Encore un peu de lecture.
Dans le "Dictionnaire portatif historique et littéraire des théâtre, contenant l'origine des différens théâtres de Paris" (
http://www.cesar.org.uk/cesar2/books/leris/origine.php) écrit par M. de LERIS en 1763, je viens de lire ceci :
Citer :
(…)
Sous le regne de Saint Louis, les Pelerins qui revenoient des Lieux saints se mirent dans le goût de réciter & de chanter publiquement dans les carrefours de Paris, les cantiques qu'ils avoient composés sur leurs voyages: de riches particuliers, édifiés de ces déclamations, se cottisèrent & acheterent un lieu situé de façon, que ces Pélerins puissent élever un théatre & y chanter leurs cantiques plus commodément. Ce projet fut à peine exécuté, qu'on s'imagina de mettre la plûpart de ces cantiques en action, sous le nom de MYSTERE, & le premier qui fut représenté publiquement, fut le Mystere de la Passion. Le peuple applaudit si fort à ce spectacle, qui s'étoit donné au bourg de S. Maur, & y revint avec tant d'affluence, que le Prevôt de Paris craignant que cet entousiasme ne dégénérât en fanatisme, rendit le 3 Juin 1398 une Ordonnance, portant défense de représenter à l'avenir ce Mystere, ni aucune Vie des Saints.
Charles VI, sollicité par ces nouveaux Acteurs d'accorder leur rétablissement, voulut, avant que de rien statuer, juger par lui-même d'un spectacle qui avoit déja tant fait de bruit, & il en sortit, dit-on, si satisfait, qu'il leur accorda le 4 Décembre 1402 des Lettres pour former un établissement, afin qu'ils fussent à l'abri de toute crainte. En vertu de ce privilege, les Pélerins, qui prirent alors le titre de Confreres de la Passion, se placerent à l'Hôpital de la Trinité, où ils représenterent, toutes les Fêtes & Dimanches, des Mysteres tirés du Nouveau-Testament ; & les Curés même voyant que ces spectacles étoient très-agréables au Public, avancerent l'heure des Vêpres, afin que tous leurs Paroissiens pussent s'y trouver. Cet établissement fit un si grand bruit, que presque toutes les villes desirerent d'en former de semblables ; celles de Rouen, d'Angers & de Metz furent les premieres qui en fonderent : elles furent suivies par toutes les autres villes du Royaume, & malgré les guerres civiles, ces spectacles continuerent d'avoir la même réussite.
Comme dans la suite, cependant, la gravité de ces représentations de Mysteres commençoit à moins intéresser, les Confreres imaginerent de les entremêler de différens divertissemens : pour cet effet, ils s'associerent avec le Prince des Sots & ses sujets.
Ces Comédiens, ou pour mieux dire, ces Farceurs, s'étoient établis à Paris quelques années auparavant sous le nom d'Enfans sans souci : c'étoit des jeunes gens de famille, bien élevés, mais aimant l'indépendance & le plaisir, qui s'étoient formés en société. Ils avoient élu un Chef auquel ils avoient déféré le titre de Prince des Sots ou de la Sotise. lls réussirent d'autant mieux, qu'ils inventerent un genre de Farce qui renfermoit d'abord une critique fine & sensée des moeurs. Ils jouerent sur le Théatre de la Trinité jusqu'en 1540, avec le même succès. Mais les Confreres ayant été obligés de sortir de cette maison, ils louerent une partie de L'Hôtel de Flandre, s'y établirent, & y resterent jusqu'en 1543, que François I. ayant besoin de cette maison & de plusieurs autres qui l'environnoient, en ordonna la démolition ; ce qui leur fit prendre la résolution, afin de n'être plus obligés de déloger si souvent, d'acheter une partie de l'HOTEL DE BOURGOGNE (qui tomboit en ruine, & se trouvoit sans maître depuis la mort de Charles le Hardi, dernier Duc de Bourgogne, tué au siege de Nanci) d'y bâtir une salle avec un théatre, & d'y continuer leurs représentations ; ce qu'ils exécuterent. Ce bâtiment subsiste encore rue Françoise, & l'on y voit toujours sur la porte les instrumens de la Passion.
Quelque tems après, c'est-à-dire le 19 Novembre 1548, le Parlement confirma par un arrêt les privileges des Confreres de la Passion, mais à la condition expresse, de ne jouer à l'avenir que des sujets profanes, licites & honnêtes, & de ne plus entremêler dans leurs Jeux rien qui eût rapport aux Mysteres ou à la Religion, avec défenses à tous autres de s'immiscer en ces choses. La premiere disposition de cet arrêt les engagea à louer leur théatre à une Troupe de Comédiens, déja formée apparemment depuis que la Farce étoit à la mode, & ils se réserverent deux Loges, pour assister au Spectacle gratis ; c'étoit les plus proches du théatre, distinguées par des barreaux, & on les nommoit les Loges des Maîtres. (…)
En somme, le Parlement de Paris voulait éviter que les Mystères tournent à la farce...