Jerôme a écrit :
Je pose peut-être une question banale mais peut on me dire s'il a existé un lien plus ou moins fort entre la guerre civile anglaise qui va en gros de 1640 à 1648 et la fronde française qui va de 1648 à 1652.
La chronologie est proche.
Le sujet (l'absolutisme royal) aussi.
Même si le parlement anglais était très différent des parlements français évidemment.
Qui peut éclairer ma lanterne ?
Je dirais qu'il y a un lien indirect, la lutte contre "l'absolutisme", comme diraient les uns, ou les tentatives de mises en place d'un système pérenne de financement de l'État. Et cela concerne tout l'espace européen sur une longue période.
Pour commencer, je voudrais vous parler de
Pierre de Hagenbach. Il s'agit d'un noble alsacien, qui était au service du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire. Pierre de Hagenbach gérait les terres alsaciennes sous la dépendance du Duc de Bourgogne, et devait en améliorer les rendements pour son maître. À cette époque, on voit un formidable augmentation des dépenses liées à l'introduction de l'artillerie. Et donc, de nouvelles façons de faire la guerre. Pierre de Hagenbach va se retrouver en butte à une révolte qu'il va tenter de noyer dans le sang, il sera lâché par son seigneur et va finir exécuté.
Pourquoi la révolte ? En fait, le principal reproche, c'est qu'il va tenter de mettre de l'ordre dans l'empilement des droits et des taxations sur les terres appartenant à Charles le Téméraire. Le problème est que cela revient à contrecarrer la raison d'être d'une partie de la noblesse intermédiaire et des moyens de subsistance de cette classe "intermédiaire". Souvent, ces nobles gèrent la répartition de l'impôt demandée par le suzerain, et récoltent leur part au passage. Suite à l'exécution de Pierre de Hagenbach, Charles le Téméraire va abandonner l'idée d'améliorer le système de perception des impôts.
Mais cette idée est reprise par d'autres. Charles Quint, par exemple. Et lui aussi, va se retrouver en butte aux révoltes de ses vassaux. En France, l'administration royale va tenter, à plusieurs reprises, de réformer le système, ce qui finira par conduire à la Révolution, et à la remise à plat de tout le système fiscal.
Durant plusieurs siècles, quand on dénonce le "despotisme" des monarques, en réalité, on dénonce le fait de ne plus vouloir passer systématiquement par les assemblées parlementaires tenues par les nobles pour le paiement des impôts. Dans de nombreuses régions ou provinces, la répartition des impôts passe par un parlement, ou une réunion dans laquelle siègent des nobles. Le souverain demande à chaque assemblée une somme qui correspond à ce que ses services pensent pouvoir obtenir de la région concernée. Le parlement examine la demande, fait souvent des contrepropositions, puis accède à la demande du suzerain. Puis, répartit entre les personnes imposables les sommes à payer.
Un peu partout, les suzerains aimeraient améliorer le système en prélevant directement les impôts. Dans les faits, il y a une tendance à la centralisation de toute l'administration. Mais, presque partout, le résultat est le même : révolte des nobles, troubles, et généralement retour au statu quo ante bellum. Le suzerain finit par accepter que perdure la situation initiale en raffermissant le droit des parlements.
En fait, je pense qu'il doit y avoir quelques exemples plus anciens que la tentative de Charles le Téméraire de réformer le système. En fait, c'est l'aventure napoléonienne qui va permettre la réforme sur l'ensemble de l'Europe en jetant à bas les anciennes administrations.