A propos des journées des 5 et 6 Octobre, on oublie de dire qu'elles n'eurent rien de spontané et furent provoquées pour obtenir de Louis XVI la sanction des décrets consécutifs au 4 Août et à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
En effet, depuis août et pendant tout le mois de septembre, le Roi et l'Assemblée sont en conflit à ce sujet. Voilà que le
faible Louis XVI ose résister à la volonté de la Nation assemblée et tente de défendre son pouvoir.
Durant la seconde quinzaine d'août, les débats font rage sur l'organisation future des pouvoirs publics. Les Monarchiens ( Malouet, Mounier, Clermont-Tonnerre) sont favorables à l'octroi au Roi d'un veto suspensif. Les Patriotes (Du Port, Barnave, Lameth, Sieyes) refusent toute idée de veto.
Le 2 Septembre, Barnave propose un compromis : oui au veto si le Roi accepte de sanctionner les décrets des 4 aux 11 Août qui, avec la déclaration des droits du 26 Août, concrétisent la fin de l'édifice social d'Ancien Régime.
Le 18 Septembre, le Roi répond : son hostilité se cache sous une critique minutieuse et juridique des arrêtés.
L'Assemblée revient à la charge le 21. Louis XVI accepte de publier les décrets mais en refuse la promulgation qui, seule, les rendrait exécutoires.
Dans le même temps, il fait venir de Douai le régiment de Flandres qui arrive à Versailles le 23.
Son arrivée inquiète le camp "patriote", la capitale. On évoque ouvertement l'éventualité d'une nouvelle "journée" qui forcerait le Roi au recul. La Fayette et Bailly ne peuvent l'ignorer mais ne se mettent pas en travers.
Il ne manque que l'étincelle.
Le banquet de bienvenue que les Gardes du Corps offrent au régiment de Flandres, le 1er Octobre, en offrira une excellente.
On prétendra que la cocarde tricolore a été foulée au pied, que les soldats ont arboré la cocarde noire de la Maison d'Autriche....etc.
Toutes ces rumeurs habilement entretenues, développées, atteignent Paris le 3 Octobre.
Le 4, au Palais-Royal, on réclame de marcher sur Versailles. Le lendemain, l'insurrection s'organise. Une majorité de femmes se rassemble à l'Hôtel de Ville et prend la route de Versailles avec à sa tête Maillard, l'un des vainqueurs de la Bastille. Le cortège arrive à Versailles vers 16h30.
Après le départ des femmes, les gardes nationaux s'assemblent à leur tour et veulent suivre les femmes à Versailles. La Fayette, arrivé bien tard, tente de les en dissuader durant plus d'une heure, mais le chef doit suivre ses troupes, suivies par des Parisiens armés, peuple et bourgeois mêlés.
Les femmes arrivent à Versailles alors que le Roi a fait connaître à l'Assemblée son refus de sanctionner la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Rentré précipitamment de la chasse, le Roi reçoit une délégation de femmes, conduite par Mounier et leur promet de faire ravitailler Paris.
Mounier demeure au château attendant une réponse royale sur la sanction des décrets.
Par un message de La Fayette, Louis XVI apprend que les gardes nationaux marchent sur Versailles.
Vers 20 heures, Louis XVI se soumet et notifie, par écrit, à Mounier, son acceptation des décrets.
A 23 heures, La Fayette se présente devant le Roi avec 2 commissaires de la Commune et réclame le retour de la famille royale à Paris.
Puis, il dispose les troupes en accord avec les officiers du Roi. Louis XVI remet sa décision au lendemain.
La foule campe sur la place d'armes et dans les couloirs des Menus, interrompant bruyamment les débats de l'Assemblée.
Puis, ce seront les événements bien connus, à l'aube du 6 Octobre : le château envahi par l'escalier de la Reine, le massacre de quelques gardes du corps, la fuite de la Reine pour rejoindre l'Oeil-de-Boeuf et la chambre de parade de Louis XIV, l'épisode du balcon ( le Roi annonçant qu'il accepte de partir pour Paris, la Reine seule face à la foule hostile ) et en triste épilogue, le départ de Versailles pour Paris, à 13 heures.
La monarchie quittait son sanctuaire et se retrouvait prisonnière aux Tuileries.