Je suis en train de lire, ce, qui je pense, servira bientôt de référence dans l'historiographie du massacre de la Saint-Barthélemy.
Pour ceux qui n’ont pas le temps de lire le nouveau livre d'Arlette Jouanna, l’introduction peut suffire en elle-même, tant l'événement y est très bien résumé
Dans l'intro, Jouanna commence par raconter les horreurs du massacre, dans un récit qui ne peux nous laisser de marbre. L'historienne revient ensuite sur les deux grandes contradictions qui ont compliqué l'interprétation de l'événement :
Paradoxe 1 : le paradoxe des joyeuses festivités du mariage et l’horreur du carnage. Il y a entre le 22 et 24 aout, un tournant brutal qui a laissé déconcertés, médusés et ébahis, tous les contemporains. Le choc fut si rude que l'on a très vite cru que ce mariage était un piège et ce, tant du côté des catholiques que du côté protestant.
Il n'en est évidemment rien.
Arlette Jouanna décoche au passage une flèche sur Janine Garisson qui avait repris la thèse de la reine-mère paniquée à l'idée qu'on découvre que c'était elle qui est à l'origine de l'assassinat de Coligny, débouchant ainsi sur la nécessité du massacre.
Pour Arlette, tout ceci n'est que du roman ; "Cette reconstitution des événements a le mérite d'expliquer la volte-face ... et d'en proposer une lisibilité romanesque ; c'est sans doute la raison de sa longévité dans la mémoire collective".
Arlette Jouanna balaye donc la vieille historiographie qui accusait la reine.
(La flèche reste parfumée, car Jouanna rappelle que Garrisson s'est rétractée dans ses derniers ouvrages).
Paradoxe 2 : le paradoxe de l’attitude royale qui ordonne l’exécution des chefs militaires protestants, tout en ordonnant le respect de l’édit de tolérance. Après le massacre, le roi reste le principal protecteur des Réformés et le monarque défend qu’on touche à leurs vies et à leurs biens.
Il y a ainsi là une totale opposition entre le roi et son peuple. Celui-ci ne sait pas faire la distinction entre politique et religion et ne comprend pas l’attitude bienveillante du roi à l'égard des Réformés. Il n'a pas compris que jamais le roi (et la reine-mère) n'a voulu exterminer les protestants.
Dans cet ouvrage, Jouanna se rapproche bien de Crouzet qui avait insisté sur le sacrifice que cela avait coûté au pouvoir royal.