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Message Publié : 12 Avr 2007 16:44 
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Localisation : Lorraine
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Magnat
Quelqu'un pourrait-il m'expliquer en quoi consistait cette crise? ]

Citer :
Bonnemine35
La crise de l'Avènement a eu lieu en 1661-62, soit lors de l'avènement de Louis XIV sur le trône de France. Cette crise est due à plusieurs facteurs : famines, épidémies, récoltes catastrophiques depuis 4 ans, promenade (!) et pillage des soldats du roi....
En tout, 3 millions de morts sur les 20 millions que comptait le Royaume..]

Citer :
Châtillon
Impressionnant !
Et moi qui pensait que ces superbes années de paix était celle de la prospérité ! Je ne connaissez absolument pas ça.
Et dire qu'à la même époque le roi débute à Versailles sa vie de roi soleil.
Avez vous d'autres précisions, notamment sur ce qu'a fait le roi ]

Citer :
Jean-Claude
Une petite chose me chiffonne... Crise de l'avènement en 1660-1661? C'est étrange, puisque c'est certes le début du règne personnel de Louis XIV, mais son avènement a lieu en 1643... Non?
Pour Châtillon: Louis XIV n'emménage à Versailles qu'en 1682, donc 20 ans après. Mais sur le fond cous avez raison, le décalage entre dépenses somptuaires de la Cour et détresse populaire est grand...]

Citer :
Ethelbert
Je ne suis pas un spécialiste de l'époque moderne, il s'en faut de très loin. Mais dans le cadre d'un reprise d'études, je suis en train de potasser livres et documents, en préparant des petites fiches sur des sujets basiques de la période.
Je viens de pondre ceci, et je souhaiterai avoir vos critiques dessus, afin d'améliorer mon document.

Vous pourrez constater que le lien mène vers un autre forum; il s'agit d'un forum ayant pour but de donner à ses visiteurs les clefs de base à l'étude des sciences historiques. Il s'agit grosso modo d'une banque de données, et non d'un espace de discussion. Rien à voir avec Passion-Histoire (pour lequel j'ai mis deux liens) hormis le domaine d'étude, bien sûr
Bon, j'arrête ma pub, et soumets ma prose à vos critiques. Merci d'avance de m'aider à progresser.]

Citer :
Plantin-Moretus
Oui, vous décrivez une crise de subsistance classique, celle-ci est connue comme étant « la crise de l’avènement ».
Votre fiche est en construction, difficile donc de donner un avis sur votre interprétation car le graphique que vous annoncez manque vraiment actuellement pour suivre vos explications. Le graphique présent, la description des courbes pourrait être allégée.

Pour développer, préciser ou conforter votre analyse, je vous conseille la lecture des pages que Braudel et Labrousse consacrent aux différents types de crises démographiques sous Louis XIV dans Histoire économique et sociale de la France, tome 2, PUF, 1970, en particulier les pages 38 à 46, où ils se livrent aux mêmes essais de description et d'analyse que vous et présentent à l’appui divers graphiques.
Marcel Lachiver (Les années de misère, Fayard, 1991) analyse lui aussi ces crises démographiques et leurs conséquences, mais malheureusement pour votre propos, son étude commence dans les années 1680 ; vous pourrez cependant y retrouver les mêmes mécanismes.

(En Ile-de-France, je ne pense pas que la moisson ait lieu en juin, peut-être devriez vous corriger quelques remarques à ce sujet).]

Citer :
Ethelbert
Le graphique est pourtant présent sur la fiche. Vous ne pouvez pas le visualiser ? Voici un lien direct vers l'image.
http://img104.imageshack.us/my.php?image=crisearqu5.png]

Citer :
Plantin-Moretus
Comme vous nous invitez à commenter votre fiche, je me lance un peu plus dans les détails :

D’abord quelques remarques méthodologiques :

Sur la forme du graphique :
La même ordonnée graduée en quantités absolues sert aux données démographiques et aux prix. Deux autres solutions me paraissent préférables : soit une ordonnée basée sur des indices, soit deux ordonnées, une pour la démographie, l’autre pour les prix, en choisissant pour celle-ci une échelle qui mette mieux en évidence les variations et donc rende les rapports entre les courbes plus lisibles; ce n’est pas tricher, car ces séries concernent des types de données complètement différentes.
Vous devriez aussi indiquer les années sous les mois, pour faciliter la lecture.

Sur le froment :
Votre source indique le prix du froment, probablement parce que les séries de prix sont bien plus complètes pour le froment que pour le seigle, le « bled », pain bis, pain noir, et même orge ou millet. Vous raisonnez donc en fonction des variations du froment, mais le problème est que la masse des gens en consomment très peu, car c’est la catégorie de blé la plus chère (le pain blanc). Le prix des céréales « populaires » connaît en fait des variations bien plus importantes, car l’augmentation du froment pousse ses consommateurs habituels à se contenter des autres, et donc ces céréales connaissent une demande très accrue, qui amplifie la hausse et pénalise encore plus les plus pauvres ; Lachiver (cité ci-dessus) note par exemple qu’à Pontoise en 1692-1694, le seigle connaît une augmentation 20 à 30 % plus forte que le froment.
Bien sûr, vous devez vous contenter des prix du froment, mais mentionner ce point permettrait de moduler l’interprétation.

Sur la nature de la mortalité :
La mortalité infantile est un facteur important d’explication, et vous l’évoquez à plusieurs reprises, mais elle n’apparaît pas sur le graphique, où on ne voit que la mortalité générale. Ce serait pourtant utile pour soutenir votre interprétation en ce sens du deuxième pic de mortalité au printemps 1663, qui paraît d’ailleurs logique (niveau soutenu des naissances de l’automne 1662 au printemps 1663, car récupération après la crise, mais enfants fragilisés physiquement dans des familles très vulnérables sur le plan économique, donc forte mortalité infantile). Mais en l’absence de données séparées, l’analyse est moins probante.

Ensuite sur l’interprétation, j’ajoute quelques pistes :

On remarque qu’en 1660-1661, les prix augmentent après la moisson, mais se stabilisent, voire baissent légèrement au moment de la soudure ; il me semble qu’il s’agit ici d’une spéculation consécutive à un stockage de précaution, plus que d’une véritable pénurie : il y a eu mauvaise récolte, c’est sûr, mais il y a du blé à vendre, simplement, il est vendu régulièrement et au compte-goutte, ce qui maintient les prix à un niveau élevé, mais sans flambée. Et même, les stockeurs s’apercevant qu’il reste du blé dans les greniers, le vendent en plus grande quantité au printemps avant de rentrer le nouveau.
En 1661-1662, même augmentation après une mauvaise récolte, mais une flambée se produit au moment de la soudure (mars-juin) ; les réserves étant cette fois épuisées, ce n’est plus une hausse de spéculation, mais de pénurie, qui est partiellement résolue par une meilleure récolte.

La corrélation prix-mortalité est déjà visible à l’automne 1660, où la mortalité suit la hausse des prix. Apparemment, ce sont les très très pauvres qui meurent en premier, ce qui expliquerait la baisse de la mortalité au printemps 1661, alors que les prix n’augmentent plus : tous ceux qui ne pouvaient assurer leur survie ont déjà disparu.
Par contre, la deuxième vague de cherté fin 1661 frappe davantage de monde, et la courbe des sépultures s’envole ; il y a à la fois un effet retard et un effet cumulatif : les familles qui avaient pu subsister jusque là ont épuisé leurs réserves, en nature et en argent ; le seuil de misère rattrape les personnes jusque là épargnées. Dans la catastrophe doivent disparaître beaucoup des enfants nés en hiver-printemps 1660-1661. Puis le même phénomène qu'au printemps 1661 se produit au printemps 1662: effet ciseau (la mortalité baisse alors que les prix continuent à augmenter, parce que la mort a fauché tous ceux qui ne pouvaient supporter ces prix élevés)
Vous avez raison de parler de malnutrition plutôt que de famine, car tous ne meurent pas de faim, mais plutôt des maladies provoquées par des nourritures de substitution comme les céréales encore vertes ou pourries, la viande avariée des bêtes crevées, les herbes cuites des chemins (d’où des maladies digestives ravageuses car se transformant en épidémies).

Citer :
Ethelbert
Citer :
Sur la forme du graphique :
La même ordonnée graduée en quantités absolues sert aux données démographiques et aux prix. Deux autres solutions me paraissent préférables : soit une ordonnée basée sur des indices, soit deux ordonnées, une pour la démographie, l’autre pour les prix, en choisissant pour celle-ci une échelle qui mette mieux en évidence les variations et donc rende les rapports entre les courbes plus lisibles; ce n’est pas tricher, car ces séries concernent des types de données complètement différentes.

Effectivement, votre remarque paraît le bon sens même. Je vais voir comment intégrer un seconde courbe dans mon graphique (je dois avouer que je ne suis pas très connaisseur des fonctionalités des programmes de type Excel).
Citer :
Vous devriez aussi indiquer les années sous les mois, pour faciliter lalecture.

C'est ce que j'avais commencé à faire, mais j'ai préféré opter pour une autre présentation. Avec le recul, ce type de présentation alourdit le graphique; je vais donc suivre votre conseil.

Citer :
Sur la nature de la mortalité :
[...] en l’absence de données séparées, l’analyse est moins probante.

Malheureusement, les seules sources à ma disposition ne font pas la part des choses. Les chiffres étant tirés de registres paroissiaux, je ne sais pas si les curés de l'époque indiquaient l'âge des personnes décédées. Et dans tous les cas, cela n'a pas été retranscrit dans le tableau de données dont je dispose. Il est vrai qu'une courbe de mortalité infantile rendrait l'analyse plus claire.

Concernant l'interprétation en elle-même, je n'avais pas songé à une crise due à la spéculation. Ma foi aveugle en l'être humain m'a totalement masqué cet aspect des choses
Concernant votre deuxième remarque, vous avez réussi là où j'ai échoué: je n'arrivais pas à exprimer les idées que vous avancez.

Je vous remercie beaucoup de vos remarques et des pistes de réflexion que vous me proposez, ainsi que de l'aide dans la formulation de certaines analyses.]

Citer :
Plantin-Moretus
Sur la spéculation:
La spéculation ne joue à plein qu'en cas de mauvaises récoltes donc les deux sont liées, mais en effet, il faut considérer que les cours des céréales ne traduisent pas les quantités récoltées, mais les quantités disponibles sur les marchés.
Dans les campagnes reculées, l'écart entre les deux est faible, mais près des villes, et a fortiori de Paris, ce qui est votre cas, ce facteur est à prendre en compte très sérieusement, les bourgeois (et aussi le clergé parisien, voir le chapitre de ND-de-Paris, premier propriétaire foncier du BP, si je me souviens bien) possèdent une forte proportion des terres et n'ont aucun scrupule à accaparer pour faire le maximum de bénéfices, une fois qu'ils se sont eux-mêmes mis à l'abri de la disette...
Et même quand il n'y a pas de spéculation volontaire (on peut espérer le penser de la part des gens d'Eglise), il y a anticipation de la hausse, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours complètement négatif, car cela permet de "lisser" les ventes et donc de tenir sur une plus longue période; mais évidemment, pour les plus fragiles, il n'y a pas de différence...]

Citer :
Virginie
La crise de subsistance 1661 est une crise de 3 années improprement appelée « crise de l’avènement » par l’historien Pierre Goubert. Elle fut un évènement imprévisible qui frappa l’ensemble du royaume. Elle était due à la cherté aiguë des céréales et une crise démographique d’une exceptionnelle gravité. La récolte de 1660 a été médiocre, ne laissant pratiquement aucun excédent. Dès juin 1661, au moment où se précisent les pires craintes sur la future récolte (« été pourri »), à cause d’un accident climatique(fortes chaleurs suivies de pluies torrentielles) les prix commencent à monter. Ils vont quadrupler, parfois davantage, et se maintiennent à ce niveau prohibitif pour le plus grand nombre, jusqu’à la belle récolte de 1663, parce que celle de 1662 à aussi été inférieure à la normale. A Paris, le prix moyen du setier (ancienne mesure de capacité pour les grains et les matières sèches variant entre 150 et 300 litres environ) de froment passa d’un minimum de 13 livres en 1657 à un maximum de 33,70 en 1662, (maximum absolu à Paris pour toute l’époque moderne), puis redescendit jusqu’à un nouveau minimum en 1669.
Louis XIV écrit dans les Mémoires pour l’instruction de Dauphin « la stérilité de 1661, quoique grande ne se fit proprement sentir qu’au début de l’année 1662, lorsqu’on eu consommé, pour la plus grande partie, les blés des précédentes. Mais alors, elle affligea tout le royaume comme si Dieu, qui prend soin de tempérer les biens et les maux eût voulu balancer les grandes et heureuses espérances de l’avenir par une infortune présente ». Un autre passage des Mémoires montre que Louis XIV connaissait les modalités dramatiques d’une telle crise : la spéculation de la part de certains détenteurs de grains, les « grandes maladies que la mauvaise nourriture mène après elle », « les laboureurs contraints de quitter le travail des terres pour aller chercher ailleurs la subsistance dont ils étaient pressés »…
Dans cette crise il est sans grand intérêt de faire la part, dans la surmortalité postérieure à l’automne 1661, entre la famine et les épidémies. Lorsque la maladie a précédé la famine, celle-ci a certainement achevé des convalescents qui auraient pu se remettre en temps normal. Lorsque la crise de subsistance a précédé l’épidémie, la famine née de la cherté a tué, parfois directement, mais plus souvent par le relais de la maladie.
Par crainte des désordres et des émeutes, le roi fait acheter du blé en Bretagne, en Guyenne et à l’étranger et le fait distribuer gratuitement dans certaines villes. Dans les villes, les autorités essayent d’organiser les secours, soutenues par des initiatives privées charitables. Dans les campagnes, ce n’est que sur ces dernières que les malheureux peuvent compter, qui restent sur place ou vont errer sur les routes. Mais ces initiatives sont dérisoires face à l’ampleur de la crise.
Partout les chiffres fournis par les registres paroissiaux confirment l’étendue de cette crise. Là où ils sont bien tenus par les curés de paroisse (ce qui est exceptionnel avant les années 1670), on peut constater l’effondrement des mariages et des naissances et la hausse du nombre de décès. Alors qu’en temps normal le nombre des décès est de 600 000 à 700 000 par an, il sans doute de l’ordre du million président chacune des trois années 1661, 1662 et 1663 (même si 1/3 du royaume a été épargné). En 1664, la chute du nombre des décès a sans doute amputé d’un million à un million et demi d’habitants par rapport à 1660.
Dans ses Mémoires, le roi consacre un passage aux initiatives qu’il a su prendre pour faire face à cette crise et la leçon qu’il en a tiré : « Que si Dieu me fiat la grâce d’exécuter tout ce que j’ai dans l’esprit, je tâcherai de porter la félicité de mon règne jusqu’à faire en sorte, non pas à la vérité qu’il n’y ait plus ni pauvre ni riche, car la fortune, l’industrie et l’esprit laisseront éternellement cette distinction entre les hommes, mais au moins qu’on ne voie plus dans tout le royaume ni indigence, ni mendicité, je veux dire personne, quelque misérable qu’elle puisse être, qui ne soit assurée de sa subsistance, ou par son travail ou par un secours ordinaire et réglé ». Son beau dessein ressemblait quelque peu à de l’utopie.

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