@Jerôme : Oui ce moment est peut-être décisif mais il en fait un peu trop ou en dit trop peu pour "démythifier" ce "culte".
La dernière fois que j'ai eu l'occasion d'écouter M.Gauchet sur Robespierre, il confirmait en disant à France culture : " Il veut fonder la République, il va essayer de promouvoir le culte de l’Être suprême. Personne ne comprend plus ce qu’il veut faire. Il en ressent une espèce de désespoir qui l’isole politiquement. Ils perdent confiance en sa capacité de diriger." (29 octobre 2018).
Ce qui me gêne c'est le manque de nuance en reprenant le mot culte sans le préciser. Je rejoins bien H.Leuwers là-dessus: " Son objectif [Robespierre] est notamment d'affirmer l'existence de l’Être suprême et de l'immortalité de l'âme non comme un dogme, mais comme une exigence sociale". Il ajoute plus loin "Pour Robespierre, il n'est cependant pas question d'instaurer un "culte", au sens fort du terme. Il est vrai que le mot apparaît dans le rapport, mais il renvoie à la nécessaire déférence des hommes pour la divinité ; dans l'article 2 du décret, cette fois, Robespierre précise que "le culte digne de l’Être suprême est la pratique des devoirs de l'homme", rien de plus". "Ce que propose Robespierre c'est une sorte de religion civile, comme l'a conçue Rousseau [...]". "Robespierre revient enfin sur l'idée d'une "éducation publique". [...] "il rappelle son attachement à une pédagogie à la Lycurgue ("La patrie a seule droit d'élever ses enfants") et surtout esquisse un grand plan de fêtes publiques". p.332 à 334 de sa bio sur Robespierre (poche).
Vous remarquerez que j'ai employé le mot culte dans mon premier message, je n'avais même pas fait attention car c'est l'expression connue. Toujours est-il que cela me semble bien civique, je crois Leuwers là-dessus en lisant le programme des fêtes: 14 juillet, 10 août, 21 janvier, 31 mai + fêtes pour la morale ou la politique (liberté et égalité, république, vérité, justice,...), de sentiments (amour, foi conjugale...), des âges de la vie (jeunesse, vieillesse..., etc)
Je ne vais pas revenir non plus sur le "personne" car c'est évidemment faux.
@Jefferson: Oui! On a même des noms d'ennemis déclarés: Ruamps, Maribon-Montaut Thirion. Lecointre l'a appelé tyran et dictateur.
Sur l'athéisme il a fait fort. Voici une description (p.335): Ce 8 juin, comme président, il est maître de cérémonie. Dans un costume "bleu céleste", il rejoint les députés rassemblés dans des tribunaux adossés au Palais national. [...] Robespierre s'approche d'un représentant de l'athéisme, à laquelle il met le feu. Elle s'embrase, se consume et laisse apparaître la Sagesse, un peu ternie par les flammes." ______________________________________________________________________________________________________________________________ Finalement, il me semble que l'Etre suprême ravive des tensions et divise, mais cela n'est qu'un élément parmi d'autres. Il y a quand même beaucoup d'autres choses qui se passent. D'ailleurs, dès le 22 mai (3 prairial), Henri Admirat, homme d'une cinquantaine d'années avec deux mauvais pistolets tente de tuer Robespierre car il attribue ses difficultés (sans emploi) à la Convention. Il y a aussi Cécile Renault, qui dit vouloir voir à quoi ressemble un "tyran" le lendemain... En se baladant avec des couteux sur elle.
Là où je rejoins Furet (qui reprend pas mal Tocqueville et Arendt je le répète) Gauchet ou d'autres (et Martin? Je n'ai pas lu son ouvrage mais j'ai apprécié son travail sur la Vendée) c'est qu'il y a quelque chose de bien étrange, craspec voire dérangeant entre d'un côté une certaine liturgie civique (Être suprême) et cette loi qui durcit le fonctionnement du Tribunal révolutionnaire et fait tourner la guillotine. Mais pour Couthon, Robespierre et d'autres cela n'est que l'avers et le revers de la médaille révolutionnaire: vertu & terreur.
_________________ Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer. Beaumarchais, Le Barbier de Séville, 1775.
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