieur qui doit avoir des vertus propres pour mener une politique et diriger un Etat.
Bref, de nombreuses étapes conceptuelles ont été franchies dès le Moyen-Âge, sous l'influence du droit romain et de la philosophie d'Aristote, sur le chemin de l'absolutisme royal.
Mais il est vrai que la tendance s'accentue au XVIe siècle. Jean Bodin a déjà été cité, qui dit que la souveraineté n'est pas plus divisible que le point en géométrie (fondement de l'absolutisme royal), mais il est postérieur à François Ier. A l’époque de François Ier, le nom le plus marquant de la philosophie politique est Machiavel. C’est un humaniste convaincu (voir son Art de la Guerre, une tentative de restauration de l’armée romaine, complètement déconnectée des réalités de la guerre de l’époque et des transformations dues à l’artillerie). Si la fin justifie les moyens, c’est que le prince n’a plus à être limité par des préceptes religieux et moraux. A voir quelle influence il a eu en France. Il était détesté par la majorité de la population et, évidemment, par la grande noblesse. A-t-il eu une influence sur François Ier et ses conseillers ? Je ne sais pas. Je pense plutôt qu’il a une influence sur la politique française à partir de Catherine de Médicis.
Kurro a écrit :
François Ier a été un roi plus centralisateur que ses prédecesseurs. J'ai posé la question car je pensais voir un lien avec son gout pour l'humanisme et la redécouverte de l'Antiquité.
La tendance centralisatrice de François Ier s'inscrit dans le long terme de la monarchie française. Ce n'est pas une vraie rupture. Il suffit de penser à Louis XI par exemple.
Et François Ier reste malgré tout un roi très médiéval, épris de chevalerie et bercé des mêmes illusions que ses deux prédécesseurs sur le mirage italien.