Daniel Dessert est moins laudateur que François Bluche :
Louis XIV avait hérité d'une monarchie de sept cents ans. Il lègue à ses héritiers une couronne qui n'a plus que soixante-dix ans à vivre. Les vrais monarchistes devraient le haïr. Il a creusé lui-même la tombe de la royauté.
Ceux qui présentent Louis XIV comme un roi habile et manoeuvrier ont une vision du pouvoir théâtrale et sublimée .
Daniel Dessert a particulièrement étudié les finances au 17e siècle. On lui doit une biographie de Louis Fouquet et une thèse sur le monde de la finance dans laquelle il montre un Louis XIV manipulé par les financiers avec, à leur tête, Colbert qu'il déteste : « Humilité feinte », « arrivisme implacable », « avidité », « pratiques mafieuses », « méthodes terroristes » , « vindicatif et rapace » , « manipulateur sans scrupule », « menteur » , « charognard ».
Saint-Simon l'avait précédé dans les vacheries :
Le roi était devenu dévot, et dévot dans la dernière ignorance. À la dévotion se joignit la politique. On voulut lui plaire par les endroits qui le touchaient le plus sensiblement, la dévotion et l'autorité. On lui peignit les huguenots avec les plus noires couleurs: un État dans un État, parvenu à ce point de licence à force de désordres, de révoltes, de guerres civiles, d'alliances étrangères, de résistances à force ouverte contre les rois ses prédécesseurs, et jusqu'à lui-même réduit à vivre en traités avec eux.
La révocation de l'édit de Nantes sans le moindre prétexte et sans aucun besoin, et les diverses proscriptions plutôt que déclarations qui la suivirent, furent les fruits de ce complot affreux qui dépeupla un quart du royaume, qui ruina son commerce, qui l'affaiblit dans toutes ses parties, qui le mit si longtemps au pillage public et avoué des dragons, qui autorisa les tourments et les supplices dans lesquels ils firent réellement mourir tant d'innocents de tout sexe par milliers, qui ruina un peuple si nombreux, qui déchira un monde de familles, qui arma les parents contre les parents pour avoir leur bien et les laisser mourir de faim; qui fit passer nos manufactures aux étrangers, fit fleurir et regorger leurs États aux dépens du nôtre et leur fit bâtir de nouvelles villes, qui leur donna le spectacle d'un si prodigieux peuple proscrit, nu, fugitif, errant sans crime, cherchant asile loin de sa patrie; qui mit nobles, riches, vieillards, gens souvent très estimés pour leur piété, leur savoir, leur vertu, des gens aisés, faibles, délicats, à la rame, et sous le nerf très effectif du comité, pour cause unique de religion; enfin qui, pour comble de toutes horreurs, remplit toutes les provinces du royaume de parjures et de sacrilèges, où tout retentissait de hurlements de ces infortunées victimes de l'erreur, pendant que tant d'autres sacrifiaient leur conscience à leurs biens et à leur repos, et achetaient l'un et l'autre par des abjurations simulées d'où sans intervalle on les traînait à adorer ce qu'ils ne croyaient point, et à recevoir réellement le divin corps du Saint des saints, tandis qu'ils demeuraient persuadés qu'ils ne mangeaient que du pain qu'ils devaient encore abhorrer. Telle fut l'abomination générale enfantée par la flatterie et par la cruauté. De la torture à l'abjuration, et de celle-ci à la communion, il n'y avait pas souvent vingt-quatre heures de distance, et leurs bourreaux étaient leurs conducteurs et leurs témoins. Ceux qui, par la suite, eurent l'air d'être changés avec plus de loisir, ne tardèrent pas, par leur fuite ou par leur conduite, à démentir leur prétendu retour.
|