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Message Publié : 28 Juil 2019 17:51 
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Thucydide
Thucydide

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j'ai lu (avec le plus grand intérêt) le livre intitulé "Le voyage de Magellan 1519-1522. La relation d'Antonio Pigafetta du premier tour du monde" (Editeur Chandeigne). Les auteurs décrivent avec beaucoup de précision les détails du voyage.
Ils démontrent en particulier que l'intention de Magellan n'était pas spécialement de faire le tour du monde, mais plutôt d'arriver aux Molluques par l'ouest (en passant sous les Amériques), c'est à dire en suivant une route traversant la partie du globe attribuée aux Espagnols par le traité de Tordesillas, et non pas par l'est (en passant sous l'Afrique) à travers la partie du globe attribuée aux Portugais. Son but était d'ouvrir une route commerciale très lucrative pour ses armateurs espagnols.
Il découvrit malheureusement, d'une part que la route était plus difficile qu'il ne l'espérait, d'autre part que les Molluques se trouvaient dans la moitié de la terre attribuée aux Portugais. Il en fut désespéré.
Pour déterminer ce point, si important, il lui fallait connaître la longitude de ces îles. Or pour connaître précisément la longitude d'un point du globe, il faut disposer soit d'une carte de l'endroit (ce qui n'était pas le cas à l'époque), soit d'une horloge donnant l'heure de son point de départ avec précision, la différence avec l'heure constatée sur place permettant de calculer facilement la différence de longitude. De telles horloges n'existaient pas à l'époque.
Ma question est donc la suivante : comment Magellan a-t-il calculé sa longitude arrivé aux Molluques (ou en fait avant d'y arriver) ?


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Message Publié : 28 Juil 2019 18:32 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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En notant l'heure d'apparition d'une éclipse solaire ou lunaire en deux points différents de la terre, on peut en déduire combien de degrés de longitude les sépare. En effet, l'éclipse est visible en plusieurs points de la terre au même instant, mais l'heure locale est différente comme on le voit avec les fuseaux horaires.

Cette méthode fut utilisée par des géographes de la Renaissance (Munster, Copernic, Gassendi), et je suppose aussi par Ferdinand de Magellan ou par son ami Francisco Serrão, découvreur des Moluques, avec qui il correspondait.


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Message Publié : 03 Août 2019 19:28 
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Thucydide
Thucydide

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La méthode des éclipses me paraît un peu difficile à envisager, tant par la rareté de ce phénomène que par l'absence de moyen de communication instantané.
Mais les éclipses lunaires font penser aux phases de la lune : si l'on a la possibilité de juger par exemple du moment précis où la lune est pleine, en disposant d'une table présentant l'heure des pleines lunes à venir calculée pour son point de départ, on peut effectivement calculer la différence d'heure et donc la longitude.
Quelqu'un peut il me dire si c'est cette méthode qui était utilisée ?


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Message Publié : 03 Août 2019 20:49 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 28 Avr 2006 23:02
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Michel-Andre Levy a écrit :
phases de la lune
C'est l'une des méthodes envisagées par Jean-Batiste Morin (c.1582-1686). Mais, c'est irréalisable en pratique, alors dès son époque, cela a été rejeté malgré son insistance.

Michel-Andre Levy a écrit :
La méthode des éclipses me paraît un peu difficile à envisager, tant par la rareté de ce phénomène que par l'absence de moyen de communication instantané.
Pourtant, je vous garantis qu'elle a été fréquemment utilisée, et qu'elle n'est pas très difficile à appliquer. De nombreuses lettres en attestent.

Pour la fréquence, le phénomène n'est pas si rare, sauf pour des éclipses totales quasi-parfaites qui sont celles qui intéressent actuellement les passionnés car leur but est de voir la couronne du soleil, les déviations des rayons lumineux des étoiles, ou les changements de couleur de la lune. Mais, pour le calcul de la longitude, des éclipses partielles suffisent. Il s'en produit environ deux fois par an, tant pour les éclipses solaires que pour les éclipses lunaires. Les éclipses lunaires ont l'avantage d'être visibles depuis une grande partie des endroits de la terre, alors que les éclipses solaires ne se voient que depuis des zones plus restreintes.

Pour l'instantanéité, elle est impossible en effet, mais elle n'est pas requise. Chaque observateur note simplement l'heure à laquelle il voit l'éclipse, puis envoie par courrier l'heure notée. Il n'est même pas nécessaire d'avoir deux observateurs différents. Un seul situé aux Moluques fait l'observation, car la longitude du Portugal est déjà connue. Le calcul se faisait grâce aux tables astronomiques, publiées à grand tirage, car elles servaient à la fois aux marins et aux astrologues. Les remarquables Tables rudolphines n'avaient pas encore été rédigées, ni même les Tables pruténiques, établis par un disciple de Copernic (mon avatar). L'ouvrage de référence de l'époque était les célèbres Tables alphonsines, qui donnaient déjà les dates et les horaires des éclipses de la lune avec une bonne précision.

L'observation d'une éclipse lunaire est la première que Copernic a réalisé lorsqu'il était étudiant en Italie et qu'il a commencé à s'intéresser à l'astronomie. C'était sûrement une observation très courante et facile à faire. Il me parait totalement impensable que Francisco Serrão et ses compagnons installés aux Moluques n'aient pas profité des éclipses pour en noter l'heure avec précision. Donc, au bout de quelques mois, ils connaissaient leur longitude. Ensuite, pour faire parvenir cette information à Magellan, cela a bien sûr pris un peu de temps supplémentaire.

Entre 1511, date d'arrivée de Serrao aux Moluques, et 1518, date du départ de Magellan, 7 années se sont écoulées, auxquels on peut retirer deux ans en prenant de la marge pour le temps de l'acheminement de l'information, ce qui laisse 5 ans, soit le temps pour 10 observations d'éclipses lunaires, et peut-être 3 éclipses solaires. C'est largement suffisant.


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Message Publié : 04 Août 2019 20:07 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 06 Sep 2009 18:15
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Je n'avais pas fait attention à votre avatar, en ligne avec votre érudition en la matière.
Les explications que vous donnez sont très précises et parfaitement éclairantes. Effectivement nul besoin de communication instantanée, les tables, disponibles à l'époque, suffisaient.
Merci beaucoup.


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Message Publié : 13 Août 2019 16:09 
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Plutarque
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J'ai de grands doutes sur le calcul d'une longitude un tant soit peu exacte, voire simplement approximative, avec une éclipse lunaire. Les tables alphonsines, très répandues jusqu'au 16e siècles sont fausses, et de beaucoup, surtout en ce qui concerne la lune, astre dont la position est une des plus difficiles à prévoir précisément par le calcul : ainsi, les erreurs sur les conjonction des planètes pouvaient atteindre plusieurs mois... D'autre part une éclipse de lune est un phénomène rare, pas forcément bien visible. Un autre inconvénient majeur des éclipses lunaires: il est difficile de désigner un instant particulier pendant l'éclipse et ceci à moins de 10 ou 15 minutes près (erreur d'environ 400km). Je pense que les résultats donnés par cette méthode, pour autant qu'il l'ai utilisée (existe-t-il quelques documents relatifs à l'utilisation de méthodes particulières pendant ces premiers voyages ?), ne sont guère plus précis que ce qui pouvait être obtenu par l'estime ( utilisation de la boussole et d'un loch pour estimer la vitesse du navire et par synthèse ensuite savoir où il est).

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Message Publié : 13 Août 2019 20:14 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Ce que dit Jean-Claude est sensé: la longitude se faisait surtout à l'époque à l'estime, par rapport à la dernière position connue, avec la vitesse (au loch), le compas, et les courants si ceux-ci étaient connus. Avec un relevé de latitude correctement mesuré, cela suffisait pour traverser les océans. "Depuis le dernier point il y a 12 heures, le bateau a marché à 5 noeuds, avec un courant dans l'axe de 3 noeuds, je suis sur le parallèle XXX, donc je suis là".

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Image message du Loire au Dalgonar, oct. 1913


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Message Publié : 13 Août 2019 22:16 
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Plutarque
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La réalisation du projet de Magellan impliquait la résolution d'un problème technique complexe, la détermination, avec une certaine rigueur, de la longitude de ces îles (les Iles Molluques). Pour résoudre cette question, Magellan a eu recours à l'astronome/astrologue Rui Faleiro. Faleiro a proposé trois processus pour obtenir la longitude: la latitude de la lune, les conjonctions et les oppositions de la lune avec le soleil (les Eclipses, en fait) et les autres étoiles (occultation ?) et la déclinaison de l'aiguille aimantée. Ce dernier aurait été la méthode qui avait sa prédilection car il explique la même chose en détail, alors que pour l’utilisation des autres il ne fournit pratiquement aucune information.
Cependant, le processus qui a été utile pendant le voyage a été le deuxième. Magellan a présenté la méthode aux pilotes et à André de San Martín, cosmographe qui avait remplacé Faleiro lors de l'expédition afin qu'ils puissent commenter la valeur des propositions de Faleiro. Les pilotes ont nié toute validité du texte, tandis que San Martín estimait qu'il serait possible d'obtenir les longitudes par la conjonction de la lune (Eclipses de soleil (?), le texte n'est pas clair ici, au moins pour moi). Le processus a été essayé plusieurs fois pendant le voyage avec des résultats raisonnables pour les capacités. techniques de l'époque.
Source : http://cvc.instituto-camoes.pt/arte-de- ... VMgjVDgpsM
Traduction Google et relecture.

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Message Publié : 13 Août 2019 23:11 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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On peut faire confiance à Oliviert qui est connu pour ses travaux sur Copernic.

Lorsqu’une même éclipse est observée en deux points différents, la différence des latitudes entre ces deux points est donnée par la différence des heures locales de l’observation. Il n’y a aucun calcul astronomique à faire. Pour de telles observations, les tables astronomiques ne sont utiles que pour prévoir le phénomène. Les éclipses solaires ne peuvent s’observer que sur une petite partie du globe terrestre mais les éclipses lunaires s’observent sur une largeur en longitude de presque 180°. On peut ainsi relever qu’une éclipse lunaire est vue à Lisbonne 8 h 19 mn plus tard en heure locale qu’à Macao et l’on en déduit simplement et avec exactitude que Macao se trouve 124° 40’ à l’est de Lisbonne. Les instants à relever sont le début et la fin de l’éclipse. Il peut y avoir une imprécision de quelques secondes, mais non de plusieurs minutes.

Les éclipses partielles ne sont pas des phénomènes très rares. Quelques années suffisent pour situer entre elles avec une incertitude de l’ordre de la dizaine de km les principales villes du monde.

L’estime est la seule méthode qui a permis jusqu’au milieu du dix-huitième siècle à un navire d’estimer sa position en longitude. Mais les voyages pouvaient durer des semaines et l’on avait largement le temps d’être complètement perdu. Les premières méthodes de navigation astronomiques reposaient sur les distances des astres par rapport à la lune. Même si la position de la lune est difficile à prévoir, dès la fin du dix-huitièmes, les éphémérides diffusées aux marins étaient suffisamment précises pour donner des résultats exploitables. La détermination de la longitude au moyen de mesures de hauteur et de la connaissance absolue du temps ne s’est banalisée qu’au milieu du dix-neuvième siècle.


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Message Publié : 14 Août 2019 8:39 
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Plutarque
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Rappelons que pour pouvoir déterminer la longitude d'un lieu terrestre L par rapport à un autre lieu terrestre O on a besoin de connaitre les heures locales en L et O d'un phénomène ponctuel visible simultanément de L et de O. Au 15e siécle et jusqu'au 19e il n'y a pas de moyen de communication instantané. La seule solution pour un observateur en L est de déterminer l'heure locale de L avec un cadran solaire, pour faire simple, et de déterminer l'heure locale de O au moyen d'un garde-temps: soit une horloge qu'il a emporté avec lui pendant son voyage et qui est restée exacte, soit d'utiliser des tables astronomiques qui ont prévu le phénomène en heure locale du lieu d'origine O.
Jusqu'au milieu du 18e siècle les seuls garde-temps envisageables sont les tables astronomiques. Mais, malheureusement, jusqu'au 17e siècle, les tables astronomiques sont très imprécises (*) et les renseignements qu'elles donnent emprunts d'erreurs assez monstrueuses qui disqualifient les méthodes astronomiques de calcul de longitudes. On peut dire que lorsque cela marchait c'était plus le résultat de hasards heureux que d'autres choses. La preuve que ces méthodes étaient inefficaces est démontrée par les efforts déployés par les états et astronomes pour résoudre ce problème des longitudes au 16e, 17e et 18e siècle. Problème qui sera résolu par Harrison et ses chronométres au 18e siècle.

(*) L'astronome moderne est un peu dérouté lorsqu'il examine des tables de cette époque; d'une part la terminologie est assez diffé
rente de celle d'aujourd'hui, mais surtout les résultats sont donnés avec un nombre impressionnant de décimales qui laissent supposer que l'on pouvait calculer des positions au millionième de seconde d'arc ! Cette précision est d'autant plus illusoire que les constantes ayant servi à l'élaboration des théories ont été déterminées très grossièrement, avec des instruments archaïques qui étaient très loin d'atteindre ne serait-ce que le degré. La notion d'erreur instrumentale était totalement méconnue, de même que la notion d'erreur personnelle; il faudra attendre Tycho Brahe pour que les observations astronomiques commencent à être faites convenablement.
Bruno Morando, Denis Savoie, Etude de la théorie du Soleil des Tables pruténiques

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Message Publié : 14 Août 2019 10:59 
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Jean Froissart
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Jean-ClaudeP a écrit :
l'estime ( utilisation de la boussole et d'un loch pour estimer la vitesse du navire et par synthèse ensuite savoir où il est).
En effet, l'estime permet un calcul de la position. La date et l'heure précises d'une éclipse de lune est un moyen complémentaire. L'un n'exclut pas l'autre, d'autant plus que ces expéditions étaient assez bien organisées. Elles ne concernaient pas que des commerçants illettrés et aventureux, mais aussi une élite européenne cherchant à mieux connaitre la Terre. Il y avait sûrement des personnes à bord de ces vaisseaux portugais qui connaissaient les mathématiques, la géographie et l'astronomie.

Jean-ClaudeP a écrit :
Les tables alphonsines, très répandues jusqu'au 16e siècles sont fausses, et de beaucoup, surtout en ce qui concerne la lune, astre dont la position est une des plus difficiles à prévoir précisément par le calcul : ainsi, les erreurs sur les conjonction des planètes pouvaient atteindre plusieurs mois... Bruno Morando, Denis Savoie, Etude de la théorie du Soleil des Tables pruténiques
Merci pour le livre que vous citez, que je ne connais pas. Jusqu'à présent je fais confiance au livre de Jannice Adrienne Henderson, On the Distances between Sun, Moon & Earth, According to Ptolemy, Copernicus, & Reinhold, Studia Copernica 30, Leiden, The Netherlands, 1991, E. J. Brill, 222 pages, contenant d'abondant calculs géométriques, préfacé par l'historien des sciences et astronome amateur anglais, John David North. Cette étude a montré, le contraire de ce que vous dites, à savoir qu'il n'y a pas eu beaucoup de progrès car les tables basées sur l'Almageste de Ptolémée étaient déjà relatives bonnes. (D'autres études ont été menées pour la validité des tables concernant les planètes par Otto Eduard Neugebauer, dont je ne possède pas les livres, mais dont il est rapporté qu'il a trouvé quelques écarts principalement pour les mouvements de Mercure qui est très proche du soleil. Ces écarts se chiffreraient en heures, mais pas en mois, à moins de cumuler des erreurs sur de très longues périodes. Mais les mouvements de Mercure sont hors sujet pour ce fil.) Pour les mouvements de la lune, Henderson les analyse en détail de la page 81 à 91, puis de la page 209 à 215. Elle trouve une éclipse annoncé à 5 heures, qui eut lieu en réalité à 4h36, et une autre éclipse annoncée à 22h10 qui eut lieu à 22h58.

Ces écarts de moins d'une heure sont largement acceptables, étant donné que le but est de savoir à l'avance dans quelle grosse tranche horaire aura lieu l'éclipse, afin d'organiser la mobilisation des scrutateurs du ciel. La longitude se fait en notant l'heure observée, pas en notant l'heure trouvée dans une table. C'est l'observation qui compte. Ensuite, le calcul se fait tout simplement par le décalage avec l'heure d'observation au Portugal. Et encore une fois, la communication instantanée est inutile. L'heure notée qui est envoyée par un courrier lent convient tout aussi bien.

Cependant, je ne dispose d'aucun document sur le cas de la longitude des Molluques avant 1518. Je ne fais que des suppositions, qui sont malgré tout inspirées d'autres cas :

Amerigo Vespucci écrit une lettre en 1502 où il rapporte qu'il a mesuré sa longitude par les éclipses et les conjonctions de la lune avec les planètes. Cette méthode fut connue d'autres scientifiques, tels que Johannes Werner dans In hoc opere haec continentur Nova translatio primi libri geographiae Cl. Ptolomaei, publié à Nuremberg en 1514, repris par Apianus, etc. Voir Wikipedia en anglais (https://en.wikipedia.org/wiki/History_of_longitude ).

Nicolas de Peiresc, lance une campagne d'observations de l'éclipse du 28 aout 1635. Voir le résumé dans le fichier PDF, aux pages 23 et 24 (http://clea-astro.eu/archives/cahiers-c ... 102_04.pdf ). Il y est dit : "Peiresc veut améliorer la méthode des mesures de longitudes. On utilisait alors les éclipses de Lune".


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Message Publié : 14 Août 2019 11:52 
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Plutarque
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Oliviert a écrit :
On the Distances between Sun, Moon & Earth, According to Ptolemy, Copernicus, & Reinhold, Studia Copernica 30, Leiden, The Netherlands, 1991, E. J. Brill, 222 pages,

Merci pour votre réponse et cette référence. Néanmoins je suis étonné de ce que vous dites sur la qualité des anciennes tables. Je vais essayer de me procurer cet ouvrage car cela m'intrigue beaucoup. Il est de fait que d'une part, il y a précision et précision et d'autre part incidence des erreurs sur un résultat cherché.
L'erreur de plusieurs mois que je citais concernait une conjonction de planètes lentes.

Citer :
C'est l'observation qui compte. Ensuite, le calcul se fait tout simplement par le décalage avec l'heure d'observation au Portugal. Et encore une fois, la communication instantanée est inutile. L'heure notée qui est envoyée par un courrier lent convient tout aussi bien.

Effectivement, dans un calcul de longitude cela suffit, des astronomes au Portugal observent toutes les éclipses à portée, de même dans l'autre lieu et ensuite on compare. Il ne reste que les erreurs liées aux instruments, aux observateurs et à la méthode pour perturber les résultats. J'étais plus dans un problème de navigation ou pour mesurer la longitude d'un navire, à un moment donné il est difficile d'attendre un courrier lent, ce qui fut le cas de Magellan dans son tour du monde, non ?

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Message Publié : 14 Août 2019 13:35 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Je corrige une coquille dans mon message précédent : lire longitude et non latitude.

Reprenons.

La question est : comment Magellan a-t-il calculé sa longitude arrivé aux Molluques

Magellan ne disposait d’aucun moyen de calculer sa longitude.
Pour autant, à son époque, une fois installé durablement en un point, il y avait moyen de relever l’heure locale d’un phénomène visible à la fois dans ce lieu et dans le lieu d’où l’on venait et de l’écart des temps locaux on pouvait déduire l’écart en longitude. Ce n’était pas un moyen de navigation, c’était un moyen de cartographie. La détermination précise de la longitude d’un lieu pouvait prendre plusieurs années. A supposer que Magellan ait observé un phénomène astronomique dans les Molluques visible également au Portugal et relevé à quelle heure locale il s’était produit, il lui fallait encore rentrer au Portugal pour faire le rapprochement entre ce qui avait été relevé au Portugal et ce qui avait été relevé dans les Molluques.

Jean-ClaudeP a écrit :
Jusqu'au milieu du 18e siècle les seuls garde-temps envisageables sont les tables astronomiques. Mais, malheureusement, jusqu'au 17e siècle, les tables astronomiques sont très imprécises (*) et les renseignements qu'elles donnent emprunts d'erreurs assez monstrueuses qui disqualifient les méthodes astronomiques de calcul de longitudes. On peut dire que lorsque cela marchait c'était plus le résultat de hasards heureux que d'autres choses. La preuve que ces méthodes étaient inefficaces est démontrée par les efforts déployés par les états et astronomes pour résoudre ce problème des longitudes au 16e, 17e et 18e siècle. Problème qui sera résolu par Harrison et ses chronométres au 18e siècle.
La détermination de la longitude en mer au moyen de mesures astronomiques est une opération qui ne commença à être réalisée que dans la seconde moitié du dix-huitième siècle. Elle requerrait tout d’abord un instrument de mesure des angles suffisamment précis. Ce fut le sextant. Deux voies ont été explorées.

La plus connue est celle qui a fini par s’imposer. Dans son principe, il s’agit de mesurer la hauteur d’un astre à un instant connu par rapport au méridien de référence et de résoudre une équation trigonométrique donnant la longitude en fonction de la hauteur et du temps. Il faut donc disposer, en plus du sextant, d’une horloge permettant de conserver la connaissance du temps avec une précision suffisante. Grossièrement, une erreur d'une minute d'angle entraîne une erreur d'un mille nautique et une erreur d'une seconde de temps une erreur d'un mille également. Dès la fin du dix-huitième siècle avec le sextant on approche de la minute d'angle mais il s'en faut encore beaucoup qu'on approche de la seconde de temps après quelques jours de navigation.

La seconde est celle dite des distances lunaires. Il s’agit tout d'abord de relever la distance angulaire d’un astre par rapport à la lune ainsi que l’heure locale du relevé. Ensuite, au moyen de tables, on cherche à quelle heure la lune et l’autre astre observé se trouvent éloignés de la même distance angulaire sur le méridien d’origine. Enfin, de cet écart horaire on déduit l’écart en longitude (15° de longitude équivalent à une heure). Il n’est donc pas nécessaire de disposer d’un garde-temps mais seulement d’une horloge suffisamment précise sur une durée d’une journée seulement.

La méthode des distances lunaires est plus fastidieuse que celle des hauteurs sur l’horizon et les erreurs de mesure se répercutent avec beaucoup d’amplitude mais elle fut longtemps employée en raison de la difficulté à disposer d’horloges suffisamment précises et fiables. En France, les travaux de Pingré, Lacaille et Borda ont porté sur la détermination de la longitude à bord des navires au moyen de la méthode des distances lunaires. Jusque dans les années 1850 cette méthode fut employée pour contrôler la dérive des horloges.

Harrison a fait faire un progrès considérable dans la fabrication des horloges mais il a été loin de résoudre définitivement le problème de la conservation du temps à bord des navires. Il n’a fabriqué que des prototypes et il a fallu encore plusieurs décennies avant que la présence de garde-temps (horloges de très haute précision servant de référence pour la conservation de l'heure exacte à travers le monde) à bord des navires ne soit banalisée. En fait, le problème n’a été véritablement définitivement résolu que lorsque des tops horaires ont été diffusés quotidiennement par radio, soit dans les toutes premières années du vingtième siècle.


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Message Publié : 14 Déc 2019 8:54 
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Hérodote
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Inscription : 12 Déc 2019 18:29
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Bonjour à tous!

J'arrive un peu tard sur ce sujet, mais je voudrais vous conseiller une lecture pour tout ce qui touche au calcul de la longitude, des origines à l'invention du chronomètre:
Dava Sobel, Longitude. L'histoire vraie du génie solitaire qui résolut le plus grand problème scientifique de tous les temps, Seuil, Paris, 1998, coll. Points Sciences.

Conseillé par ma prof d'histoire moderne pendant mon BAC en Histoire, il est de plus très agréable à lire.

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Civis mundi suum, communis omnium vel peregrinus magis ~ Erasme

Mon blog sur l'histoire de la danse: http://www.histoiredebal.com


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Message Publié : 14 Déc 2019 13:04 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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Ouvrage que je n'ai pas lu mais dont je ne doute pas qu'il soit à recommander.

Une petite correction tout de même : c'est L'histoire vraie du génie solitaire qui résolut le plus grand problème scientifique de son temps et non de tous les temps.

Dava Sobel est une vulgarisatrice scientifique américaine dont les ouvrages, notamment celui-ci, sont des best sellers. Elle s'est tout particulièrement intéressée aux progrès de l'astronomie et de la navigation à l'époque moderne. Le génie solitaire dont il est question est John Harrisson, l'horloger qui a réussi à relever le défi lancé par le Longitude Act de 1714 qui était de trouver un moyen pratique de déterminer la longitude avec une erreur maximale d'un degré. On doit admettre qu'il y est parvenu même si le parlement a rechigné à lui accorder le prix de 20 000 £ auquel il pouvait prétendre. Il a tout de même été récompensé mais d'un montant moindre. Qualifier Harrisson de génie solitaire est très exagéré. Il est exact qu'il a travaillé seul à la fabrication de ses chronomètres, mais tous les horlogers de l'époque travaillaient ainsi. C'étaient des artisans.

Comme je l'ai déjà dit, la fabrication d'un chronomètre précis et fiable ne suffisait pas à la détermination de la longitude. Exploiter des relevés astronomiques afin de déterminer la position d'un navire nécessite la diffusion aux marins d'éphémérides nautiques complètes, précises et, si possible, dénuées d'erreurs. Ce n'est pas simple. Ce fut un travail de longue haleine accompli par des observatoires astronomiques et des organismes spécialisés comme le Bureau des longitudes en France. Il faut aussi disposer d'un instrument permettant de mesurer des distances angulaires sur le pont d'un navire avec une précision de l'ordre de la minute d'angle, ce qui fut possible dans le courant du 18e siècle avec le sextant. Enfin, il faut qu'une méthode de calcul ait été mise au point. La méthode employée couramment, celle des droites de hauteur de Marcq Saint Hilaire ne date que de 1875.

Dans les faits, ce n'est qu'au cours de la seconde moitié du 19e siècle qu'un chronomètre équivalent à ceux fabriqué par Harisson fut présent sur tous les navires au long cours. Auparavant, on parvenait à s'en passer en employant la méthode des distances lunaires plutôt que celle de la hauteur des astres au-dessus de l'horizon. Dès que des tops horaires ont été diffusés par radio, dans les toutes premières années du 20e siècle, la question de la mesure du temps à bord des navires est devenue moins cruciale : on pouvait désormais recaler le chronomètre tous les jours.


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