Barbetorte a écrit :
Lorsqu'on parle de tolérance religieuse au seizième ou au dix-septième siècle, il s'agit bien d'une autorisation laissée à contrecoeur. L'édit de Nantes autorise, sous certaines conditions, le culte réformé et donne aux Protestants des garanties d'exercice de cette autorisation telle la concession de places fortes. Il s'agit du règlement d'un conflit négocié avec l'adversaire. Il ne s'agit pas du tout de l'instauration d'une liberté religieuse qui serait de droit. Pour cela, il faudra attendre 1789. En 1598, on compose avec un adversaire qu'on n'a pas été en mesure d'écraser. La révocation de cet édit en 1685 n'est que le retour à la norme sans dérogation, l'adversaire n'étant plus alors capable d'imposer de dérogation. L'édit de Nantes est bien une mesure de tolérance stricto sensu, qu'on l'entende comme un acte de magnanimité du prince (définition 1.), par nature révocable, ou comme une concession arrachée sous la contrainte (définition 2.). En 1789, et a fortiori aujourd'hui, il n'est plus question de tolérance mais de liberté car désormais la liberté de conscience et la liberté de culte qui en résulte sont devenues la norme.
Vous évoquez "une autorisation laissée à contrecoeur", comment le savoir ? Comment être certain que l'Edit de Nantes fut signé à contrecoeur par Henri IV ? Existe-t-il des sources ? S'en est-il ouvert ?
En 1598, le roi ne semble pas dépassé par des adversaires protestants et en quoi -si tant est que le cas est- les forces protestantes ont de tels pouvoirs que le roi se montre en peine de les écraser ? Si cet édit est -comme vous l'écrivez- une [
... concession arrachée sous la contrainte...], où donc est la contrainte si forte qu'elle ne puisse être combattue ?
Acte de magnanimité du prince ? Qui peut le dire ? Acte de transition ? Qui peut le dire à ce moment ? Bien sûr, avec la révocation il est aisé de revoir la copie. Mais le contexte a changé, tout a changé et surtout en Autriche où les ajustements ne sont plus de mise.
Les guerres de religion ont servi des souverains français dont la seule religion était d'abaisser certaines maisons ou certains états ni moins ni plus. Le goupillon a toujours servi le politique en France dans un sens comme dans l'autre.
Que les édits de Saint-Germain ou d'Amboise furent des tolérances, je puis le comprendre mais l'édit de Nantes est plus qualifié d'édit de "pacification". Je ne vois pas ceci comme [
... le règlement d'un conflit négocié avec l'adversaire...], à ceci je donnerais plutôt le nom de "Traité". Il y en aura avec des conflits stériles sous Louis XIV n'entraînant ni vainqueur ni vaincu mais négociations de places, de villes.
Je vois plutôt un roi qui dans un souci de pacification et dont les rapports à la religion sont plus que fluctuant (vous l'avez vous-même évoqué : "Paris vaut bien une messe") obtenir une paix intérieure qui permette de relever un état, d'instaurer un absolutisme et de se contrer d'une Espagne prompte à démontrer que le catholicisme est la parole de Dieu sur terre si ceci peut atomiser les Pyrénées. J'ai du mal à croire que l'ancien Henri de Navarre voit en des coreligionnaires d'il fut un temps des ennemis.
Louis XIV dans sa révocation emploiera d'autres moyens pour se faire comprendre (dragonnades etc.) mais là aussi n'est-ce pas tant "se tromper de cible" et régler une fois pour toute une Fronde "restée sous la cravate" parce-que comme champion de la religion, sa vie personnelle laisse un peu à désirer et Bossuet s'en fait le porte-voix.
[
... Négocié avec l'adversaire...] qui étaient donc les négociateurs face au roi ? "Adversaires", quel sens donner à ce mot ? Les Protestants étaient-ils tant nombreux que la France risquait de basculer dans le schisme ?
Les guerres de religion s'étendent sur un large temps, avec plusieurs souverains qui manoeuvreront différemment. Ce n'est pas un protestant qui assassine Henri III. Ce n'est pas un protestant qui salue tel un roi dans un Paris en barricades. Où est véritablement l'adversaire ?
Coligny occis, les choses auraient-elles changé ? Je ne le crois pas, Guise aurait trouvé une autre tête contre qui guerroyer et s'attacher au trône.
Louis XIV n'a rien "enduré" ni "supporté" quant à Louis XIII, on pourrait revenir sur sa position lors de la Guerre de Trente ans. Position qui d'ailleurs verra une France agrandie, plus forte mais -à ce moment- ennemie d'une Autriche qui n'entend plus transiger au niveau de la foi.
On pourra le lire avec Pascal reprenant Montaigne -injustement impliqué par les deux camps lors des guerres de Religion- ("Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà"), l'endroit est bien choisi... et je reprends La Bruyère :
[...Tout prospère dans une monarchie où l'on confond les intérêts de l'Etat avec ceux du Prince ... Nommer un roi "Père du peuple" est moins faire son éloge que l'appeler par son nom ou faire sa définition...]
Ceci n'est pas la période que je préfère et je possède bien des lacunes qui ne demandent qu'à être comblées.