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Si Longwy n'avait pas été fortifiée, je pense qu'elle n'aurait pas restisté aux nombreux sièges qu'elle a subi.
A propos de Longwy, voici une partie d'un petit topo que j'avais rédigé il y a quelques années sur le siège de 1792; l'introduction porte sur la genèse de la place et son devenir jusqu'en 1792, je ne vous en donne que la partie concernant ce forum, mais il pourrait être utile pour comprendre d'utiliser une carte topographique des lieux, ou Google Earth.
Edit: Bon, voilà une carte que j'ai retrouvée pour expliquer le site de Longwy (le commentaire est après l'extrait de texte):
I. SITUATION ET VALEUR DE LA PLACE FORTE
1. Longwy, « le choix du prince »
Après les traités de Nimègue en 1678-1679, qui donnèrent définitivement Longwy à la France, le projet d’y construire une place fortifiée prit immédiatement corps. Monsieur de Choisy, ingénieur des fortifications, chargé par Vauban d’établir un relevé des sites possibles, en proposa alors trois, parmi lesquels le roi choisit contre l’avis de Vauban, non le site le plus approprié sur le plan militaire, mais celui qui permettait de développer la ville que le roi entendait y implanter. Les privilèges accordés en 1684 confirmèrent d’ailleurs cette option.
On négligea alors les commandements qui pourtant déterminaient en grande partie l’efficacité d’un bombardement. A la fin du XVIIème siècle, dans son « Traité des Fortifications », Vauban préconisait une distance de 1400 toises (720 m) pour l’établissement des concentrations de troupes par rapport aux lignes assiégées, lors de l’attaque d’une place. Autour de Longwy, il était possible partout à l’artillerie ennemie de se positionner à une distance moindre tout en dominant la place, la seule limite étant qu’elle s’exposait ainsi à une riposte plus précise des assiégés. Ce danger, patent à la construction, était devenu plus grave encore à la fin du XVIIIème siècle, les pièces de 12 prussiennes ayant alors une portée maximum de 2000 m et une portée utile et précise de 900 m.
Vauban était tout à fait conscient des handicaps du site choisi : « Il est aysé de voir que la troisième [solution] l’emporte sur les deux autres et qu’il n’y a pas à balancer sur le choix, puisqu’il est sans difficulté que cette dernière mérite la préférence de toutes les manières ». (Mémoire de Mr de Vauban, 13 juillet 1679)
Il doutait même de l’utilité d’une place forte dans cette région de la frontière. Certes, en bon courtisan dut-il approuver la volonté du roi. Il faut cependant reconnaître que le réseau de places était assez lâche en cet endroit, et que Longwy commandait, face à la place espagnole de Luxembourg, l’entrée d’un vaste plateau qui pouvait mener facilement une armée ennemie jusqu’aux Côtes de Meuse. Mais Vauban avait écrit quelques mois auparavant à Louvois (13 novembre 1678) : « Je partirai demain d’icy [Valenciennes] pour Bavay et Maubeuge et bien que je ne crois pas qu’une place au dit Bavay puisse être bonne à autre chose qu’à garder la lune des loups, non plus qu’une autre à Longwy, je ne laisserai pas de vous en rendre fidèlement compte ».
En 1694 encore, il rédigea un mémoire sur les places dont le roi pourrait se défaire en faveur d’un traité de paix : « Cette place n’a été bâtie que parce que celle de Luxembourg n’était pas à nous. Maintenant que nous la possédons [elle avait été prise le 3 juin 1684], si elle nous reste, Longwy ne nous servira de rien, c’est pourquoi je tiens qu’on peut la raser. Le Roi y gagnera encore 250 000 livres de rente par l’épargne de son Etat-major, de deux bataillons de sa garnison, de l’hôpital, de l’artillerie, et de l’entretien de ses fortifications où il y a toujours à refaire ». Ce passage prouve, en dehors du peu d’attachement du créateur pour son oeuvre (mais était-ce vraiment la sienne ?), que les fortifications présentaient, dix ans à peine après leur construction, des défauts d’oeuvre, pour ne pas dire des vices de réalisation.
2. Une place laissée à l’abandon
Le traité de Ryswick rendant Luxembourg à l’Espagne, Longwy retrouvait pourtant une certaine importance. Vauban proposa alors en 1698 un plan de développement de la place forte qui ne fut pas réalisé faute d’argent, et parce que l’Espagne devint deux ans plus tard notre alliée. Ce projet devait pourtant remédier au défaut majeur du site, en étendant l’emprise sur l’espace qui commandait topographiquement la place, et d’où pouvait partir une attaque massive vers les fronts bastionnés entourant la porte principale (la Porte de France).
Faute de ces aménagements, la place resta au XVIIIème siècle une forteresse d’importance moyenne. Tout au plus nota-t-on quelques passages de troupes qui troublèrent à peine la torpeur de la ville.
Auguste de Filley (ingénieur du génie à Longwy), dans une série de dix « Mémoires » datés de 1775 remarquait d’ailleurs que « cette ville n’a jamais vu les armées ennemies dans ses environs ». [...]
(Remerciements à mon collègue J.B. pour les docs qu'il m'a communiqués)
Commentaire avec la carte proposée: Vauban voulait construire la place sur cette colline allongée et boisée (le bois de Châ)qui dominait le centre de la vallée, mais le roi l'a trouvée trop étroite, car il voulait une véritable ville. Mais en 1815 et en 1871, les assaillants placeront leur artillerie sur cette colline plus haute que le rebord du plateau. L'emplacement choisi, comme vous le constatez, est largement vulnérable sur tous ses côtés sauf au sud-est, où la courtine surplombe un ravin à pic. On a tenté ensuite de rectifier cette position en construisant cet "ouvrage à cornes" au nord-est, sans grand effet.
L'aménagement prévu par Vauban en 1698 mais non réalisé devait se faire au sud-ouest, devant la porte de France (l'autre, diamétralement opposée était la Porte de Bourgogne, aujourd'hui disparue)
En 1792, d'ailleurs, la place ne tiendra que 3 jours, et se rendra sans combattre; les rapports entre soldats, officiers et corps de ville lors de ce mini-siège sont d'ailleurs passionnants, mais c'est une autre histoire...
Pour les autres sièges que vous évoquez, effectivement, Longwy montra son utilité: en 1815, elle résista 16 jours devant un corps d’armée prussien et westphalien avant que la garnison, réduite à 200 hommes (dix fois moins qu’en 1792), ne capitulât ; en 1870-1871 encore, la place certes restaurée mais dépassée par des moyens d’investissement beaucoup plus perfectionnés, a tenu du 20 août au 25 janvier. Et enfin, en 1914 encore, elle tient 3 jours, et est presque totalement rasée. On a donné le nom de son commandant, le Lt-Colonel Darche, à la place d'armes, et Longwy reçut en 1920 la Légion d'Honneur.